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Coralie Latchoumane : de l’événementiel international à l’économie sociale et solidaire à la R

Publié le 19 février 2016

Interview spéciale retour : Après avoir parcouru la moitié de la planète et participé à l’organisation des plus grands événements (JO, expo universelle), Coralie est rentrée à la Réunion avec un projet. Cette Sainte-Louisienne, sinophile et diplômée de Sciences Po, occupe un poste de chargée de mission à la Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire (CRESS)

Voir les reportages réalisés par Coralie en Chine, Angleterre, Mexique...


Pouvez-vous vous présenter ?

Coralie Latchoumane, 33 ans, originaire de Saint-Louis, diplômée de l’institut d’études politiques (spécialisation Relations Internationales) et d’un Master 2 Chef de Projet et Conseil en Développement.

Quel a été votre parcours de mobilité ?

J’ai parfois l’impression d’être comme le personnage dans l’alchimiste de Paolo Coelho. J’ai voulu parcourir le monde à la recherche d’un trésor pour me rendre compte que le trésor est finalement à l’endroit d’où je suis partie ! J’ai eu l’opportunité de vivre et de travailler pendant six ans en Chine, trois ans à Pékin et trois ans à Shanghai entre 2004 et 2012. Je suis une amoureuse de la culture chinoise et pour moi la Chine restera ma deuxième patrie. Dans le cadre de mes missions professionnelles, j’ai pu participer à de grands événements qui ont changé l’image de la Chine sur la scène internationale : les Jeux olympiques de 2008 et l’Expo universelle de Shanghai en 2010. 

Et ensuite ?

J’ai souhaité poursuivre en Europe lors des JO de Londres en 2012. Puis j’avais alors pour ambition de vivre les grands événements sportifs au Brésil. Mais c’était sans savoir le changement qui allait s’opérer en moi. Après Londres, j’ai décidé sur un coup de tête de voyager en sac à dos seule pendant un an en Amérique latine. Du Mexique au Brésil, je suis tombée amoureuse de ce nouveau continent. Malheureusement ou heureusement, l’expérience brésilienne ne fut pas fructueuse mais j’ai décidé de poser mes valises pendant un an à Cancún au Mexique où vit ma sœur depuis 10 ans. J’ai pris la décision à ce moment-là de changer de carrière. Je souhaitais mettre mes compétences au profit de projets d’utilité sociale. 


Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à rentrer à la Réunion ?

La décision ne fut pas facile à prendre. Je voyais au départ ce retour comme un échec, surtout après toutes ces années à l’étranger. Lorsque j’étais au Mexique j’ai tenté en vain de trouver un travail dans les ONG (Organisations Non Gouvernementales) ou les institutions internationales dans le secteur de l’humanitaire ou du développement. Puis je suis allée en Europe en pensant que ce serait plus facile. Au bout de plusieurs entretiens infructueux, j’ai eu envie de me ressourcer et je suis rentrée chez moi. C’est là que je me suis rendue compte que la Réunion avait changé, en tout cas l’image que j’en avais. Je n’avais pas vécu ici depuis mes 17 ans ! À mon époque on était tous prédisposés à quitter un jour la Réunion, on nous avait éduqués en nous persuadant que l’avenir était ailleurs. Mais j’ai enfin compris que je pouvais me rendre utile ici et rendre à la Réunion ce que la Réunion m’avait donné. J’ai su que je voulais rester. 

Décrivez nous votre état d’esprit à l’atterrissage à Gillot.

Comme tous mes atterrissages à Gillot j’ai éprouvé une immense joie d’être à la maison. Mais je ressentais aussi une grande appréhension car c’était la première fois que j’avais acheté un aller simple pour rentrer...

Avez-vous eu des difficultés (professionnelles ou autres) à vous réinstaller ?

Chaque installation est un véritable défi. Mais pour une fois je savais dans quelle direction je voulais aller. Oui ce fut difficile mais j’ai eu la chance d’être soutenue dans ma démarche. Le simple fait d’être entourée de ma famille m’a donné la force d’y croire. Je savais que cette transition professionnelle prendrait du temps. Alors comme disent mes amis les Chinois : "Ne craignez pas d’être lent, craignez seulement d’être à l’arrêt" !


Dans quel état avez-vous trouvé le marché du travail en rentrant ?

À mon arrivée, on m’a tellement répété que le marché du travail à la Réunion était saturé que j’ai failli choisir la solution de facilité et refaire ce que j’avais toujours fait : postuler dans la communication et l’événementiel. J’ai aussi pensé à un poste dans les relations avec la Chine. J’avais clairement à ce niveau-là un avantage concurrentiel. Mais j’ai souhaité aller jusqu’au bout de mon désir de transition et j’ai postulé dans l’économie sociale et solidaire. L’ancrage local et la notion de territoire sont essentiels. A l’étranger, j’ai pu observer de nombreuses initiatives sociales innovantes. De plus, les compétences transversales que j’ai acquises en dehors de la Réunion avaient également une valeur ajoutée non négligeable.

Plus généralement, qu’avez-vous trouvé de changé à votre retour à la Réunion ?

La mentalité et le dynamisme des gens. J’ai rencontré de nombreuses personnes qui veulent faire bouger les frontières, qui refusent l’immobilisme. J’essaie au maximum de m’entourer de ces personnes positives ! Par ailleurs, les gens se plaignent souvent alors qu’ils ont la chance de vivre dans un endroit paradisiaque où il n’y a presque pas de pollution, où les droits sociaux existent, etc. Les Chinois eux affrontent l’airpocalypse ; les Mexicains peuvent se faire virer du jour au lendemain !

Quels sont les points de satisfaction / déception de votre retour ?

Tous les jours lorsque je lève les yeux vers le ciel bleu, lorsque je respire l’air frais des montagnes, lorsque je partage de beaux moments en famille, je me dis : « la Vie est belle ! ». Dans mon travail, je suis très fière de promouvoir les valeurs de l’économie sociale et solidaire : une économie où l’homme prime sur le capital, la gestion est démocratique, chaque projet est porté collectivement, la lucrativité est limitée, etc. Je vois le monde et l’économie autrement. Ma seule déception est de me rendre compte que le racisme s’est beaucoup développé ici. Il y a de plus en plus de discrimination et de ségrégation des populations. Ça me rend triste...


Avec le recul, tirez-vous un bilan positif de votre expérience de mobilité ?

Vivre à l’étranger, c’est comprendre que le voyage est à la fois extérieur et intérieur. Après huit ans passés à l’étranger, je ne pouvais pas rester insensible aux inégalités et dysfonctionnements qui existent dans le monde. À la Réunion aussi nous sommes confrontés à des problématiques sociales et sociétales. Il faut recréer le lien social, favoriser l’insertion des publics en difficulté, encourager le développement durable… Partout dans le monde il existe des personnes qui essaient de trouver des solutions locales à des enjeux locaux.

Aujourd’hui quels sont vos projets ?

Je souhaite m’investir davantage dans des projets qui ont du sens. J’espère pouvoir sur le long terme participer notamment à des missions temporaires à l’étranger.

Quels conseils donneriez-vous aux Réunionnais qui comme vous souhaiteraient rentrer ?

Il faut rentrer en ayant un projet clair et défini en tête. Il faut rentrer et rester patient. J’ai eu beaucoup de chance car j’ai décroché assez rapidement un contrat mais les démarches peuvent être longues. Il faut surtout aller à la rencontre d’un maximum de personnes car le monde à la Réunion est très petit...

Voir les reportages réalisés par Coralie en Chine, Angleterre, Mexique...


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