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Gouverneur de la Réunion

Publié le 13 juin 2009

Le soleil de mon enfance n’y est plus. Le bitume presque fondu sous les fournaises quotidiennes s’est ici frigorifié. Là-bas, dans les îles il réchauffe le dos des montagnes dès son réveil avant de se jeter au crépuscule dans l’océan. Mais bien avant cet adieu, l’île s’agite comme des danseuses de maloya au rythme des percussions. Le chant des coqs pays, l’odeur du café grillé et les cris des marmailles dans la petite case en tôle remplacent le réveil, cette invention humaine qui, ici, nous démoralise dès ses premiers bips.

Le nègre se lève. Sa bertelle sur le dos et le sabre à la main, il s’en va dans les champs de canne se courber au soleil au fruit d’un maigre tikatsous. Les coups de machette se font entendre, couper, épailler, puis entasser… encore et encore. Quand le soleil annonce midi, assis sous un manguier, il sort de sa bertelle un bol soigneusement préparé par sa femme et sa pile plate tout en poussant un soupir de fierté. Et quand le rhum touche ses lèvres, ses ancêtres saluent le labeur. Puis, il s’écroule, accoté à une roche, en plaçant son chapeau sur sa tête et s’endort au bruit du vent à travers les cannes et des chants d’oiseaux qui acclament la Réunion. Á son réveil, il se remet à la coupe et, encore jusqu’au dernier rayon de soleil, il faut couper, épailler, et entasser…

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