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Un centre spatial à la Réunion : réalité ou utopie ?

Publié le 13 août 2014

Partant de sa situation géographique unique et de la disponibilité du site aéroportuaire de Pierrefonds, Guy Pignolet considère que la Réunion pourrait devenir un centre de développement spatial. Du lancement de petits satellites cubesats au transport d’électricité sans fil pour les futures centrales solaires orbitales, en passant par le tourisme en impesanteur, un petit inventaire des raisons pour lesquelles il faudrait y croire.

Guy Pignolet et Angélique Verrecchia*
* Après avoir travaillé sur le projet Reunion Island Space Initiative, Angélique Verrecchia est à la recherche d’un emploi sur l’île

Rêve spatial du sud de l’Océan Indien : Aquarelle sur bois et papier par l’artiste réunionnais André Béton

Un demi-siècle après leurs débuts, les activités spatiales évoluent, avec l’importance rapidement croissante de nouveaux développements. Les lancements aéroportés sont en train de remplacer le premier étage des fusées, les cubesats et les petits satellites sont de plus en plus performants, et le contexte économique mondial encourage les activités régionales de haut niveau. Dans l’île d’Hokkaido, HASTIC est un exemple d’investissement dans ces nouveaux potentiels.

La Réunion, au sud de l’Océan Indien, est un autre endroit très particulier où des avenirs réalistes sont possibles, dans un environnement européen, pour s’ouvrir au tourisme spatial et à des lancements aéroportés fréquents de petits satellites. Sur le fonds mondial des réseaux de communication et de transport qui permettent l’émergence de petites unités économiques performantes, la Réunion offre des conditions très favorables pour l’incubation d’entreprises innovantes, de par ses capacités techniques régionales autant que par le haut niveau et la stabilité de son environnement social et culturel. La Réunion est une singularité émergente dans le développement de la Planète Terre.


centre spatial à la Réunion

Dans le sud de l’île, le site aéroportuaire de Pierrefonds apparaît comme un bon candidat pour le développement d’une plateforme spatiale innovante. Sur le fonds mondial des réseaux de communication et de transport qui permettent l’émergence de petites unités économiques performantes, la partie sud de La Réunion se présente comme un bon berceau pour l’incubation d’un avenir spatial, avec une combinaison de tourisme sub-orbital et nano-systèmes de transport orbital, disposant d’un espace aérien ouvert où il y a très peu de trafic. Aujourd’hui, en 2013, le Cosmodrome de Pierrefonds semble un rêve prometteur. Que faut-il pour que ce rêve devienne une réalité stimulante ?

"Small is beautiful "…

... s’applique à la politique et à l’économie des opérations spatiales. La diminution de la taille des systèmes spatiaux a un effet sur les investissements, permettant à des sociétés privées d’entrer dans ce domaine autrefois réservé aux États-nations. Le monde devient global et local, et c’est une galaxie de milliers d’entités socio-économiques régionales autonomes qui se forme désormais pour reprendre nombre des attributs des nations centralisées autrefois toutes-puissantes aux 19ème et 20ème siècles. Les activités spatiales constituent pour les régions de nouveaux développements importants, rendus possibles par le coût réduit des technologies émergentes des lancements aéroportés et des cubesats.

Le modèle HASTIC

Hokkaido, une île-région du nord du Japon, est déjà engagée dans de tels futurs avec le Centre d’Incubation Technologique Aéronautique et Spatial HASTIC, mis en place par un groupe fortement motivé de personnes ayant une grande expérience de l’espace à un niveau national. HASTIC fait des recherches en microgravité, dans la propulsion du futur pour les avions et les fusées, dans les satellites cubesats, les systèmes de lancement aéroportés, et dans le tourisme sub-orbital. Cette activité est aujourd’hui réalisable à un niveau régional parce que nous sommes en même temps globaux, avec accès libre aux informations et aux équipements du monde entier. Les initiatives régionales ne s’opposent pas aux stratégies nationales ou multinationales, qui constituent leur base de fonctionnement et leur permettent d’aller encore plus loin.

Le site de Pierrefonds, à l’île de La Réunion

A neuf mille kilomètres au sud de l’hexagone, au milieu de l’Océan Indien, il est une région européenne ambitieuse avec un potentiel équivalant à celui d’Hokkaido pour le développement d’activités spatiales : c’est La Réunion, avec son aéroport secondaire de Pierrefonds, actuellement en quête d’un avenir.


La Réunion est un endroit exceptionnel

Avec ses 800 000 habitants, La Réunion est une île volcanique comparable à bien des égards à Hawaii, mis à part qu’elle n’est habitée que depuis 350 ans. La population est venue de l’Europe continentale, de l’Afrique, de l’Inde, de la Chine, etc., et ce qui qualifie le mieux La Réunion c’est la diversité incroyable de ses habitants et de leurs cultures, autant que celle des paysages et des climats, une diversité qui attire un tourisme de classe mondiale. Région administrative de la République Française et de l’Union Européenne, La Réunion dispose des mêmes standards que la France hexagonale et l’Europe continentale. Plus de mille passagers font la navette chaque nuit entre Paris et l’aéroport international principal dans la capitale de Saint-Denis. L’infrastructure et les services sont comparables avec ceux que l’on trouve dans les autres régions européennes. Avec les systèmes de communication actuels, La Réunion est à un quart de seconde du reste du monde.

La plateforme de Pierrefonds

En plus de l’aéroport principal du nord, La Réunion dispose d’un aéroport secondaire au sud de l’île, près de Saint-Pierre, du Tampon et de Saint-Louis. L’aéroport de Pierrefonds est équipé d’une piste de 2 100 x 45 m et d’un terminal voyageurs. Il héberge plusieurs aéroclubs offrant des écoles de pilotage et des vols touristiques, et une société d’hélicoptères pour des vols touristiques spectaculaires et des travaux aériens. Une zone de 350 000 m² a été consacrée au développement de nouvelles activités économiques et industrielles près de l’aéroport.

Environnement académique et industriel

Le Campus Sud de l’Université de La Réunion se situe près de l’aéroport de Pierrefonds, et l’École d’ingénieurs ESIROI, qui enseigne l’informatique et la robotique, devrait d’ici quelques années s’y déplacer dans de nouveaux bâtiments. L’ESIROI a installé une station de réception des Cubesats dans son implantation actuelle sur le Parc Technologique Universitaire au nord de l’île, et projette de construire bientôt son propre Cubesat avec la coopération des industriels régionaux. Il y a déjà un important parc technologique dans la ville voisine de Saint-Pierre, où se trouve le Centre d’Observation de la Terre SEAS-OI, qui fonctionne avec les réseaux GMES, AMESD et CLIMSAT, pour l’utilisation des images satellite.


Un centre spatial à la Réunion

Un tourisme haut de gamme

La Réunion est une destination de choix pour les touristes haut de gamme de l’Europe continentale et du monde entier, en raison de la magnifique diversité de paysages, avec des excursions spectaculaires, à pied ou en hélicoptère, autour de ses pitons, de ses cirques, et de ses remparts exceptionnels, qui ont reçu le label UNESCO d’Héritage de l’Humanité. Le Palm Hôtel, l’un des deux hôtels cinq étoiles, à quelques minutes de Pierrefonds, avec son spa luxueux, a hébergé le Président de la République Française et nombre d’autres invités distingués.

Une crise est une opportunité

En dépit de ces atouts remarquables, l’aéroport de Pierrefonds traverse actuellement une crise en raison d’un trafic voyageurs insuffisant pour assurer son bon fonctionnement, d’autant plus que la très touristique Route des Tamarins relie maintenant le nord et le sud de l’île. Est-ce que cela signifie la fin du développement économique pour la zone de Pierrefonds ? Pas nécessairement, diraient les ancêtres chinois du zambrocal réunionnais, parce que dans l’écriture en idéogrammes, le mot "crise" est composé de deux termes signifiant l’un le "danger" et l’autre l’"opportunité".


Un centre spatial à la Réunion

Où est l’opportunité ?

Problèmes de volume du trafic aérien

Alors que le trafic aérien est très dense au-dessus du Japon, de l’Europe et de l’Amérique du Nord, particulièrement le jour, mais également la nuit, il tend à se réduire radicalement dans l’hémisphère sud. Dans l’Océan Indien nous ne voyons que peu de vols allant de l’Europe et l’Asie vers la Réunion et l’Ile Maurice voisine. Depuis peu, le trafic régulier de l’aéroport de Pierrefonds n’est plus que de quatre vols par jour, ce qui représente un problème sérieux pour une activité viable.

Evolution de l’aéroport vers un centre d’essais en vol

Cependant, ce déficit de trafic commercial devient un atout si, au lieu de considérer l’aéroport du point de vue des seuls passagers, nous élargissons la vision à des activités pour lesquelles l’absence de trafic est un avantage. C’est le cas pour les essais en vol de nouveaux concepts d’avions et pour de nouveaux systèmes de propulsion, pour le tourisme sub-orbital et pour la satellisation régulière à cadence soutenue de petites charges utiles au moyen de lancements aéroportés fréquents.

La Réunion vue depuis la Station Spatiale Internationale. Photo prise par le cosmonaute Pavel Vinogradov le 9 avril 2013.

Les petits satellites sont les briques de l’avenir spatial

Dans le futur, nous pouvons envisager que les gros satellites et les grands équipements spatiaux, plutôt qu’être lancés d’une seule pièce, seront assemblés dans l’espace à partir de petits éléments. Les avantages d’une telle construction par briques élémentaires sont nombreux 1) : standardisation des charges utiles, réduction des coûts de préparation, réduction de la masse des structures, contrôles finaux en environnement spatial réel. Tout ceci est possible avec l’évolution actuelle des technologies, et un transport spatial évolutionnaire où le lancement aéroporté peut devenir le choix premier, avec des grands avions et des grosses fusées pour les grandes charges utiles et les vols habités, et des petits avions avec des petites fusées pour l’essentiel du transport modulaire vers des installations en orbite basse. Et là, le Cosmodrome de Pierrefonds prend toute sa signification. 3.4. Une base de départ pour le tourisme sub-orbital L’autre opportunité la plus envisageable pour un futur cosmodrome de Pierrefonds est de devenir une base pour le tourisme sub-orbital, en extension du tourisme haut de gamme déjà existant. D’après Patrice Peta, le directeur du Palm Hôtel, il est prématuré de dire ce qui peut arriver dans 10 ou 15 ans, mais déjà, il voit qu’il n’y aurait aucune difficulté pour ajouter au complexe hôtel/spa une unité de préparation appropriée et un centre de formation rapide pour des touristes sub-orbitaux, avec beaucoup d’occupations attrayantes sur place et tout autour de La Réunion, en attente du vol qui pour beaucoup sera une expérience des plus mémorables de leur vie.

Conclusion : transformer le rêve en une réalité

Ainsi, il peut y avoir un avenir brillant pour l’Aérodrome de Pierrefonds, dans le Sud de l’Océan Indien, si la pensée s’étend au-delà des considérations classiques du passé, et si une vision se construit d’un futur délibérément tourné vers l’espace, en prolongement d’une histoire en cours dans deux îles-régions très spéciales de notre planète, La Réunion et Hokkaido.

La délégation réunionnaise au Congrès Mondial d’Astronautique à Pékin en 2013 : Willy Lameyer, Alice Ranorojaona-Pélerin, Joël Pélerin, Guy Pignolet

Des synergies entre Réunion et Hokkaido

”Le spatial”, dit le Professeur Frédéric Cadet, Vice-President du Conseil Régional chargé de la Recherche, de l’Innovation et des Relations Internationales, “doit être une ambition pour notre économie”. À cause des impératifs de grande qualité des activités spatiales, elles stimulent l’innovation technologique et servent de catalyseurs pour beaucoup d’autres branches de l’économie. Ces projets confirmeront la Réunion dans ses relations nationales, européennes et mondiales et lui donneront un plus grand accès aux réseaux de la haute technologie. Le Conseil Régional veut contribuer à l’émergence d’entreprises innovantes tournées vers l’espace et imagine l’ouverture du développement de Pierrefonds vers des activités spatiales. C’est là où s’installe la relation entre La Réunion et Hokkaido. "Nos deux visions régionales" dit le Professeur Ryojiro Akiba, Président de HASTIC, "sont basées sur le nouveau paradigme des activités spatiales mondiales du futur, avec un accès à l’espace à partir d’avions, depuis n’importe où sur Terre".

Une approche japonaise

Des petits satellites pourraient être mis en orbite à partir d’avions opérés par des entreprises privées, et les grandes installations spatiales pourront être assemblées en orbite à partir de petits éléments satellisés au préalable. Les fréquences de lancement seront incomparablement plus élevées qu’à présent. Il y a certes beaucoup d’obstacles à résoudre. Le plus grand défi est, dans les deux côtés d’une coopération, d’amener les gens à comprendre ces nouvelles approches, avec une prise de conscience des enjeux des systèmes de transport spatiaux du futur. La compétition amicale et la coopération entre des ingénieurs des deux côtés sont nécessaires pour l’avancement de technologies associées. La coopération pourra être efficace dans les activités de vulgarisation des deux côtés, avec la participation d’étudiants dans des activités spatiales et une orientation tourisme spatial. Les ingrédients existent pour une nouvelle entreprise spatiale flamboyante, à l’image de l’arbre tropical qui est l’un des symboles de La Réunion. Que faut-il pour le faire fleurir jusque dans le cosmos, pour que le rêve devienne réalité ?

Plus d’info sur les sites : reunion-space-initiative.webnode.fr et science-sainte-rose.net/Reunion-Island-Space-Initiative

Contact : [email protected]

* Après avoir travaillé sur le projet Reunion Island Space Initiative, Angélique Verrecchia est à la recherche d’un emploi sur l’île

Photographie prise depuis la Station Spatiale Internationale, dans la nuit du 25 au 26 août 2013 par l’astronaute américaine Karen Nyberg. Se détachant au-dessus de l’horizon terrestre et de la ligne atmosphérique, la constellation des Pléïades. Au premier plan, la Réunion, derrière, l’île Maurice. © Karen Nyberg
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