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VERGES Paul : la biographie

Publié le 12 novembre 2016


Raymond LAURET

Journaliste, né le 5 mars 1925 à Oubone (Siam) - décédé en novembre 2016 à la Réunion. Fils de Raymond Vergès et de Pham Thi Khang. Marié à Laurence née Deroin. 4 enfants (Claude, Françoise, Pierre et Laurent décédé). Ti’noms : Poupette (Jean-Baptiste Ponama, Journal de la Réunion, 17 juillet 1980), Tito, le Sphinx, le Grand Molluque (Boris Gamaleya, Journal de la Réunion, 19 janvier 2003), Bondié-la-tèr. Pseudonyme : L’Invisible ou Ho Chi Minh (pendant sa cavale de 1964). [Filiation : Raymond, son père, diplomate, médecin, militant actif du Comité Républicain d’Action Démocratique et Sociale (CRADS) et fondateur de la Ligue des droits de l’Homme à la Réunion, président. Coauteur de la loi de départementalisation du 19 mars 1946, maire, Directeur des Services de Santé à la Réunion, franc-maçon, fondateur d’un journal intitulé Libération avant de s’appeler Témoignages et député. Son frère, faux jumeau, Jacques, avocat inscrit au Barreau de Paris, auteur de nombreux ouvrages]. Lycée de Saint-Denis en même temps que son frère Jacques, Raymond Barre et Auguste Legros, jusqu’au baccalauréat. Ecole des officiers à Ribbesford (Ecosse) où il obtient ses galons de lieutenant à 18 ans. Engagé dans les Forces Françaises libres (1942), il démissionne de l’armée à la fin du conflit de 1939-45 comme colonel de réserve pour ne pas participer à la “guerre coloniale” d’Indochine Avec des capacités intellectuelles importantes, une culture florissante et un activisme politique redoutable, il est affecté très rapidement à Paris à la section Coloniale du Parti Communiste Français, après être passé par l’école des cadres du Parti (1946). Puis, avec l’accord de l’état-major du PCF, il revient définitivement à la Réunion en novembre 1954 en tant que journaliste, puis directeur du quotidien Témoignages (jusqu’en 1974), organe du Parti Communiste Réunionnais (PCR). A ce titre, il a été poursuivi à quarante-trois reprises pour délits de presse, cumulant quatorze mois de prison ferme jusqu’en mars 1964 où, sur le point d’être arrêté, il décide de se soustraire à la justice, passer vingt-huit mois dans la clandestinité à la Réunion, et de se livrer après une mesure d’amnistie générale en bénéficiant ainsi d’un non-lieu à la fin de son procès Il est à l’initiative en 1959 de la transformation de la fédération réunionnaise du PCF née en 1947 en Parti Communiste Réunionnais (PCR) et il en devient tout naturellement le secrétaire général (1959-2003) avec le mot d’ordre d’« autonomie démocratique et populaire » et avec un programme de nationalisation de l’industrie sucrière et de confiscation des domaines détenus par les sociétés sucrières. Proche des thèses indépendantistes sous le couvert d’orientations autonomistes, il s’identifie dès la création du PCR à tous les mouvements de libération qui agitent le monde et à ce titre il sera accueilli comme un chef d’Etat par de nombreux dictateurs marxistes de la planète : Leonid Brejnev, Nicolas Ceaucescu, Fidel Castro, Didier Ratsiraka, Sese Seko Mobutu. Dans cette stratégie, il s’est notamment intéressé à la création 720 à La Havane (Cuba), en janvier 1966, de l’Organisation de Solidarité des Peuples Afro- Asiatiques (OSPAAL), connue sous le nom de la Tricontinentale et fédérant les mouvements révolutionnaires contre « l’impérialisme occidental ». Lié directement à Moscou pendant longtemps, notamment au niveau de la formation universitaire d’étudiants communistes réunionnais, le PCR participe en tant que délégation étrangère aux congrès communistes métropolitains. En 1963, il signe à Paris un Manifeste des Guadeloupéens, Martiniquais et Réunionnais qui constitue l’une des premières prises de position collective des partis progressistes de la France d’outre-mer sur la décolonisation des DOM et sur l’autonomie interne. Un an plus tard, condamné par la Justice à trois mois de prison pour diffamation en tant que responsable de l’organe du PCR, Témoignages, démissionné d’office de sa fonction d’élu cantonal du Port, par un vote unanime de l’assemblée départementale en raison de sa condamnation, il prend le “maquis” pendant 28 mois (1964-1966) à la Réunion avant de se livrer à la suite d’une mesure d’amnistie générale, d’être incarcéré à la prison de Saint-Denis puis embarqué vers la Métropole à bord d’un avion pour la prison de la Santé à Paris. Il est alors assigné à résidence, remis en liberté (1967) et bénéficie d’un non-lieu par la Cour de Sûreté de l’Etat (1968). À Paris, il tient une conférence de presse avec Aimé Césaire pour réclamer l’autonomie pour la Réunion et la Martinique en déclarant : « A la Réunion, l’autonomie est devenue un mot d’ordre de masse… L’autonomie immédiate est devenue nécessaire » (1966), puis dans l’organe du PSU, Parti Socialiste Unifié : « L’autonomie doit conduire inévitablement à l’indépendance » (26 novembre 1966). En juin 1969 à Moscou, il refuse de signer une condamnation du « révisionnisme chinois ». Deux ans plus tard, il s’associe à quinze organisations autonomistes des départements d’outre-mer pour définir un projet de statut d’autonomie (Convention de Morne Rouge, 16, 17 et 18 août 1971). A l’occasion du 50ème anniversaire de la naissance de l’URSS, il dément et poursuit en justice le Journal de la Réunion (1973) qui a reproduit en russe et en français le texte de son discours prononcé à Moscou réclamant l’aide soviétique pour obtenir « la libération nationale » de la Réunion, avant de se désister de son action judiciaire deux ans plus tard. Il participe avec Elie Hoarau à la 12ème session du Conseil de l’Organisation de Solidarité des Peuples Afro-Asiatiques (OSPAA) à Moscou, en Union soviétique (1975) avec pour ordre du jour « la lutte contre l’impérialisme dans l’océan Indien ». Avec l’arrivée en France de la gauche en 1981, il passe sous silence son combat pour l’autonomie, considérant que la loi de décentralisation de 1982 est un « cadre acceptable ». Dès lors, un certain pragmatisme, teinté d’opportunisme, guidera son action. En 1993, il est encore le fondateur et vice-président du Mouvement pour l’Egalité, la Démocratie, le Développement et la Nature (MEDDEN), présidé par le père René Payet et à ce titre « libéré » de son mandat de secrétaire général du PCR, mais pas de celui de président qu’il devient alors. Ce n’est qu’en mai 2003 qu’il démissionne de la présidence du PCR, puis en mars 2004 du poste de secrétaire général au profit d’Elie Hoarau afin de se consacrer au mouvement L’Alliance, structure électoraliste ouverte notamment aux compagnons de route du PCR, socialistes dissidents et mouvement Freedom notamment.


Paul Hoarau, Paul Vergès et père Jean Cardonnel

Autres

On ne compte pas ses candidatures et ses mandats électifs qui doivent en faire l’homme politique le plus titré de la Réunion dans la durée (« Je suis l’homme politique le plus souvent battu aux élections, mais aussi celui qui a occupé tous les postes », aime-t-il répéter) : conseiller général de Saint-Paul (1955-1961), du Port (1961- 1964), de Saint-Pierre (1970-1976). Député communiste de la Réunion (1956-1958 et 1986- 1987). Maire du Port (1971-1989), avant d’être candidat à la 4e place sur la liste présentée par le Parti Communiste Français présentée par Georges Marchais pour les élections européennes de 1979, tête de la Liste pour la renaissance et le développement de Saint-Paul en mars 1989 et de la liste “Rassemblement pour le changement et la renaissance de Saint- Paul” en juin 1995. Conseiller régional (depuis 1983), il a été notamment la tête de la liste “Développement, Solidarité, Justice et Liberté” et celle de L’Alliance, 1er vice-président du 721 Conseil régional de la Réunion (1992-1998) et président (depuis 1998). Député européen (1979-1984), élu sur une liste du PCF, membre du Groupe de la Gauche Unitaire Européenne, réélu en 1984, puis à nouveau en 2004, il a démissionné de son mandat en octobre 2007 pour laisser la place à la Guadeloupéenne Madeleine de Grandmaison. Sénateur de la Réunion (15 avril 1996) grâce à une alliance avec le Parti Socialiste et au vote d’une partie des élus de droite, inscrit au Groupe communiste, républicain et citoyen, réélu (2001-2004). Sollicité et soutenuu par un « collectif de jeunes de L’Alliance » créé par Fabrice Hoarau, fils de Claude Hoarau, il a été candidat (malheureux) aux élections législatives de juin 2007 dans la 3ème circonscription contre l’UMP Didier Robert ♥ Viceprésident de l’Association des Régions de France (2004). Président du conseil de surveillance de la SEMATRA (depuis 1998). Président du Syndicat Intercommunal à Vocations Multiples de la Réunion dit SIVOMR (1983) devenu CIVIS, Communauté Intercommunale des Villes Solidaires. Président du Syndicat des communes pour le personnel (1983). Président du Conseil de surveillance de la SEFIDA, SA d’ingénierie financière pour le développement économique et social, l’aménagement et l’équipement (1994). Président du conseil d’administration de la SR 21, SA d’économie mixte de la région Réunion pour le développement durable et la coopération régionale (2002). Nommé par le Premier ministre membre du Haut Conseil de la Coopération Internationale (2003). Président de l’ONERC, Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (2002).

Autres

Inquiété par la Justice dans l’affaire de l’assassinat d’Alexis de Villeneuve devant la cathédrale de Saint-Denis lors d’un meeting électoral le 25 mai 1946, il est jugé par la cour d’assises à Lyon et sa condamnation (cinq ans de prison avec sursis), il est amnistié quelques années plus tard par le Président René Coty Membre actif à Paris du Mouvement du milliard pour le Vietnam en faveur de la Croix-Rouge nord-vietnamienne (1967) Apôtre de l’égalité sociale entre les DOM et la métropole, il fut l’un des premiers à oser remettre en question la sur-rémunération des fonctionnaires d’outre-mer (1996). Prises de position : Député européen, il a refusé de s’associer à une résolution contre le colonialisme et notamment la réinscription de la Nouvelle-Calédonie et des autres Dom- Tom sur la liste de la commission de la décolonisation des Nations Unies (1986). Il a porté son choix sur le candidat François Mitterrand lors de l’élection présidentielle (avril 1988) au lieu d’André Lajoinie, candidat du PCF, Parti Communiste Français Il a appelé à l’abstention dès le premier tour de l’élection présidentielle de 1965 face au « mépris » des formations métropolitaines vis-à-vis des départements d’outre-mer. Il a renouvelé cet appel à l’abstention lors du référendum du 20 septembre 1992 sur la ratification du traité de Maastricht Dans un communiqué, il s’est élevé contre la levée de l’immunité de Bernard Tapie à l’Assemblée nationale (1993) Il a soutenu quatre candidats, Jacques Chirac, Lionel Jospin, Robert Hue et Dominique Voynet sous le mot d’ordre « Votez selon votre sensibilité » à l’élection présidentielle du 23 avril 1995, même soutien à François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1988, préférant cette candidature à celle de Georges Marchais, Il a appelé à voter en faveur de Jean-Claude Fruteau, 11ème sur la liste de l’élection européenne conduite par François Hollande (1999) Il a soutenu Lionel Jospin au premier tour et Jacques Chirac au second tour de l’élection présidentielle (2002) contre Jean-Marie Le Pen. Avec le comité central du PCR, il s’est prononcé en faveur de la candidature de Marie-Georges Buffet à l’élection présidentielle de 2007. Enfin, il s’est prononcé « à titre personnel » en faveur du Non au référendum sur le Traité ratifiant la Constitution européenne qui a réuni 56% des suffrages exprimés à la Réunion contre 44% pour le Oui (mai 2005) Lors d’un colloque consacré à “la Réunion sous la IVème république” tenu à l’université de la Réunion le 19 octobre 2005, il a affirmé qu’il ne voulait pas, en 1959, « créer le PCR (Parti communiste réunionnais) », mais que c’est « contraint et forcé » qu’il s’y était résolu !... alors qu’il était « partisan d’un grand rassemblement comme le CRADS » que 722 son père avait créé à la fin des années 30 Le 19 mars 2006, au Conseil régional de la Réunion, il a donné une accolade à Jean-Louis Debré, à l’occasion d’une visite privée du président UMP de l’Assemblée nationale, venu à la Réunion pour la célébration du soixantième anniversaire de la départementalisation de l’île. Publications (sélection) : Proposition de loi « tendant à la juste réparation des préjudices subis par les victimes de mesures arbitraires ou de violences en raison de leur action ou de leur opinion anticolonialistes » déposée à l’Assemblée nationale, proposition de loi « tendant à modifier le Code de la route en supprimant la procédure administrative de suspension du permis de conduire » et proposition de loi « tendant à supprimer l’interdiction de séjour » (7 avril 1986). Livres : D’une île au monde (1992). Du rêve à l’action (2007).

A lire

Magazine Tricontinental mars-avril 1969. Journal intime de Jacques Chirac, par Christine Clerc (1996). Vergès, Père, Fils & Frères, par Robert Chaudenson (2007). Le Général de Gaulle et la Réunion, par Frédéric Payet (2009). Prises de parole : « L’autonomie doit conduire inévitablement à l’indépendance, mais nous sommes convaincus que le cheminement passe à la fois par des réformes de structure indispensables si nous ne voulons pas, du jour au lendemain, retomber dans les rapports néo-colonialistes » (Tribune socialiste, 26 novembre 1966). « Nous n’avons pas actuellement la possibilité de crier à l’autonomie, à l’indépendance. Nous ne serions pas suffisamment entendus » (Conférence-débat à Saint- André, 18 juillet 1978). « Le terme “créolie”, c’est une tentative, dans les conditions actuelles, de maintenir la suprématie d’un certain nombre de valeurs créées sous l’influence de la colonisation de trois siècles d’assimilation à l’idéologie dominante (Quotidien de la Réunion, 8 novembre 1979). « La religion communiste fut pour le Marxisme une erreur historique semblable à celle de l’Inquisition pour le catholicisme » (L’Express de l’île Maurice, 5 août 1991). « Lorsque j’étais député européen, j’ai eu l’occasion d’entendre un socialiste prononcer un discours enflammé sur le respect des droits de l’homme en Turquie mais aussi sur la nécessaire entrée de ce pays dans l’Union européenne. Je l’ai rencontré peu après dans les couloirs du Parlement et je lui ai rappelé que si, dans un quart de siècle, la Turquie devenait membre de l’Union, un électeur sur quatre serait Turc ! Il m’a fait comprendre que cette donnée lui avait complètement échappé… » (Vergès et Vergès, par Thierry Jean-Pierre, 2000). « En aucun cas, le créole ne doit se substituer au français. La maîtrise totale du français est un objectif admis par tous et, pour l’atteindre, il faut tenir compte de l’environnement linguistique naturel. Le créole est ici la langue maternelle. L’utilisation du créole pour parvenir à la maîtrise du français, c’est différent de l’enseignement de la langue créole » (L’Humanité, 22 janvier 2005). « La Chine avec son plus d’un milliard d’habitants a besoin de territoire pour ses populations et il n’a pas la possibilité qu’ont eu les Européens il y a deux siècles d’aller déverser leur surplus de population dans le monde entier. Il ne faut pas oublier que le Tibet est à côté de la Chine » (Interview de l’hebdomadaire mauricien Week-End, 6 avril 2008).

Distinction

Lors de sa visite en Inde, le 24 février 2009, le Centre de documentation sur le monde indianocéanique de l’université Jawaharlal Nehru de New-Delhi s’est débaptisé pour porter désormais le nom de “Centre de l’Océan Indien, Paul Vergès”.

Décorations

Commandeur de l’Ordre de l’Etoile des Comores remise par le Président Ahmed Abdallah Sambi (2006). Commandeur de l’Ordre national malagasy (2007).

Source : Jérôme l’archiviste - Extrait de l’ouvrage Célébrités de la Réunion paru en 2009, basé sur plus de 50 000 documents et archives retraçant quarante années de la vie réunionnaise.

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