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Nicolas Fontaine, 27 ans stagiaire expert comptable au Luxembourg

Publié le 13 décembre 2009

Originaire d’une famille d’agriculteurs de la Plaine des Cafres, Nicolas a franchi les étapes et diplômes le menant au statut d’auditeur, expert comptable et commissaire aux comptes. Embauché par la société Pricewaterhousse Coopers, il est actuellement affecté au Luxembourg, avant d’autres mutations attendues à l’international.

Nicolas Fontaine
Nicolas, sa mère et sa copine dans le centre de Luxembourg.

D’où êtes-vous à la Réunion ?

Je suis du sud : enfance à la Plaine des Cafres (jusqu’à 13 ans) puis à Mont Vert les Hauts, issu de deux familles d’agriculteurs. Mon père est cadre dans une collectivité territoriale et ma mère parfois au foyer à temps plein, parfois salariée et parfois entrepreneur mais toujours très occupée.

Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter l’île ?

Pour suivre une formation non disponible sur l’île. Avant cela, j’ai passé un Bac STT comptabilité gestion au lycée Saint-Charles de Saint-Pierre, un BTS CGO au lycée Levavasseur et un MSTCF à l’IAE de la Réunion. Je suis parti pour préparer le dernier diplôme scolaire du cursus d’expert comptable : le DESCF (maintenant rebaptisé le DSCG) que j’ai passé à l’ENOES Paris. Puis j’ai passé un MBA Audit et contrôle de gestion à l’ESG Paris.

Racontez-nous votre parcours.

J’ai passé les six premiers mois à Paris avec énormément de travail pour les examens début décembre et les six mois suivants à Londres pour perfectionner mon très hésitant anglais. Heureusement je crois que notre bilinguisme local m’a aidé à apprivoiser plus facilement les langues étrangères. Cette première année s’est tout de même bien terminée, avec la réussite aux examens, la maîtrise de l’anglais et aussi la venue de ma petite amie qui elle aussi venait poursuivre ses études à Paris.

Et ensuite ?

La deuxième année à été plus agréable, avec une période plus calme en école de commerce, des amis de La Réunion toujours présents et l’obtention d’un CDI avant même la fin de ma formation dans le plus important cabinet d’audit mondial sur une des places financières les plus dynamiques du monde : Le Luxembourg. Le Luxembourg est un pays très accueillant. Bien que cet environnement soit exotique pour nous, par bien des cotés il nous rappelle notre île : la taille du pays, la population bigarrée…

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

Quitter la Réunion n’as pas été qu’une envie, ça a aussi été un besoin. Car la mobilité n’est pas que physique, elle est aussi et surtout intellectuelle. La mobilité prend tous son sens avec nous, les insulaires, mais elle vaut aussi pour toute les personnes sédentaires qui sont toujours confrontées aux même personnes, situations, horizons… C’est dans cette démarche intellectuelle d’ouverture et de découverte de l’inconnu que la mobilité est devenue, pour moi, un leitmotiv, une raison d’avancer ; en somme cela donne un sens à la vie.

Quels sont vos projets ?

A moyen terme c’est le diplôme d’expert comptable et commissaire aux comptes qui est en ligne de mire. En Juillet de l’année prochaine, je serai muté à Paris pour poursuivre la formation d’expert et de commissaire au cabinet Priwaterhousse Coopers. Travailler dans une entreprise internationale comme celle-ci a beaucoup d’avantages, car d’une part il y a un cadre professionnel rassurant (formation, renommée, évolution…) et d’autre part des perspectives internationales vous sont offertes. Par le biais de ce cabinet, il y a des opportunités de mutations dans toutes les grandes villes du monde, alors pourquoi pas d’ici quelques années travailler en Australie ou aux USA.

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

La sensation d’être chez soi, avec les siens. Avant, mon chez moi se limitait à mon quartier, voire ma ville. Maintenant, même au fin fond du Grand-Brulé jusqu’au cœur de la ville de Saint-Denis, je me sens chez moi. Bien sûr la famille, les amis, les cousins, bref tous ceux qui comptent me manquent cruellement, mais je me dis que c’est aussi pour eux que je suis ici, pour qu’ils soient fiers de moi, et que je leur fasse honneur.

Cousins et cousines réunionnais à Paris.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

La situation est paradoxale, car on a d’énormes potentiels, qui malheureusement ne sont pas exploités judicieusement. Notre modèle de société sous perfusion n’est pas viable sur le long terme, car il est déséquilibré et incohérent. Il y a trop de monde, trop de modernisme, trop d’occident… Mais c’est un choix de société que les Réunionnais et la France ont pris ensemble, et il est malheureusement impossible de le remettre en cause. Pourtant, il y a des lueurs d’espoirs : faire de la Réunion une vitrine de l’écologie, le développement du tourisme haut de gamme ou encore de l’éco-tourisme… Bref, faire évoluer notre société vers un modèle plus vertueux. L’espoir fait vivre !

Quoi d’autre ?

Il y a un autre domaine où la Réunion n’exploite pas suffisamment son potentiel : la gastronomie. Il est clair, pour tous, que la cuisine est un art de vivre à la Réunion, et tous les visiteurs se rendent compte à quel point cette particularité est un élément essentiel pour la découverte de l’île. Il me semble, vu de chez moi, que la gastronomie « made in Réunion » gagnerait et ferait gagner énormément à être plus connue et reconnue en Europe et dans le monde. Le manque de coopération régionale est aussi un axe à développer, certains on comprit l’importance d’intégrer plus fortement la Réunion dans son espace géographique (Afrique, Madagascar, Maurice, Australie, Inde) et dans une coopération avec des territoires ayant les mêmes contraintes. Pourquoi ne pas intensifier les coopérations entre les îles du monde (comme cela se fait pour les états insulaires) ?

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

Le premier inconvénient a été la méconnaissance (voire l’ignorance) que les gens ont de la Réunion. Souvent les clichés de base prévalent ; la majorité des personnes croient que la Réunion, « c’est les vacances » en permanence. Ils croient que le travail n’a pas la même intensité quand on est sous les tropiques. Fort heureusement il y a de nombreux Réunionnais (comme ceux présentés sur ce site) qui font la preuve du contraire, et c’est pourquoi on se doit d’être encore plus intense dans nos efforts.

Le principal avantage est sans conteste l’ouverture d’esprit inhérente à la société réunionnaise. La tolérance comme élément fondateur des relations sociales. Les différences entre nous Réunionnais (Kaf, Malbar, Yab, Chinois, Zoreil…) et celles avec les autres peuples,nous permettent d’avoir une plus grande compréhension du monde.
Nout cultur, nout cozé, nout zistoire… nout richesse !

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

Les principaux contacts, en dehors de la famille, concernent des amis rencontrés à la Réunion (amis du Lycée, de l’université…). Entre les repas, les week-ends et les sorties, les affinités sont de plus en plus fortes. Le fait de se retrouver ici, loin de chez nous, a grandement renforcé les liens entre nous. Notre petit groupe se consolide au fur et à mesure. Chacune de nos rencontres se transforme en brainstorming sur l’avenir de la Réunion et du monde en général. Cette émulation nous donne encore plus envie de nous surpasser pour tenter de concrétiser ces idées…

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

Ici au Luxembourg, la Réunion est très peu connue. Cependant, elle évoque généralement soit le coté Caraïbe (plage, sable fin et cocotiers) soit l’Afrique (forêts, misère et paresse). Les rares personnes qui y ont séjournées en on gardé un très bon souvenir, surtout au niveau de l’ambiance générale et de la gastronomie. Quoi qu’il en soit, la Réunion continue de souffrir d’un manque de positionnement clair dans l’esprit des touristes potentiels. On continue à croire que la Réunion c’est la carte postale « Caraïbe-Pacifique », donc un gros travail reste à faire pour que l’image soit plus en phase avec la réalité.

Vous-même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

Le Luxembourg ressemble par bien des cotés à la Réunion, car la population a des origines diverses (Portugal, Italie, France, Belgique, Allemagne…) et donc des cultures différentes. Il n’est pas rare de rencontrer des Portugais (qui représentent près de 40% de la population) ou des Cap-Verdiens qui ressemblent à des Réunionnais. Ce mélange propre aux populations métissées est un réel attribut identitaire. La Réunion aurait beaucoup à apprendre du Luxembourg, notamment en termes de stratégie politico-économique. Voilà un petit pays qui a su exploiter ses points forts au maximum. Une vision à long terme aussi cohérente et efficace ne serait pas un luxe pour la Réunion, mais la volonté politique n’est pas toujours là où elle devrait être, ce qui freine et fausse toute la cohérence de notre développement.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

Le premier conseil est de travailler pour avoir un maximum de diplômes et d’expérience. Quitter la Réunion doit être un besoin, et il est indispensable d’avoir un plan à moyen terme. Les diplômes, que se soit à la Réunion ou ailleurs, et le plan sont les bases d’une « expatriation » réussie car partir pour partir n’a pas grand intérêt. De plus, il ne faut pas simplement voir la France métropolitaine, mais aussi le Canada, l’Australie… tous les pays offrent des perspectives de carrière intéressantes !

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?

C’est une excellente idée de site, le concept est très approprié au contexte réunionnais. De plus les portraits ne se concentrent pas simplement sur les personnes hautement qualifiées, mais montrent aussi des parcours prétendument modestes, ce qui rend le tout plus homogène et en phase avec la réalité.

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