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Isabelle Bruniquet, enseignante en français dans une école privée de Berlin

Publié le 18 août 2007

Arrivée Allemagne en 1989, avant la chute du Mur de Berlin, Isabelle enseigne le français dans une école privée, d’une part au niveau primaire, d’autre part au niveau professionnel avec des jeunes d’une école de tourisme. Elle a aussi été traductrice pour des entreprises comme Elf et Arte.

Isabelle Bruniquet
Isabelle est membre fondatrice de Reunion der kulturen, l’association réunionnaise en Allemagne.

Racontez-nous votre parcours.

"Je suis née 11 avril 1969 à Saint Denis de la Réunion. J’ai un fils, Lucien, né en 1995. J’ai fait des études de Lettres modernes à l’Université de la Réunion, puis de Littérature Comparée à l’Université Paul Valéry de Montpellier tout en suivant des cours de "Germanistik" à l’Université de Bamberg en Allemagne".

Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter l’île ?

"J’ai quitté l’île dans le cadre d’un programme franco-allemand d’échange et de recherche sur les langues créoles. Ainsi, en 1989, alors que de nombreux chercheurs allemands étaient déjà venus à la Réunion, je fus la première à m’aventurer sur les terres de Bavière ! C’était avant la chute du Mur…"

Racontez-nous votre arrivée.

"J’ai été très bien accueillie à Bamberg, par un froid matin de novembre. Je croyais, comme le soleil brillait dans un ciel bleu éclatant, qu’il faisait chaud et ai gelé mes mains ! Pas facile de sortir de l’été austral, d’avoir la chance de trouver un soleil... mais qui ne rime pas avec chaleur. Le plus grand événement que j’ai tout de suite eu l’émotion de vivre, c’est bien sûr la fin de la RDA et la chute du Mur de Berlin ! J’ai travaillé deux ans à Bamberg et participé à la construction de la faculté de langues de l’université de Zwickau, en Allemagne de l’Est : une expérience formidable dans un autre monde !"

Qu’avez-vous fait d’autre ?

"A Bamberg, j’ai été lectrice de français à l’Université Friedrich Otto. J’ai participé aux travaux de recherche et de correction d’un Dictionnaire étymologique des créoles de base française. Ce fut passionnant de réfléchir sur ma première langue maternelle, le créole réunionnais, d’enseigner mon autre langue maternelle et d’en apprendre une nouvelle - l’allemand - tout en communiquant parfois en anglais dans les milieux étudiants internationaux. On voit que TOUTES les langues sont une richesse et un enrichissement pour la culture personnelle !"

Quels sont vos projets ?

"Je veux continuer à enseigner en Allemagne, à Berlin, où je me suis installée en 1992, et contribuer à tisser des liens intenses entre cette ville, l’Allemagne et la Réunion. C’est dans cette perspective que j’ai adhéré au concept et à la fondation de notre association Reunion der Kulturen e. V., organisé un concert de Ziskakan à Berlin et organisé de petites manifestations pour faire connaître notre île dans la capitale allemande. Un autre rêve est de m’engager en Afrique de l’Ouest, dans un projet socio-éducatif ou de coopération, une école par exemple".

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

"La mobilité, c’est l’ouverture sur le monde, l’ouverture d’esprit et par delà la meilleure appréciation de sa propre culture. Paradoxalement, je n’ai jamais été aussi créole qu’en étant à l’étranger !"

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

"Ce qui me manque c’est ma langue, ce créole vivant, énergique, imagé comme dans les zistwar Granmèrkal ! C’est aussi la mentalité "pas trop vite le matin, doucement le soir" (je n’aime pas le stress des Européens !). Ce qui me manque, c’est mon rougail saucisse ou zachards bilinbi. Ce qui me manque c’est ma famille, colorée, mélangée, miroir de notre identité métissée".

Isabelle Bruniquet
Dans une pub pour la chaîne allemande H&M.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

"Je suis assez critique sur la situation économique de l’île : d’une part je regrette que la France l’ait « monocultivée » (la canne), minant un développement économique varié ; d’autre part, je conteste la mentalité d’assistés de beaucoup de Réunionnais qui découle certes de cette situation historique, mais il faudrait se battre et toujours viser haut pour mettre en valeur le potentiel non négligeable de la Réunion (tourisme, écologie, agriculture, culture)".

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

"Les rares contacts que j’ai avec des Réunionnais ont été noués grâce à notre association Reunion der Kulturen (Réunion des cultures). Par ailleurs, professionnellement j’essaie de monter un projet d’échange (stage) et de coopération avec le secteur touristique et hôtelier de la Réunion".

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

"La Réunion n’est pas vraiment connue. C’est déjà bien quand les Allemands savent que l’île se situe dans l’Océan Indien (et non aux Antilles !). On entend parler d’elle quand il y a des catastrophes ou des spectacles naturels comme le volcan, mais plutôt rien du côté des paysages, des célébrités ou de la culture !"

Vous même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

"Je vis à Berlin depuis 1992 et j’ai suivi le développement exceptionnel de cette ville après la chute du Mur. C’est une grande ville mais aérée avec des lacs et de nombreux parcs. C’est une ville culturelle avec des universités, musées renommés, théâtres et philharmonie mais aussi des multitudes de clubs alternatifs et pas chers ! C’est une ville où l’histoire rivalise singulièrement avec la modernité, dont l’aspect le plus visible est sans doute l’architecture. Berlin devrait être plus accueillant envers les étrangers (les Huguenots ont jadis ici trouvé asile) pour être une société vraiment multiculturelle et tolérante. Car les Berlinois sont bizarrement rudes et ouverts à la fois ! A découvrir…"

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

"Jeunes Réunionnais, il faut être fiers de votre origine, de votre culture ! Soignez, sinon cherchez et trouvez votre identité. Parlez votre langue, le créole. Partez à la découverte du monde et d’autres horizons pour revenir plus forts à la Réunion et montrer ce que vous savez, ce que vous pouvez. Nou lé pa pli kouyon !"

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?

"Idée formidable ! C’est bien de voir le rayonnement de la Réunion dans le monde grâce à Internet et de découvrir les carrières de nos compatriotes. Beau travail ! Design et contenu peut être à développer : plus de photos, de documents sonores sur ce que font les gens, etc".

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