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L’histoire de Sylvie, ex « enfant de la Creuse »

Publié le 11 mars 2016

C’est un dossier de fond réalisé par Pierre Longeray dans le magazine Vice News, en français mais aussi traduit en anglais dans son édition internationale. Le journaliste a rencontré Sylvie, Réunionnaise débarquée à Orly à l’âge de quatre ans en 1971, et en a tiré un article intitulé : « Kidnappés par la France ? Des enfants de la Réunion veulent savoir pourquoi on les a exilés en métropole ». Extraits (lire l’article intégral)


Photo : Pierre Longeray - Vice News

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Un soir de 2013, Sylvie est seule chez elle devant son ordinateur. Elle commence à regarder un documentaire au titre évocateur pour les initiés d’une des pages sombres mais méconnue de l’histoire post-coloniale française : Une enfance en exil, Les Réunionnais de la Creuse.

« Dès les premières notes de musique et images d’archives, j’ai compris qu’on me racontait là mon histoire — c’était une évidence. Les larmes ont commencé à couler sur mes joues, » se souvient aujourd’hui Sylvie, dans son appartement qui donne sur la rade de Toulon. « Ce documentaire était la clé, » assure Sylvie — la clé du mystère qui la hante depuis tant d’années.

Avec ce documentaire, Sylvie, qui est née en 1967, vient enfin de comprendre ce qui lui est arrivé, 45 ans après avoir été arrachée à son île de La Réunion, un département français d’outre-mer posé dans l’océan Indien.

Entre 1963 et 1981, « Sissi » (le surnom de Sylvie) et au moins 1 614 autres enfants réunionnais, ont été déplacés vers la métropole par les autorités françaises. Le but supposé est de repeupler des départements désertés, notamment la Creuse — d’où l’appellation désormais consacrée des « Réunionnais de la Creuse » pour parler de ces personnes. Certains de ces enfants étaient orphelins, mais beaucoup avaient des parents auxquels ils ont été arrachés, comme Sylvie.

« Sous prétexte que ma mère était pauvre, une "amie" l’a dénoncée à la DDASS pour précarité et pauvreté — alors qu’elle aimait vraiment ses enfants, il y avait beaucoup d’amour » explique Sylvie.

« On m’a alors placée dans une pouponnière, chez les bonnes soeurs avec mon frère aîné, Jean-Bernard, » se rappelle Sylvie. « Ma mère a essayé de venir nous voir à la pouponnière pour nous récupérer, mais elle n’a jamais pu. On lui opposait qu’elle n’avait pas de travail. Certaines femmes n’ont pas pu non plus récupérer leurs enfants, simplement parce qu’elles fumaient, » nous assure Sylvie.
« Après ça, on s’est envolés vers la métropole avec JB, » le surnom de Jean-Bernard. C’était en 1971, Sylvie a alors 3 ans et neuf mois, et son frère un an de plus. Ils ne reverront jamais leur mère biologique, Adrienne.

Philippe Vitale, membre de la commission nationale sur les « Réunionnais de la Creuse », explique le procédé utilisé par les autorités françaises pour convaincre des parents réunionnais fauchés de confier leurs enfants : « On leur disait que leurs enfants seraient pris en charge temporairement — le temps qu’ils se remettent sur pieds, » explique le sociologue. « Mais un an plus tard, quand les parents voulaient les récupérer, les enfants étaient déjà loin, partis en métropole et sans possibilité de retour. » Le père biologique de Sylvie, Félicien, a lui aussi essayé de retrouver ses deux enfants pendant une bonne partie de sa vie — sans succès.

Sylvie et son frère sont arrivés en France le 6 février 1971. Si les souvenirs de Sylvie sont flous — elle n’avait pas encore 4 ans — elle se souvient débarquer à Orly un matin « cul-nu », après que la DDASS a repris les vêtements qu’elle avait sur le dos. Elle est présentée avec son frère à un monsieur et une dame dans l’aéroport parisien. « Bonjour Monsieur, bonjour Madame, » soufflent timidement les deux enfants. « Non, c’est Papa et Maman maintenant, » s’entendent dire Sylvie et JB.

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