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Fabian Naulleau, professeur d’économie au Lycée français de Los Angeles

Publié le 4 mars 2006

Fabian vit en Californie depuis déjà trois ans. A 32 ans, il occupe le poste de professeur certifié de sciences économiques et sociales au Lycée français de Los Angeles.

Fabian Naulleau
Fabian à droite, aux côtés de ses élèves de seconde : "Je donnerais cher pour un bon cari poulet à Los Angeles".

Racontez-nous votre parcours.

"Je suis arrivé à la Réunion avec ma famille en 1980, à l’âge de 6 ans. Après le Bac, je suis parti faire une école de commerce en Métropole (ESC Pau). Puis je suis rentré à la Réunion où j’ai préparé le CAPES de sciences économiques et sociales à l’IUFM de Bellepierre. Malheureusement une fois devenu professeur certifié, j’ai été muté en Métropole. Mon départ fut donc un peu forcé, mais j’avais aussi des envies de voyage. Finalement, après quatre ans à Paris, l’arrivée à Los Angeles sous le soleil californien fut plutôt facile, au niveau du moral j’entends".

Racontez-nous votre installation en Californie.

"Sur le plan matériel, cela a été plus long que je pensais. J’ai bien mis 3/4 mois à me sentir chez moi. C’était à la fois excitant et stressant de repartir de zéro, sans appartement, sans voiture, avec juste deux valises de vêtements. Stressant car tout est compliqué. Par exemple, j’ai dû attendre d’avoir un numéro de sécurité sociale américain pour passer le permis de conduire californien, pour pouvoir assurer et conduire la voiture que j’avais achetée. C’est un peu comme les dominos, il faut faire tomber le premier pour toucher le deuxième etc. Toutefois partir est aussi excitant car j’arrivais en terrain vierge, loin de ma zone de confort comme ils disent ici. C’est dans ces moments que l’on grandit un peu, que l’on se découvre des nouvelles qualités".

Quels sont vos projets ?

"Pour l’instant je pense rester encore un peu à Los Angeles, peut-être pour une nouvelle période de trois ans. Il faut dire que la Californie est envoûtante, c’est vraiment un bel endroit où la vie est facile. Ceci dit, à terme je pense repartir vers une autre expérience, un autre poste à l’étranger sûrement".

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

"Vivre à l’étranger apporte beaucoup de choses. Par exemple, ici c’est un vrai régal d’observer le sens des affaires des Américains. Ils sont hyper professionnels, le service aux clients est très important. Je sais bien que c’est pour gagner de l’argent (ce n’est pas altruiste), mais j’apprécie leur efficacité, leur droiture dans les affaires. Vivre à l’étranger permet de comprendre une société étrangère de l’intérieur, mais aussi de prendre du recul sur sa propre culture d’origine. C’est gagnant-gagnant ! D’autre part, le jugement négatif, le rejet, la peur des autres vient souvent de leur méconnaissance. En ce moment les Américains n’ont pas vraiment la cote mais vivre ici permet de remettre les choses en perspective. Cela permet d’être moins jugeant, plus tolérant".

Qu’est ce qui vous manque de la Réunion ?

"Les vagues ! Je suis un surfeur, c’est ma passion, alors la Réunion et ses houles d’hiver me manquent beaucoup même si je reviens presque chaque année. La cuisine réunionnaise me manque aussi. Je donnerais cher pour un bon cari poulet à Los Angeles..."

Quels est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

"Même si je reviens presque tous les ans, il m’est difficile d’être précis. En tout cas je suis frappé des changements à chaque voyage. Par exemple, les embouteillages semblent suggérer une certaine surpopulation de l’Ouest de l’île. J’ai l’impression que le développement des infrastructures a toujours un temps de retard sur la forte croissance démographique, ce qui fait que les conditions de vie ne s’améliorent pas autant qu’elles pourraient. Sinon, le climat social me semble plus serein qu’avant mais encore une fois je ne viens que trois semaines par an !
Economiquement, je trouve que l’île se développe vite et plutôt bien. A chaque fois je vois des nouvelles activités (touristiques notamment ), des nouveaux restaurants, de nouveaux bâtiments, etc. D’autre part, la compétence et le professionnalisme des entreprises réunionnaises s’améliore selon moi. Economiquement la Réunion me semble sur le bon chemin".

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

"Avoir vécu à la Réunion m’a réellement servi dans mon expérience d’expatriation. L’île est un tel concentré de races et de cultures que j’ai certaines facilités d’adaptation par rapport aux gens. Par exemple, il y a une forte communauté asiatique à Los Angeles et le fait d’avoir eu des amis chinois dans mon enfance me permet d’être rapidement à l’aise. Le multiculturalisme des Réunionnais est une vraie chance pour voyager dans le monde. Toutefois, je pense que l’île est un peu isolée. C’est assez loin géographiquement et il est difficile de s’intéresser à ce qui se passe ailleurs dans le monde. Mais globalement venir de la Réunion m’a bien plus servi que desservi dans mon parcours professionnel. C’est une chance extraordinaire".

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

"J’ai eu la grande surprise d’avoir un élève réunionnais à mon arrivée à Los Angeles ! Sinon je suis tombé par hasard sur un des plus vieux surfeur de l’île en allant à la plage. Il vit ici depuis presque 10 ans et travaille comme chef cuisinier dans un bon restaurant de la ville. Sinon, j’ai toujours ma bande de copains des années lycée que je revois chaque année lors de mes vacances dans l’île. J’aime bien les revoir car ils me reconnectent rapidement au style de vie réunionnais. Cela fait du bien de savoir qu’ils sont toujours dans l’île, ils constituent une sorte de repère pour moi, un peu les gardiens d’une époque heureuse de ma vie".

Quelle est l’image de l’île là où vous vivez ?

"Ici presque personne ne connaît la Réunion, c’est tellement loin ! Certains surfeurs connaissent car il y a parfois une étape du circuit professionnel de surf qui est organisée dans l’île. Ils connaissent donc la Réunion pour ses bonnes vagues en particulier celle de Saint-Leu. Côté français, mes collègues me parlent beaucoup de l’épidémie de chikungunya qui détériore l’image de l’île. Certains sont venus en voyage et en ont un très bon souvenir, mais je crois que la situation actuelle laissera malheureusement des traces dans les esprits".

Quel conseil donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?
"Je leur dis : CONFIANCE. Comme je l’ai développé avant, je crois sincèrement qu’être Réunionnais est une grande chance. Pour l’expatriation c’est génial à cause de cette sensibilité aux autres cultures qui met à l’aise dans bien des situations. La Réunion c’est le monde en miniature. Alors en avant !"

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