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Jean-Michel Batty, responsable informatique dans le Minnesota (USA)

Publié le 3 janvier 2006

Depuis qu’il a quitté Piton Cailloux, dans les hauts de Sainte-Marie il y a une dizaine d’années, Jean-Michel a parcouru un chemin qui l’a conduit jusqu’au nord des Etats-Unis, d’où est originaire la femme américaine qu’il a suivie. Températures hivernales, parler anglais et mauvais café font désormais partie de la vie quotidienne de ce "Réunionnais tout terrain" qui nous raconte ici son aventure.

Jean-Michel Batty
Jean-Michel, 29 ans, au bord du Lac Supérieur à 3 heures de route de chez lui.

D’où êtes-vous originaire ?

"J’ai grandi dans les hauts de Sainte-Marie, dans un petit quartier que personne ne connaît, à Piton Cailloux, avec le mode de vie des hauts et les corvées associées : "lèv bonn heure pou rod manger cabri". J’ai quitté la Réunion pour terminer mes études. J’avais commencé une Licence de Biologie au Moufia, que j’ai décidé de prolonger en Maîtrise à Marseille, ville choisie à l’époque pour sa température modérée. J’étais absolument convaincu que j’allais mourir de froid dès que j’aurais posé le pied sur le sol métropolitain !"

Racontez-nous votre arrivée.

"Arrivé en Métropole, j’avais un sourire en tranch’ papay que j’ai gardé longtemps. Le changement était radical et impressionnant... Tout ce que je voyais autour de moi me paraissait démesuré. Ma réaction quand j’ai pris l’autoroute de l’aéroport à Marseille, dans ma tête, on ne pouvait pas faire des routes plus larges que ça ! J’en avais le souffle coupé. Par la suite, j’ai passé un peu de temps à Montpellier et ensuite vint mon premier vrai boulot, qui m’a fait déménager avec ma voiture de Marseille à Paris. J’ai vu Paris avec des yeux de gamin, un peu comme pour Marseille".

Votre découverte du métro a été mémorable...

"Je me rendais à un entretien d’embauche et le métro semblait le moyen de locomotion le plus sensé. Lorsque la rame est arrivée devant moi, j’ai vu littéralement des zoreil-sardines dans une boîte de conserve. La rame était tellement bondée que je me suis dit que tous les voyageurs avaient pris ce métro et que le prochain allait être vide. La réalité, c’est que pour les quatre rames suivantes étaient pareilles. A la cinquième, j’ai pris ma respiration et je me suis lancé. C’est comme ça que je suis devenu parisien".

C’est votre entrée dans la vie active...

"Mon parcours professionnel a commencé à Saint-Germain en Laye. Je faisais du support technique au service informatique de Cargill France. Quelques années plus tard, j’ai eu la chance de rencontrer mon nouvel employeur, DPC France, pour qui j’ai rempli la fonction de "service informatique" et qui m’a fait voyager un peu partout en Europe. Plusieurs années plus tard, j’ai rencontré celle qui est devenue mon épouse. Elle est du Minnesota, un état situé au "milieu" des Etats-Unis, à la bordure du Canada. Nous y avons déménagé il y a trois ans, et ma crainte originelle du froid en a pris un sacré coup. Quand le premier hiver il a fait -28°, j’ai vraiment cru que je ne survivrais pas. Mais bon, les maisons sont chauffées et les manteaux épais : on s’habitue vite ! "

Quel est votre métier ?

"Je suis responsable informatique pour une société qui produit des examens pour certifications professionnelles à destination des grandes associations professionnelles américaines. L’entreprise s’appelle Holmes Corporation et elle est située à Eagan, dans le Minnesota. J’ai aussi démarré la création d’une petite entreprise de photographie de studio, mon violon d’Ingres. J’espère pouvoir commencer très bientôt, le site web sera fini d’ici fin février 2006 : www.betterthanwords.com".

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

"Rencontrer des gens de différents horizons ouvre l’esprit. On découvre différentes traditions, différentes visions du monde, différentes idées, différentes relations avec les autres. Cela permet d’apprécier encore plus la position unique de la Réunion, où on est Réunionnais d’abord, avant d’être d’une origine ou d’une ethnie. Ici je sens des rapports de force".

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

"Ma famille bien sûr, coz créol (parler anglais toute la journée, ça use tout le reste), mais aussi la cuisine monmon, les samoussas, les rougails mangues, saucisses, le café : aucun café dans le monde ne bat le café réunionnais, surtout pas ici, où on le coupe avec de l’eau et on rajoute des crèmes pour le parfumer... BERK ! En général, il est très difficile pour moi de rester à jour avec l’actualité de la Réunion. Ma dernière visite il y a trois ans m’a fait réaliser que l’île que j’ai quitté il y a si longtemps allait à 100 à l’heure et ne s’est jamais arrêtée. J’ai pu voir l’influence profonde des tendances métropolitaines, qui reste la mère patrie. J’espère juste que l’identité réunionnaise restera profondément ancrée dans le coeur de l’île".

Quelle est l’image de l’île là où vous vivez ?

"Ah ah ah ! Là où je vis, hmmm... comment expliquer ça. L’Américain moyen ne connaît aucun pays en dehors des limites du sien. Attention, je ne dis pas du mal d’eux, mais c’est la triste vérité. Pour ne pas trop choquer, je dis d’abord que je suis Français. Là ils me demandent : "From Canada ?", donc je dis non, et j’explique que je viens d’une île de l’Océan Indien, et là ils sont tout confus... Quand je leur montre sur la carte, ils comprennent mieux. Alors je leur explique que c’est l’équivalent du "Hawaii" de la France, et là ils ont le déclic".

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