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En direct du conflit social en Martinique 2

Publié le 13 février 2009

Véronique vit en Martinique depuis 11 ans. Mariée et mère de deux enfants, elle déplore l’augmentation des prix ces dernières années et craint que la situation ne se durcisse dans les prochaines semaines.

Grève en Martinique

Entretien daté du 10 février 2009

Pouvez-vous vous présenter svp ?

Véronique, j’ai 32 ans, deux enfants et je suis mariée. J’ai vécu très jeune à la Réunion. Je suis partie ensuite en Métropole où j’ai obtenu un BTS en Economie sociale et familiale. Mon attachement a toujours été très grand pour la Réunion. Après mon BTS, nous avons tiré mon copain et moi au sort entre la Réunion et la Martinique et nous avons atterri ici en 1998. J’ai toujours travaillé comme assistante de direction dans diverses entreprises. Mais déçue par des employeurs peu scrupuleux, j’ai monté récemment mon entreprise (homesitting-antilles.com). Je suis maintenant chef d’entreprise.

Racontez-nous les débuts de la grève en Martinique.

La Martinique a commencé à suivre le mouvement de grève nationale du jeudi 5 février. Ce mouvement a mobilisé ici 20 000 personnes dans les rues, un nombre surprenant et très inattendu. Jusque là, la Martinique était restée en retrait par rapport à la grève en Guadeloupe. Mais les syndicats ont profité de cette forte mobilisation pour soutenir la Guadeloupe et lancer le mouvement sur la "vie chère", les bas salaires, l’essence trop chère... Tout ceci était à prévoir. Il y a quelques mois c’était la Guyane, ensuite la Guadeloupe et maintenant la Martinique.

Comment sont-ils vécus ces événements autour de vous ?

Le mouvement vient de démarrer. Il est relativement bien vécu pour l’instant même s’il faut s’organiser autrement : écoles fermées, pas d’essence dans les stations, opérations "molokoy" (escargot) sur les routes, opérations coup de poing pour faire fermer les magasins qui font de la résistance. Un seul mot d’ordre : "solidarité". Si la Guadeloupe obtient quelque chose, c’est parce qu’ils se sont serrés les coudes et qu’ils n’ont pas lâché prise.

Quelle est votre explication personnelle de cette situation ?

Je pense que cette situation était inévitable. Le taux de chômage frôle les 21% ici et 15% de la population martiniquaise vit sous le seuil de pauvreté. Nous sommes en 2009 dans un département français, c’est hallucinant ! Je vis depuis 11 ans en Martinique ; le coût de la vie a beaucoup augmenté. On paye un yaourt le double voire le triple du prix de la métropole. Ce n’est pas normal, c’est révoltant.

Quelles comparaisons pouvez-vous faire avec la Réunion ?

Mis à part le taux de Rmistes, le chômage et la vie chère, les points de ressemblances avec la Réunion s’arrêtent là. Je trouve que la Réunion arrive mieux à tirer son épingle du jeu. Il y a beaucoup plus d’infrastructures, l’île est plus développée. La Martinique aurait également beaucoup de leçons à tirer sur le point de l’acceptation de l’autre. Il y a une très grande fracture ici entre « Martiniquais » et Békés (descendants des colons blancs). D’ailleurs pour beaucoup de Martiniquais, la situation actuelle incombe aux Békés, qui possèdent 40% de la grande distribution, 52% des terres et une grande partie de l’économie. Ils fixent leurs propres prix sans aucune concurrence.

Comment voyez-vous la suite des événements ?

Ma peur pour les semaines à venir, c’est que le reportage diffusé sur Canal+ "Les derniers maîtres" (sur les Békés de la Martinique) mette le feu au poudre et ne fasse qu’envenimer une situation déjà bien difficile. Pour la suite, si les gens se mobilisent et rejettent le système d’assistanat, les choses peuvent évoluer. Sinon les choses resteront identiques et la Martinique restera l’île aux grèves, avec une grève de temps en temps pour obtenir des petites avancées.

Véronique Chantois

En direct de Martinique, entretien avec Véronique Chantois

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En direct du conflit social en Martinique

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