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Jaïnil Didaraly, 26 ans, volontaire du progrès dans une ONG au Mozambique

Publié le 26 septembre 2007

Technicien hydraulique, licencié en mathématiques, Jaïnil a signé un contrat de deux ans en tant que volontaire du progrès dans l’ONG mozambicaine Kulima. Il fait partie des 3O volontaires réunionnais qui travaillent dans l’océan Indien.

Jaïnil Didaraly
Jaïnil à droite, sur le marché aux poissons, avec les autres volontaires réunionnais au Mozambique : "Je vis une expérience professionnelle et humaine unique".

D’où êtes vous à la Réunion ?

"Je ne suis pas né à la Réunion, mais mon tracé d’origines un peu compliqué et ma culture quelque peu métissée justifient une créolité dont je suis fier et que je revendique en tant que zarab : mes grands parents sont Indiens musulmans (du Gujrat), mes parents sont malgaches et moi, je suis né en métropole (on ne choisit pas l’endroit où l’on naît, mais on sait reconnaître à quelle culture on appartient). J’ai vu le jour dans un milieu très modeste. Mon père et ma mère ont tout quitté de leur Grande Île natale au début des années 80, alors théâtre d’émeutes et d’une situation politique très instable. Ils ont travaillé dur, en subissant racisme et inintégration en métropole".

Et vous ?

"En 2001, j’ai suivi mes parents, qui, arrivés à une retraite méritée, désiraient reprendre l’appartement de mon frère à St Denis (kartyé Kamélya). La première chose que j’ai faite en arrivant sur l’île, grâce à un milieu amical favorable, est d’apprendre le créole. En terre « étrangère », la langue est le vecteur d’intégration numéro un. Astèr mi gyin koz kréol plis ke fransé. A koz lo kiltir la réynyon i perde tro vit é lé mol nout péï la pou oublyé son bann rasyn !"

Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter l’île ?

"En arrivant à La Réunion, j’ai eu ma révélation pour l’humanitaire. Après avoir décroché mon BTS Gestion et Maîtrise de l’eau au Lycée Agricole de St Paul et dans le même temps ma Licence de Maths à l’Université de la Réunion, une annonce de l’Association Française des Volontaires du Progrès dans le Quotidien a attiré mon attention. Ils recherchaient des candidats pour une mission de solidarité internationale de deux en tant que volontaire du progrès (VP). C’était une super opportunité à saisir, un tremplin idéal pour une potentielle carrière dans le domaine du développement. J’ai réussi à concrétiser une partie de mes aspirations professionnelles en quittant temporairement mon milieu familial et amical, pour tout refaire dans un autre pays : un challenge gratifiant non ?"

Racontez-nous votre arrivée au Mozambique.

"Je suis arrivé à Maputo, la capitale, accueilli chaleureusement par une autre VP : Nathalie (qui a son portrait sur le site aussi !). J’étais censé y rester un mois pour apprendre le portugais et régulariser mon permis de travail, mais finalement je suis resté trois mois, pour cause de lenteur administrative (la bureaucratie mozambicaine est un réel capharnaüm !). Je ne le regrette pas, car j’y ai fait des rencontres inestimables, en plus de profiter de la richesse culturelle d’une capitale TRES animée. J’ai intégré par exemple un groupe de musiciens traditionnels rastas en tant que joueur de djembé et on est même passés à la télé ! "

Et ensuite ?

"Après ces trois mois, j’ai du tout quitter pour aller vivre seul sur le lieu de ma mission : Quelimane. C’est une ville de province, (trop) calme, où l’absence de vie sociale et culturelle fut très difficile à digérer. La phase d’adaptation étant maintenant passée, je me suis fait à cette ville, avec ses avantages et ses inconvénients, essayant toujours de retenir le bon coté des choses ! Sur le terrain, je me retrouve assistant du chef de la délégation provinciale de mon ONG (et parfois chef même !). Nous avons localement pour partenaire l’ONG Action Agraire Allemande. Une expérience humainement formatrice et très valorisante pour mon CV…"

Parlez-nous de votre travail.

"Voici deux anecdotes recueillies à Quelimane :
- Une discussion avec un jeune :
« Pourquoi as-tu arrêté l’école, José ?
ça devenait trop cher pour moi, je n’avais pas les moyens.
Ah..., mais c’est combien au juste ?
150 Méticais ( 4,50 euros)
par mois ?
nan, par an
... ».
- Au boulot, un technicien de construction me dit :
« Dans des pays comme les vôtres, vous faites un puits en un jour. Nous, ici, on prend 15 jours, mais on le fait avec nos mains. (Et tu verras un homme creuser jusqu’à se retrouver à 30 mètres de profondeur...) »."

Jaïnil Didaraly
En appui à une association de paysans, dans le cadre du programme d’irrigation de petite échelle.

Quels sont vos projets ?

"Sur le plan des études, j’ai l’intention de devenir un jour ingénieur hydraulique. Alors j’accumule un maximum d’expériences professionnelles pour faire jouer le statut de VAE pour une future entrée en école, en France ou à l’étranger. Dans mes projets personnels, il y a en vue un tour du monde, soit en travaillant par contrats de 2-3 ans dans des ONG, soit avec le billet « Tour du monde » proposé par certaines compagnies aériennes : 1500 euros sur un an avec une limite de miles".

Que vous apporte l’expérience de la mobilité ?

"Le jeune papillon que j’étais avait besoin de sortir de sa chrysalide pour voler de ses propres ailes. Eh bien, je peux affirmer, comme le dit si bien Nathalie dans son portrait d’expat, que je commence à « acquérir une pseudo-indépendance hors du cocon familial ». J’apprends énormément sur moi-même, en plus d’apprendre sur les autres. J’ai ouvert mon esprit par rapport à l’ailleurs, à l’autre et au changement".

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

"Je ressens en vrac de gros efforts de développement, une volonté d’avancer dans la bonne direction, de gros problèmes de chômage, une éducation de qualité, un potentiel touristique et un patrimoine culturel énorme mais des traditions qui se perdent, une situation démographique plus que préoccupante et un modèle ethnologique de tolérance à l’échelle mondiale à imiter".

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

"Etre une personne de couleur en Métropole m’a porté plus que préjudice, ayant subi le racisme et l’intolérance. Quand je suis arrivé à La Réunion, j’ai rencontré ce que je considère comme ma Terre-Mère, me sentant parfaitement intégré, allant jusqu’à revendiquer une identité réunionnaise que je n’ai pas dans le sang ou sur le papier mais bien présente dans le cœur et l’esprit. Vivre tel un Réunionnais m’a appris beaucoup en termes de tolérance et de respect, et m’a également permis d’être là où je suis maintenant. Je vis une expérience professionnelle et humaine unique, grâce à l’appui logistique et financier de la Région Réunion".

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

"Oui, avec les autres VP du Mozambique ! On reste en contact comme de vrais amis, même si elles (et oui, na ryin ktantines, moin lé lo seul boug) sont toutes les trois à Maputo et que l’on a rarement l’occasion de se voir - 1600 km nous séparent, soit deux jours de bus, ou deux heures d’avion à un prix prohibitif - sauf quand je descends sur la capitale ou quand l’une d’elles a une mission de terrain dans la province où je vis".

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

"On ne connaît pas vraiment, à part les musiciens ou quelques sportifs qui y sont allés un jour pour des rencontres culturelles et qui ont adoré notre profonde culture (musicale et moringue entre autres). Mais j’avais prévu le coup et j’ai ralé un DVD de Serge Gélabert avec moi. Ainsi à chaque occasion, je fais de la pub pour notre île ! « Oh wouaouh muito bonito = très joli en portugais ». Le seul hic, c’est quand je leur annonce le prix du billet d’avion..."

Vous même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

"Hormis l’absence de vie sociale (tous les jeunes de mon âge ont fui pour des universités hors de la province) et de vie culturelle (pas de théâtre, de concerts, une seule maison de la culture qui manque de moyens et diffuse très rarement un spectacle), les gens sont plutôt sympathiques (« Quelimane, a terra da boa gente »)".

Décrivez-nous votre environnement.

"Ce qu’on voit le plus à Quelimane ? Des vélos (les taxis sont ici des vélos et non pas des mini-bus comme dans les autres villes du pays, on se croirait en Asie) : des moustiques ; l’insalubrité (poussière, eaux usées, déchets) ; des crevettes et du poisson (à 1,50 euro le kg) ; beaucoup d’estropiés, victimes des mines ou rescapés d’un face-à-face avec un crocodile du très proche et majestueux Zambèze ; la magie noire (les curandeiros, sorciers guérisseurs usant de la médecine traditionnelle prêts à vous soigner, exorciser ou jeter un sort à ceux que vous voulez, la plupart étant des charlatans) et des jolies filles !"

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?

"Idée très positive, un de mes seuls liens avec mon île…"

Le site de l’Association Française des Volontaires du Progrès : www.afvp.org

Voir le profil de Jaïnil Didaraly

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