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Sébastien Anamoutou, chargé de mission au Ministère de l’Environnement à Paris

Publié le 16 février 2009

Originaire d’une famille de planteurs de Sainte-Suzanne, Sébastien a poussé les études assez loin à l’Université avant de passer le concours de technicien supérieur. Après une année de formation à Aix en Provence, il est aujourd’hui, à 30 ans, chargé d’étude dans le service à la tête du Réseau Scientifique et Technique du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire. Sébastien participera au 1er village de la diaspora réunionnaise du 14 au 16 octobre 2009 à Saint-Denis.

Sébastien Anamoutou
Sébastien, au Salon mondial de l’Automobile 2008, référence les innovations dans les systèmes embarqués, GPS, radars...

D’où êtes-vous à la Réunion ?

Je viens de Commune Carron à Sainte Suzanne, d’un milieu que je qualifierais de modeste. Mon père s’occupait du champ de canne et des animaux. Ma mère, en plus du ménage, s’occupait d’une tit’ boutique fermée en 2007. Nous avons eu mes frères et moi une éducation basée sur l’exemple des aïeux et des grandes discussions avec les oncles, tantes, grands parents… Je crois que plusieurs choses s’en dégagent : le sens de la famille, la bonté, la satisfaction du travail, du devoir bien fait…

Racontez-nous votre parcours.

Après mon bac S mention science de la vie en 1997, comme bon nombre de jeunes de mon époque, j’étais peu informé des opportunités d’études (concours, écoles, IUT, prépas...). C’est un peu par manque d’anticipation que je me suis retrouvé à la fac de Saint-Denis, en Deug de Science de la matière.

Dans quelles conditions avez-vous quitté l’île ?

En 2002 avec une Maitrise de physique appliquée, j’ai candidaté auprès de nombreuses entreprises du secteur industriel à la Réunion. Je n’ai même pas eu d’accusé de réception de mes demandes. Alors j’ai postulé dans plusieurs universités en métropole. Je tenais à faire un DEA en relation avec l’Energie. Une seule université m’a répondu : Paul Sabatier à Toulouse. Nous étions juste après la catastrophe d’AZF. Je n’avais pas de logement, j’étais en pension chez des Réunionnais qui me l’ont proposé suite à une annonce de ma mère sur radio Freedom ! J’ai tenu un an, avec des hauts et des bas…

Puis retour à la Réunion…

Je suis rentré sur l’île en juillet 2003 ; j’ai aidé mon père à couper la canne pendant la campagne sucrière. En même temps je me suis inscrit à l’IUFM pour passer le CAPES et l’agrégation de physique appliquée… que j’ai loupé de peu. Puis j’ai candidaté auprès de la CCIR pour être formateur. J’ai alors enseigné les maths et les sciences physiques à des jeunes un peu perdus. Ma volonté de changer ce monde mal parti en a pris un coup durant cette période. Je ne comprenais pas comment des jeunes pouvaient tomber aussi bas dans la violence et la bêtise. Maintenant, je répondrais, par facilité...

Qu’avez-vous fait ?

En même temps je donnais des cours à des adultes au CFA de Saint Gilles les Hauts. J’étais fier d’eux, des CAP et BP coutures, des gens sympas n’ayant pas eu la chance de se former jeune. Avec cet emploi du temps chargé, j’ai quand même réussi à préparer des concours. J’ai été reçu à celui de technicien supérieur de l’équipement. Direction Aix en Provence pour une année de formation !

Racontez-nous vos débuts à Aix.

J’avais fait des économies pour préparer mon installation. La famille a aussi donné « un ti euro par ci par là ». J’ai voyagé de jour en avion vers Marseille puis j’ai pris un taxi 32€ ; je suis arrivé un quart d’heure avant que la concierge s’en aille. Etat des lieux fait, direction le Mac Do à pied (j’étais dans une zone industrielle, Les Milles à Aix) : pas de transport en commun le soir et les dimanches. Le lendemain, j’ai été au premier arrêt de bus à 1 km, faire des courses avec une cousine venue m’aider pour l’occasion. Deux allé-retours avec des sacs pleins ! Et puis les autres lauréats du concours, antillais et métropolitains sont arrivés…

Et ensuite ?

Durant toute l’année, il y a eu une forte solidarité avec des collègues qui me faisaient sortir, m’emmenaient faire des courses, chez le docteur… De mon côté, j’avais endossé le rôle d’ambassadeur de la Réunion : soirées créoles, cuisine créole, ateliers samoussas, ateliers maloya… Après un an, direction Paris, où j’ai été affecté comme chargé d’étude dans le service à la tête du Réseau Scientifique et Technique du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire.

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

Cette expérience m’apporte encore beaucoup à ce jour et pour encore un bon bout de temps je l’espère. Tout d’abord une ouverture d’esprit sur un monde vaste et ouvert, avec des cultures, des pensées et des acteurs différents. De nouvelles façons de raisonner et surtout une prise de conscience de moi-même. Aujourd’hui j’ai plus de confiance en moi, j’arrive par la force des choses à prendre la parole face à des inconnus, des Préfets, des Présidents de CR ou CG, etc. La solitude ou le besoin de briser cette solitude renforce la personnalité. A Paris, il y a aussi plus de facilité à aller voir ailleurs, à voyager, à découvrir l’Europe, l’Amérique, la Méditerranée....

"Le melting pot aidant, nous comprenons mieux la différence et l’acceptons mieux que les autres"

Quels sont vos projets ?

Mes projets sont simples : acquérir des compétences dans le domaine de la gestion de trafic, les transports intelligents, la sécurité routière, le multimodal, le contrôle radar… Puis sur le long terme revenir à la Réunion pour mettre ces compétences au profit de la zone océan Indien. La réunion est amenée à devenir par comparaison "le Paris de l’océan Indien". C’est dans cet esprit d’ouverture sur le monde que doit se construire l’avenir de notre ile (à ne pas confondre avec la mondialisation). Pour l’instant je découvre encore le métier, le relationnel, la politique, les politiques publiques. Autre projet, je souhaite ramener une couverture pays. Je ne sais pas si elle acceptera !

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

La Réunion c’est un tout ! Tout me manque, même par exemple l’eau de la Réunion. C’est bizarre mais je ne me suis pas encore fait avec l’eau d’ici, le goût lé pas pareil…

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

Une grosse partie de la population vit dans le chômage et de l’assistanat. Celui-ci est renforcé par l’arrivé en masse de supermarchés, qui représentent le pouvoir consumériste et non le pouvoir de production du pays. Cela apporte un mieux dans le niveau de vie des habitants, mais à quel prix ? L’avenir de la Réunion, c’est sa nature, ses plantes endémiques, ses éponges marines, que les laboratoires étrangers étudient pour les traitements médicaux, des brevets qui échapperont aux Réunionnais. L’avenir c’est l’exportation, le tourisme. Il faut repenser la façon de recevoir un touriste, de l’accompagner et de le guider dans ses intenses sensations...

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

Avantages : cela suscite de l’intérêt et facilite les approches ! Le melting pot aidant, nous comprenons mieux la différence et l’acceptons mieux que les autres. Je pense que l’inconvénient, ce sera la difficulté pour retourner professionnellement à la Réunion.

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

Pour être franc, il y a de tout : "Il y a une université dans ton pays ?", "T’es de quelle tribu ?", "T’as droit à combien de femmes ?"… D’autres sont incollables. Une grande majorité de métropolitains que je croise ont un ami qui a été à la Réunion ou qui connait un Réunionnais. Tout est une question de passion et d’intérêt. Le passionné de Volcan connaitra le Piton de la Fournaise mieux que toi ; le passionné d’espèces rares saura te dire que le tektek est en voie de disparition...

Vous même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

A Paris, tout le monde est préoccupé par le "métro boulot dodo" en semaine. Le weekend, ça dépend du porte monnaie : sortie bar-boite ou soirée belote. L’été et l’hiver font sont aussi très différents. Paris est effervescente et trouble, donc excitante.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

Il ne faut plus hésiter ! Dès l’entré au lycée, réfléchissez à votre avenir, à ce que vous voulez faire. Internet est une source inépuisable d’informations, les conseillers d’orientation sont là pour ça aussi. Il y a des aides : Conseil régional, Conseil général, ANT, Continuité territoriale… Pensez que le monde ne se limite pas à ce qui se passe à la Réunion.

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?

Excellent ce site. Je pense qu’il fait la liaison entre les expatriés et la Réunion. Ca peut être une source d’idées pour les jeunes qui sont en phase de choix dans leur orientation. Un peu comme mon éducation : "qu’ont fait mes aïeux ?"

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