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Quelques propositions pour un développement endogène durable de la Réunion

Publié le 31 juillet 2009

Contribution de l’association Amarres à l’atelier 2 des Etats Généraux de l’Outre-mer : Production locale et conditions d’un développement endogène durable. A l’instar des autres DOM, la croissance économique réunionnaise a une origine en grande partie exogène : les transferts publics. Elle a été relativement élevée comparée à la France continentale et aux autres DOM au cours des trente dernières années et malgré un fort taux de création d’entreprises et d’emplois, La Réunion est l’une des régions européennes où le taux de chômage est le plus élevé.

La croissance s’est accompagnée d’une modernisation de l’appareil productif et d’une augmentation de la productivité du travail, ce qui explique qu’elle ait été relativement faiblement créatrice d’emplois. De nombreuses mesures sont mises en place pour soutenir l’activité et augmenter l’emploi tels que les contrats aidés dans le secteur public, les dispositifs spécifiques d’exonérations des cotisations sociales patronales, la mise en place de l’intéressement pour les bénéficiaires des minima sociaux et bientôt le revenu de solidarité active.

Parallèlement, ce mode de développement s’est traduit par une augmentation des importations de biens intermédiaires et d’équipement, et des biens de consommation courante en provenance de l’hexagone. Le montant des exportations reste aujourd’hui très faible comparé à celui des importations et les déséquilibres extérieurs n’ont cessé de croître au cours des dernières décennies.

La période actuelle est caractérisée par d’importantes réflexions et innovations pour réinterroger ces tendances de fond et adapter la Réunion aux défis du développement durable. L’initiative GERRI en est une des manifestations les plus visibles.

Dans ce contexte, nous présentons trois propositions : répondre à l’impératif d’une agriculture diversifiée et durable, soutenir les initiatives pour l’adaptation et le développement de la production industrielle et de l’offre de services, améliorer le financement du risque et l’offre de capital risque pour accompagner le renouvellement économique et l’émergence de nouvelles activités.

1- Un impératif : développer une agriculture diversifiée et durable qui permettra de réduire la « dépendance » et de créer des emplois

La réduction de la dépendance vis-à-vis de l’extérieur passe par une augmentation des exportations et/ou une réduction des importations. L’avenir de la canne sera fortement compromis dans les années à venir puisque les agriculteurs bénéficieront de moins de subventions. Pour maintenir l’activité du secteur agricole, il importe de favoriser la diversification des cultures.

Une plus grande diversification des cultures permettrait une dépendance moindre vis-à-vis de la métropole. Il faut pouvoir être auto suffisant sur l’ensemble des produits de saison, et être également compétitif de manière à consommer des produits locaux et éviter l’importation des produits contenant une forte valeur carbone. Cela contribuera à réduire l’impact sur le réchauffement climatique et à créer des emplois.

Les agriculteurs seront amenés à pratiquer de plus en plus la pluri-activité pour maintenir un niveau de revenu minimum.

Il importe également de diversifier nos sources d’importation. Dans l’idéal il serait plus judicieux d’importer d’autres zones géographiques que l’hexagone. Par exemple, Madagascar se situe à une distance de 1000 km, ou la Chine et l’Inde à 6000 km.

Accompagner la diversification et le développement d’une agriculture durable constitue un enjeu en termes d’emploi, d’économie et d’environnement.

2- Pour une production locale et un développement endogène

La Réunion a su développer une industrie d’import substitution au cours des 40 dernières années. Ce processus pourrait continuer à s’approfondir, non seulement si les avantages économique et social sont positifs, mais aussi s’il apparaît que l’impact environnemental des produits fabriqués localement est moins important que celui des produits finis importés. Au cours de la même période, bien que de nouvelles activités d’exportation se soient développées, la part des exportations dans les échanges a régulièrement décliné et s’établit en dessous des 10% depuis le début des années 1990.

Afin de tirer parti des politiques d’adaptation au changement climatique, plusieurs initiatives peuvent être envisagées :

- appréhender la demande de produits ou services à moyen et long terme en bâtissant des hypothèses sur les besoins des Réunionnais et des autres individus dans le reste du monde ;

- réduire la dépendance vis-à-vis de l’extérieur, et en particulier des pays très éloignés, en mobilisant les deux leviers d’action que constituent l’augmentation des exportations et la réduction des importations ;

- développer l’exportation de nouveaux produits et services, notamment des technologies de l’information, issus du savoir-faire local en s’appuyant sur la notoriété dont dispose la Réunion ;

- développer des produits et des technologies utilisant des matières premières disponibles à la Réunion, en examinant les innovations de rupture, et plus généralement engager une démarche d’éco-conception des produits ;

- mettre en place et utiliser les énergies renouvelables sur les sites de production et de distribution ;

- favoriser la récupération et le recyclage des déchets produits, et examiner les avantages que pourraient apporter l’écologie industrielle pour chacune les entreprises existantes et certainement pour de nouvelles industries à créer ;

- former aux méthodes et aux outils de travail à distance, ainsi qu’aux langues étrangères, et participer à des réseaux nationaux et internationaux ; à cet égard, la diaspora réunionnaise, présente dans plusieurs régions du monde et de plus en plus qualifiée, pourrait jouer un rôle actif dans le développement des échanges entre La Réunion et le reste du monde ; même s’ils n’ont pas eu l’opportunité de trouver un emploi dans l’île, les Réunionnais d’outre-mer restent souvent en lien avec La Réunion, y compris professionnellement, et contribuent à promouvoir leur île.

- protéger et valoriser les innovations découlant du génie réunionnais.

La transition vers « l’économie durable » expose les entreprises à un risque qui reste à évaluer, mais aussi à une opportunité tant pour l’industrie d’import substitution que pour celle destinée à l’exportation. Le marché intérieur offre un potentiel de développement limité pour les entreprises locales.

Il s’agit donc d’identifier les activités à potentiel de création d’activité et d’emplois, ainsi que les secteurs et niches de marché pouvant faire l’objet d’exportations. Le développement endogène de la Réunion repose sur la capacité à renouveler son industrie et ses services en intégrant l’environnement dans la stratégie d’innovation incrémentale et de rupture.

3- Améliorer le financement du risque et l’offre de capital risque : un moyen de favoriser le renouvellement économique et l’émergence de nouvelles activités ?

L’une des conditions d’un développement endogène est une meilleure adaptation de l’offre de formation initiale et continue, qu’elle soit dispensée localement ou à distance, aux besoins de l’économie locale et aux nouvelles exigences du marché mondial, notamment en matière de technologies de l’information. L’autre condition est l’accès au financement.

Un constat : les entreprises réunionnaises sous-dotées en fonds propres, un accès restreint au capital risques…

Le renouvellement économique, le développement des activités et l’émergence de nouvelles activités peuvent être facilités par une amélioration de l’offre en fonds de capital risque.

Nous savons que les banques sont souvent réticentes à prêter à des entrepreneurs qui démarrent une activité. Cela constitue un frein à l’émergence de nouvelles niches porteuses. En contexte de crise, le recours au renforcement du capital d’une société permet de pallier un accès au crédit devenu plus rare.

L’innovation, la créativité des entrepreneurs réunionnais est entravée par un accès plus restreint aux fonds capital-risque, comparativement à l’hexagone. Ces derniers, dont l’apparition est récente dans les DOM, permettent le lancement d’activités risquées. Si l’on se base sur les expériences des pays émergents d’Asie de l’est ou de la France, le développement des fonds de capital risques a permis l’émergence de niches porteuses.

En France, le capital-risque concerne les opérations en fonds propres réalisées dans les entreprises innovantes en création ou les jeunes entreprises à fort potentiel de croissance. Les sociétés de capital-risque interviennent généralement pour des montants supérieurs à 300 000 euros. Toutefois, certains organismes investissent des montants inférieurs compris entre 5 000 et 76 000 euros (capital risque de proximité) auxquels peuvent s’additionner des business angels dont les investissements sont généralement compris entre 50 000 et 150 000 euros.

Le microcapital-risque de particuliers concerne quelques clubs d’investisseurs informels tels que les Cigales (Clubs d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne solidaire) pour des interventions modestes de l’ordre de 1 500 à 3 000 euros, ainsi que les membres des associations Love Money pour l’Emploi qui peuvent, selon les montants individuels engagés, se situer dans le micro-capital-risque ou dans la catégorie des business angels.

Ainsi, 40 capital-risqueurs ont permis de financer des projets dans les secteurs de la santé, des hautes technologies et de l’environnement. Selon l’AFIC (l’association française des investisseurs en capital), le capital investissement détient en France un porte-feuille de plus 4800 entreprises et les PME financées par capital-investissement emploient 9% des salariés du secteur privé.

Le principe est le suivant : une prise de participation directe par un capital-risqueur dans une entreprise porteuse d’un projet « risqué ». On estime que 10 à 20% des projets permettent au capital-risqueur de s’enrichir et de financer les risques de participation des 80 ou 90% de projets ayant échoué. En France, plus de 40% des sociétés soutenues par le capital-investissement développent une activité innovante. Le capital-risque permet aux jeunes entreprises innovantes, qui démarrent leur activité et ont un potentiel de croissance, d’augmenter leurs fonds propres. Le créateur d’entreprise obtient ainsi des fonds, sans demande de garantie, à un stade de développement où il est souvent difficile d’obtenir des prêts bancaires. L’augmentation des fonds propres consolide la structure financière de l’entreprise sans l’endetter. Le créateur offre ainsi un gage de sécurité à ses créanciers. En effet, un banquier sera plutôt bien disposé à soutenir financièrement une entreprise ayant un bon niveau de fonds propres. Auprès des "business angels", qui sont pour certains d’anciens chefs d’entreprises, le créateur trouve un soutien moral et financier, mais aussi des conseils d’experts dans l’organisation et la gestion quotidienne de son affaire. Avec le capital risque, il bénéficie d’accompagnement, de conseil et d’un puissant effet de levier financier. Dans les régions, les Banques Populaires s’appuient sur l’expertise de Banque Populaire Création, société de capital risque du Groupe Banque Populaire. BP Création intervient, après l’amorçage, lorsque l’entreprise conquiert ses premiers clients, pour des investissements de 50 à 300 K€.

…et pourtant la demande existe.

Selon diverses études (AFD, CCI etc...), les entreprises des DOM souffrent de sous-capitalisation. Pourtant, les entrepreneurs ont un accès plus restreint aux fonds de capital-risque. L’offre apparaît insuffisante. En 2001, les DOM disposaient de moins de 3.5M€ de ressources disponibles pour le capital investissement. En 2005, ce montant est passé à 40M€ alors que, rapporté au PIB en comparant avec la métropole, elles devraient se monter à 200M€. Des sociétés d’investissement régionales (SIR) ont été mises en place dans les DOM. Le réseau est coordonné par la société Holding Alysé-Participations (composée de Sagipar pour les Antilles, Alysées-Guyane et Réunion Développement) détenue à 83% par le secteur public (50% pour l’AFD, 33% pour la CDC, 17% pour la Caisse nationale des caisses d’épargne), mais l’activité reste embryonnaire. Les SIR ont fait l’objet d’un nouvel abondement de 35M€, dont 10 M€ pour Réunion Développement en 2006. La frilosité des investisseurs privés est illustrée par leur faible représentation dans le capital des SIR.

Pourtant la demande existe. Le nombre de PME recherchant des capitaux pour des projets de 12000€ à 7.5 M€ serait estimé à 9000. Entre 2004 et 2006, les 19 projets financés par les SIR auraient fait l’objet d’une très forte sélectivité et selon la Commission européenne, l’augmentation des moyens octroyés aux SIR dès 2006 devrait leur permettre d’accepter des prises de participation au sein d’entreprises porteuses de projets risqués.

Engager une réflexion sur « comment améliorer le financement du risque », et « comment adapter ces dispositifs au contexte réunionnais », pourrait permettre de mieux accompagner et financer la création d’entreprises innovantes à la Réunion et donc de créer des emplois.

Une contribution de l’association Amarres

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