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Extraits de Zistoir Kristian, la vie d’un ouvrier réunionnais en métropole dans les années 70

Publié le 2 avril 2009

En 1977, les éditions Maspéro éditaient un texte peu commun : le premier roman écrit en créole réunionnais avec une traduction en français et une préface très engagée. A l’origine de ce projet, un petit groupe de militants étudiants et d’ouvriers voulait témoigner de l’expatriation des jeunes travailleurs réunionnais en France, et dénoncer la situation coloniale qui persistait dans l’île malgré le changement de statut en DOM intervenu après guerre, en 1946.

Zistoir Kristian

Plus de 30 ans après sa publication, Zistoir Kristian, premier roman en créole réunionnais, est réédité dans sa version bilingue créole et français. L’ouvrage est composé de quatre parties : un avant-propos signé « Les traducteurs », une note intitulée « Quelques règles pour lire le kréol », et les deux versions des Mes-aventures de Christian (créole et français).

Pourquoi « Mes-aventures » ? Parce que, racontant à la première personne le parcours d’un Réunionnais de l’île au continent, le roman met avant tout l’accent sur les désillusions de ce dernier : croyant fuir un état de misère, Christian « saute la mer » pour aller faire sa vie en France. Or, témoigne-t-il, son expérience ne pouvait être qu’un échec : « français sur le papier », mais originaire d’une l’île de l’Océan Indien, il prend très vite la mesure de ses différences…

Se donnant pour objectif de faire connaître la condition des migrants dans les années 1960-1970, Zistoir Kristian voulait proposer une approche de ce que pouvait être alors la politique migratoire du gouvernement français (et notamment celle conduite par le BUMIDOM).

Lire un extrait : chapitre Lo Bumidom - 7 pages en créole

Lire un extrait : chapitre Le Bumidom - 8 pages en français

Références : Christian, Zistoir Kristian. Mes-aventures : Histoire vraie d’un ouvrier réunionnais en France, France (Ile-sur-Têt), 2009, 203 p.
Préface et entretien : Stéphane Hoarau.
ISBN : 2-910791-63-7 - Prix : 16 €
Édition K’A : [email protected]
http://www.editionska.com/

Vous pouvez commander en ligne le livre Zistoir Kristian dans la rubrique boutique.

Lire l’interview de André Robèr

Interview de Serge Ah-Kon, l’un des traducteurs de l’édition de 1977, par Stéphane Hoarau (extrait)

Stéphane Hoarau : Parlez-nous des auteurs de Zistoir Kristian.

Serge Ah-Kon : On s’engueulait parfois… Notre manière de concevoir le monde n’était pas tout à fait la même : Christian était plutôt terre-à-terre. Lui, ce qui l’intéressait, c’était l’amitié, alors que nous, ce qui nous intéressait, c’était plus que de l’amitié puisque nous étions dans une démarche politisée. Comme le disait le maoïsme de l’époque, il fallait avant tout « servir le peuple ». Et comment
« servir le peuple » ? L’engagement en faveur de la langue créole était pour nous une manière de répondre à ce précepte.

S.H. : Je vais ouvrir une brève parenthèse pour revenir plus précisément sur le cas de Christian. Les lecteurs d’aujourd’hui conçoivent Christian non pas comme un individu, mais comme un groupe de personnes. Nous savons aujourd’hui que ce sont ceux qui se font appeler dans la préface « les traducteurs » qui sont à l’origine du projet, et non pas un seul individu. Or, Christian était bel et bien un ouvrier réunionnais travaillant en Île de France… C’est une personne réelle.

A.-K. : En effet, Christian est une personne. Et le livre Zistoir Kristian dit bien son histoire. C’est donc une histoire personnelle. Et nos divergences de points de vue dont je parlais tout à l’heure
résidaient souvent dans la manière d’aborder son propre récit… Mais tout est parti de là : de notre rencontre avec Christian. Nous l’avons rencontré en 1972, lorsque nous allions distribuer des tracts à La Maison de La Réunion, rue Gauthey, à Paris. Nous y allions en général le dimanche après-midi, puisqu’il y avait plus de monde qui y passait à ce moment là. On distribuait des tracts à l’extérieur, évidemment, parce qu’il n’était pas question d’entrer à l’intérieur. C’est donc à l’extérieur de La Maison de La Réunion que nous avons rencontré de nombreux Réunionnais – qui avaient envie de parler, ou pas. Et puis, petit à petit, il s’est constitué un petit réseau de camarades. C’est comme ça que nous avons rencontré Christian. Nous avons alors commencé à discuter avec lui et à se lier, un peu. Puis, un jour, il nous a dit qu’il avait commencé à écrire son histoire dans un cahier – un cahier d’écolier d’ailleurs. Nous avons tout de suite sauté sur l’occasion. Nous nous sommes dit : « c’est pas mal ça, c’est une piste intéressante ». Alors nous avons décidé de nous réunir toutes les semaines pour en parler et pour commencer quelque chose. Il n’avait commencé à écrire que quelques pages seulement dans ce cahier d’écolier : c’était
son départ de La Réunion. Un petit groupe de camarades a alors commencé à se réunir chaque semaine pour travailler sur son histoire…

Tout ce qu’on dit dans le roman est véridique, dans le sens où sont présentés là tous les jalons de son histoire personnelle. Mais évidemment, quand on écrit, il y a une part de « mensonge »… Non pas que nous ayons brodé, mais à cause du fait que l’écriture requiert d’autres exigences : on ne peut pas répéter tout le temps le même mot, il faut varier les expressions, le vocabulaire, etc. Et c’est ce travail d’écriture, en fait, qui posait problème à Christian. Parce que lui, il voulait vraiment rester dans sa version… un peu plate finalement. Or, je pense que l’intérêt de Zistoir Kristian réside dans le fait que le travail est collectif. Chacun y a apporté sa pierre. Et évidemment, quand il y a six ou sept personnes autour de quelque chose, il y a beaucoup plus de possibilités.

S.H. : Est-ce que tu peux citer les autres participants au projet ?

A.-K. : Les noms, ça me gêne… C’est toujours un peu délicat. Les auteurs de Zistoir Kristian sont volontairement restés dans l’ombre. Nous avions fait le choix de ne pas signer la traduction en français de nos propres noms. C’était simplement « les traducteurs », parce que cette préface était très politisée et que, surtout, elle était écrite dans le contexte de l’époque.

La totalité de cette interview se trouve à la fin du livre. Vous pouvez acheter en ligne le livre Zistoir Kristian dans la rubrique boutique.

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