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Success story réunionnaise à Bruxelles

Publié le 9 avril 2015

Ils ont tous les trois grandi au Tampon et se retrouvent, à 30 ans, à la tête d’une des agences les plus prometteuses de la capitale européenne. Spécialisé dans la communication visuelle (web, vidéo, publishing), Old Continent travaille avec les institutions européennes, les ONG et les lobbies d’entreprises à Bruxelles, sans avoir coupé les ponts avec la Réunion.


agence Old Continent Bruxelles

Pouvez-vous vous présenter ?

C : Je m’appelle Charlélie Jourdan, j’ai 32 ans cette année et je suis Directeur Créatif de l’agence de communication Old-Continent, basée à Bruxelles en Belgique, que j’ai fondée en 2013 avec trois partenaires. J’ai grandi au Tampon, à Bérive.

A : Moi c’est Arnaud Jourdan. Nous sommes frères ! J’ai 29 ans, et je suis directeur artistique chez Old-Continent. Je suis aussi de Bérive.

S : Sara Bernard, j’ai 30 ans et je travaille également depuis sa création pour Old-Continent, en tant que chef de projet. Tout comme Charlélie et Arnaud, je viens du sud de l’île et plus précisément du Tampon.

Quel a été votre parcours de "mobilité" ?

C : J’ai quitté l’île à 18 ans, après une année universitaire au Moufia (Biologie). J’ai souhaité changer de parcours pour m’orienter en Philosophie et je suis parti vers la Métropole, à Montpellier – pour débuter de nouvelles études. J’y suis resté quatre ans, et j’ai ensuite enchaîné plusieurs déplacements ERASMUS, d’abord à Prague en République Tchèque, puis en Finlande.
L’arrivée à Montpellier s’est fait à l’époque dans de très bonnes conditions car c’était une ville agréable et accessible, avec beaucoup de soleil, et la communauté réunionnaise, mauricienne et même de Rodrigues était très soudée – notamment parmi les musiciens. Nous nous sommes vite aperçu que nous étions tous immigrés et que nous avions tous besoin de manger des bouchons, des mangues et du piment la pâte de temps en temps.

S : Mon bac en poche, j’ai décidé de quitter l’île à 17 ans pour faire des études en psychologie à Montpellier. J’ai par la suite intégré une école de commerce à la Rochelle pour enfin me spécialiser en direction de projets culturels lors d’un master à Paris. J’ai donc dès mes études, commencé à pas mal bouger.

A : Après une MANAA à St Pierre, j’ai de mon côté effectué des études de graphisme puis de concepteur 3D à l’ESMA à Montpellier. C’est là où nous nous sommes rencontrés.

Fraichement diplômée, Sara est alors revenue travailler dans le sud de la France mais ressentant le besoin de voyager, découvrir de nouvelles cultures et améliorer notre anglais, nous avons rapidement décidé de prendre nos sacs à dos et de nous envoler pour la Nouvelle-Zélande. Le voyage qui ne devait durer que quelques mois s’étalera finalement sur un an et demi durant lesquels nous découvrirons également (grâce à un visa vacances travail) l’Australie et une partie de l’Asie du Sud-Est. Nous sommes aujourd’hui en Belgique, c’est certes moins exotique mais ça nous permet tout de même de découvrir un nouveau pays et c’est également un bon pied à terre pour voyager en Europe (de l’Est notamment) !

Parlez-nous de l’agence Old Continent.

C : J’ai fondé une agence de communication à Bruxelles, Old-Continent, qui est spécialisée dans la communication visuelle et dont la majorité des clients sont issus des institutions de l’Union européenne, ou des différents lobbies et Organisation non Gouvernementales qui siègent à Bruxelles. Nous sommes une agence de cinq personnes à plein temps, généralement un ou deux stagiaires et quelques freelances réguliers.

Nous travaillons en web, publishing et beaucoup de vidéos et animations. Nous sommes depuis notre création en 2013, une des petites agences à fort potentiel à Bruxelles. Old Continent s’est notamment fait connaître pour ses vidéos un peu provocantes comme la série "Eurobubble" et la vidéo alternative de la campagne des élections en mai 2014 "We are not sexy and we know it".

J’ai créé cette agence pour améliorer la communication européenne qui est pour le moment tellement faible que peu de gens savent que l’Union européenne existe depuis plus de 60 ans. Le budget européen contribue d’ailleurs nettement au développement des infrastructures à la Réunion, et à un important nombre de projets sociaux et culturels.


La Réunion est-elle connue à Bruxelles ?

La Réunion est encore méconnue au niveau européen, et même si le lobby pour notre île a de bonnes capacités techniques, il lui manque une communication plus large qui s’appuie sur les citoyens. En gros, nous sommes bon pour défendre notre bout de gras lors d’une discussion où nous sommes invités à parler, mais nous ne sommes pas encore présents lors de toutes les discussions. Old-Continent serait ravi de pouvoir amener de nouvelles techniques de com’ à Bruxelles pour convaincre l’Union européenne du besoin de parier sur notre territoire pour plus de choses que la canne à sucre, les ananas et des prototypes dans les énergies renouvelables.

Quels sont vos projets ?

A : Quand on a fondé Old-Continent, l’idée principale était de travailler pour la communication européenne. Mais nous essayons également d’explorer d’autres milieux, et avons notamment travaillé sur des projets plus personnels avec des Réunionnais (Maya Kamaty, Grèn Sémé, l’expo “Réunion qui es-tu ?” de Jennifer Vignaud, etc.), et c’est quelque chose qu’on voudrait vraiment perpétuer. Etonnamment nous n’avons jamais été contacté par des gens des îles européennes, bien que nous soyons trois Réunionnais dans l’Agence et que cela se sache pas mal...

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

C : Sortir de l’île a été aussi difficile que nécessaire pour moi. Très rapidement je me suis senti obligé d’aller voir ce qu’il y avait ailleurs, et bien entendu cela voulait dire changer de lieu, de nourriture, et souvent d’amis. C’est l’aspect le plus difficile de la mobilité et en même temps le plus nécessaire : on se recrée des groupes d’amis un peu partout, et ce ne sont plus les mêmes qu’au collège ou au lycée.
Je n’ai jamais eu d’inconvénients au fait de venir de la Réunion – bien au contraire – cela a toujours été un sujet de discussion facile avec n’importe qui et je me suis toujours senti comme une petite office du Tourisme pour l’île que ce soit avec des Français, des Anglais, des Asiatiques, des Américains ou autre. Tout le monde souhaite savoir d’où l’on vient et comment est l’île. Cela vaut également dans les entretiens d’embauche que j’ai pu avoir, on m’a toujours posé la question de ce qu’était vivre à la Réunion.

S : Je pense qu’une fois qu’on est capable, tout jeune, d’habiter à 11 000 km de chez soi, loin de sa famille, amis, repères, on peut s’adapter n’importe où ! Et ça c’est un super avantage. On ne le découvre pas forcément tout de suite, les débuts sont parfois difficiles mais avec le recul, cette première expérience de mobilité a été un réel atout pour la suite de mon parcours. D’autant que je m’en souvienne, venir de la Réunion n’a jamais été un inconvénient pour moi, bien au contraire ! C’est une source de discussion intarissable, les gens sont toujours très curieux et parfois étonnés qu’on puisse être français en habitant au milieu de l’Océan Indien.

A : L’appartenance à une culture forte comme celle de la Réunion est un atout à l’étranger et même en Métropole, c’est de cette façon qu’on a réussi à garder une base forte d’amis, mais aussi à rencontrer de nouvelles personnes. Après au niveau des études supérieures, venir de la Réunion peut être un frein, notamment lors des demandes d’admission dans certaines filières spécifiques et écoles en Métropole. Sortir avec un « bac cocotier » était je pense un des stéréotypes qui collait le plus à la peau des étudiants Réunionnais.

Arnaud (en h. à g.), Charlélie (en h. à d.) et Sara (en b. à d.)

Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

C : J’ai toujours quelques pots de piments et des combavas dans mon congélateur grâce à ma maman qui pense toujours à en ramener lorsqu’elle vient. Grâce aux épiceries asiatiques je trouve aussi une grande partie des produits de la Réunion. A l’époque j’avais un djembé, mais j’ai dû m’en séparer en voyagent dans le reste de l’Europe (pas pratique dans un bus ou un avion), et pareil pour le Kayamb. Mais disons je continue d’écouter la musique de mes amis de Grèn Sémé et Maya Kamaty.

S : Quand je suis partie pour la Métropole, j’ai ressenti le besoin de recréer un petit bout de la Réunion dans mon appartement. J’ai donc emmené une valise pleine de déco, CD, nourriture etc. Nous avons tellement bougé que nous nous sommes finalement séparés de beaucoup de choses, et aujourd’hui la Réunion est surtout présente chez nous grâce à des agrandissement photos qui ornent les murs et évidemment par la musique - j’ai toujours de la musique dans les oreilles !

A : Comme tout le monde je pense, mes t-shirts fétiches de la Réunion et pas mal de bouchons, de samoussas, de bonbons miel et de piments à chaque voyage. Mais ce qui me suit le plus c’est l’odeur des combavas dans chaque congélateur que j’ai eu depuis mon arrivée en métropole.

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

C : J’ai assez peu de contact hors de Facebook avec des Réunionnais ici à Bruxelles – mais c’est parce que je travaille beaucoup et sors moins. Par contre, j’ai un ami que je vois de temps en temps et que je ne connaissais pas sur l’île : Laurent Dennemont, qui est également responsable de l’Association réunionnaise de Belgique. Idem pour les Réunionnais que je croise chez des amis – même de façon impromptue et sans se connaître on finit toujours par se raconter des histoires entre nous rapidement.

S : Une partie de nos amis d’enfance est allée faire ses études en Métropole et nous avons également tissé des liens forts avec d’autres Réunionnais à Montpellier. Nous sommes devenus une grande famille d’expatriés et aujourd’hui encore, nous nous retrouvons régulièrement, aux quatre coins de l’Hexagone ou à la Réunion pour les chanceux qui y sont retournés ! Et puis, il faut dire que parmi eux il y a aussi pas mal d’artistes et de personnes travaillant dans le milieu culturel, alors nous suivons de près nos carrières respectives et collaborons quand nous en avons l’occasion.


Arnaud Jourdan, Sara Bernard et Charlélie Jourdan

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

C : Je trouve que l’île est relativement isolée de ses voisins. Bien que des projets de business et de coopération voient le jour entre les îles de l’Océan Indien, et que certains soient particulièrement bien menés, il est impensable qu’en 2015 il n’y en ait pas plus. Il faut imaginer que lorsqu’on est en Roumanie en Europe, et qu’on monte un business avec la France, on est à 2300 kms de distance et 3 heures d’avion. Maurice est à 20 minutes et Madagascar à 1h – sans parler des voisins plus éloignés – type L’Afrique du Sud ou les Seychelles.

Il y a une sorte de peur de beaucoup de voir la Réunion perdre son identité en se mixant avec ses voisins – la vérité c’est que l’identité gagne en puissance justement parce qu’on se mixe avec ses voisins. Ca je peux en attester en tant que Réunionnais à Bruxelles et en tant que Français dans l’Europe des 28 états membres.
Il faut juste imaginer un jeune Réunionnais en France pendant un mois, il aura déjà appris à cuisiner un rougail saucisse pour ses amis – et un français à l’étranger ? il apprend à manger du camembert et à vanter les mérites du vin rouge. L’identité s’affirme plus qu’elle ne se dilue au contact des autres.

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

S : Après notre périple nous sommes retournés travailler quelques mois à la Réunion sur l’exposition « Réunion, qui es-tu ? » et c’est là que nous avons redécouvert à quel point il faisait bon vivre sur l’île. Le climat, la diversité des paysages, la possibilité de côtoyer la nature chaque jour, les montagnes, la mer et par gourmandise je dirais aussi les fruits (letchis, mangues, grenadines, ananas)... Et puis évidemment la famille et les amis qui sont restés ou retournés là-bas et qu’on voit trop peu ! À peu près tout, quoi !

Quelle est l’image de la Réunion à Bruxelles ?

C : Il n’y a pas réellement d’image de la Réunion car elle est peu connue. Le pire que j’ai eu est un Allemand, fonctionnaire à la Commission européenne, un cas très isolé, qui ne comprenait pas pourquoi la Réunion était sur les billets de 20 euros, en tout petit avec les autres îles européennes – le meilleur, un Italien qui savait tout ce qu’il y avait à savoir, jusqu’à l’éruption qui venait de se déclencher et la taille du Piton des Neiges. Généralement les gens sont fort intéressés si on raconte bien les histoires – et j’aime bien raconter des histoires.

A : Et bien il y a encore parfois méprise entre la Réunion et les Antilles mais j’ai tout de même rencontré pas mal de personnes en Belgique qui sont allés passer des vacances à la Réunion (ou ont sérieusement le projet de le faire, notamment attirés par le côté nature). En règle générale, l’image véhiculée est assez idyllique : Les plages, les randonnées, le volcan.


agence Old Continent Bruxelles

Vous même, quel est votre regard sur la région où vous vivez ?

C : Bruxelles et la Belgique sont des endroits très cosmopolites et il y a une très forte immigration ici. Bruxelles est une capitale européenne à taille humaine avec des gens de partout et des Belges très sympas dès le premier contact. Je recommande réellement de pointer mieux sur la carte ce petit pays, car à 1h22 de Paris c’est déjà le dépaysement et l’entrée dans l’Europe du Nord.

S : Bruxelles est une ville à part, cosmopolite, avec énormément d’expatriés notamment à cause (ou grâce) aux institutions européennes. L’avantage, c’est une richesse culturelle, on rencontre ici des gens de toutes nationalités, on parle plein de langues différentes... L’inconvénient, c’est que les expatriés ne se mélangent pas toujours (à tort) au reste de la population et ce n’est évidemment pas toujours vu d’un bon œil par les locaux.

A : La Belgique est un mille-feuille niveau administratif, c’est encore pire qu’en France. Par contre l’accueil des habitants est vraiment chaleureux, une fois que tu as saisi leur humour ! Ils ont beaucoup de second degré et d’autodérision, moi ça me convient parfaitement.


Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?

C : J’ai participé à une interview en 2011, époque où j’étais parti faire un tour du monde. J’avais croisé grâce au site Rodolphe Sinimalé à Kuala Lumpur et quelques autres Réunionnais à Shanghai ! La maquette est claire, les bandeaux pubs pas trop présents et bien réalisés, la navigation est aisée – pour un site de news, c’est une belle réussite – bravo.

Souhaitez-vous faire passer une offre d’emploi ou de stage sur le site ?

Aujourd’hui là non, mais cela peut être intéressant dans le futur. Nous recrutons généralement des stagiaires au moins anglophones et qui ont soit un background dans la création graphique (animation / design / web-developpement), soit dans la communication (stratégie / planner). Nous rémunérons tous nos stagiaires mais ils se déplacent seuls jusqu’à Bruxelles généralement.

INFORMATION :

Old-Continent - [email protected] - www.old-continent.eu - Facebook - +32 285 05 883


reunionnaisdumonde.com/Benelux / reunionnaisdumonde.com/Media-Communication

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