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Angelo Djaffardjee, directeur général d’une entreprise à Dubaï

Publié le 29 août 2016

L’histoire de l’ascension professionnelle de ce Portois de 39 ans, originaire d’une famille de cinq enfants et parvenu à la tête d’une société appartenant à une grande famille émiratie.


Racontez-nous votre parcours.

Je suis né à Madagascar mais j’ai grandi au Port, dans une famille de cinq enfants. Ma scolarité s’est faite à l’école Pauline Kergomard, Gervais Barret, au collège Edmond Albius et au lycée Jean Hinglo. Mes parents nous ont toujours poussé à faire des études et appris à ne jamais baisser les bras. Si bien qu’après le lycée je me suis lancé dans des études d’histoire à Lyon, où j’ai soutenu mon mémoire sur « Les commémorations de l’abolition de l’esclavage à La Réunion de 1848 à 1998 : Le 20 décembre, une date polymorphe ». Cet exil, de par la distance, a été une opportunité unique de comprendre l’identité réunionnaise, par conséquent la mienne : on est un peuple arc-en-ciel qui s’assume.

Et ensuite ?

Conscient que des études en sciences sociales n’offraient pas toutes les chances sur le marché de l’emploi, j’ai fait une école de commerce, l’IFAG. Mon diplôme de Master en Management de Centre de Profit en poche, j’ai travaillé en tant qu’Assistant Chef de Produit puis Chargé de Mission Export au sein du Groupe Horis, leader francais des équipements de cuisines professionnelles. J’avais envie de me forger une expérience de terrain que je pouvais valoriser à l’étranger. La Grande distribution me semblait être la meilleure école. J’ai intégré Auchan en tant que chef de rayon, puis très vite en tant qu’acheteur pour les Halles d’Auchan en région parisienne.

Pourquoi l’étranger ?

L’envie de l’ailleurs se faisait sentir. J’ai repris des cours d’anglais avec l’objectif de m’expatrier au Canada. Coïncidence ou le « mektoub », j’ai reçu l’appel d’un chasseur de têtes qui me proposait une opportunité avec Carrefour pour le Moyen-Orient. Une fois les entretiens passés avec succès, nous avons atterri à Dubai à l’été 2007, par 50°C. D’abord en tant que Chef de Rayon puis rapidement en tant qu’Acheteur Epicerie Carrefour pour les pays du Golfe : Emirats Arabes Unis, Oman, Qatar, Koweit, Bahrein.


Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Apres six belles années chez Carrefour, j’ai décidé de passer de l’autre côté du miroir en devenant distributeur de marques de produits de grande consommation, en tant que Directeur Marketing, Achats et des Opérations dans une compagnie indienne (Al Maya Group).

Quinze mois plus tard, j’ai été contacté par une société, locale (IGR) gérée par une grande famille émiratie, d’abord en tant que Directeur du Développement et 6 mois plus tard la Direction Générale. Aujourd’hui l’entreprise est leader dans la région sur les produits bio, sans gluten, naturels, épicerie fine. On est aussi pionnier dans l’agriculture biologique avec 3 fermes et fournissons les hôtels et la grande distribution.

Ça parait dingue, mais je vous assure que nos tomates n’ont pas à rougir par rapport à celles qui viennent d’Europe, en plus de diminuer l’empreinte carbone.
D’ailleurs, avec un groupe de Réunionnais ici, on attend les beaux jours avec impatience pour la cueillette du week-end. Groupe qui a été constitué, d’ailleurs par l’intermédiaire de Nicolas Martin (RDM), Benjamin Thomas et Lynda Lee Mow Sim lors de leur visite dans le cadre de l’Association des Etats Riverains de l’Ocean Indien (IORA).

Un mot de conclusion ?

« Tienbo ». Un parcours s’inscrit avant tout dans des rencontres. J’ai la chance d’avoir mon épouse à mes côtés pour valider nos choix professionnels. On a toujours validé ensemble les étapes et je dois le dire, elle a toujours été là quand le doute était présent. Elle dit toujours : « aide toi, et le ciel t’aidera ». Rien ne se produira si on attend, il faut se faire violence et sortir de la zone de confort. Elle est mon pygmalion.

Les prémices de l’expatriation étaient déjà inscrites dans nos gênes puisque mes parents aussi ont quitté Madagascar pour La Réunion et nous ont toujours poussés à aller de l’avant. Nous avons bénéficié de l’éducation et de la mobilité en tant qu’atout aussi grâce aux différentes aides de la Région et du Département.

Ma grande sœur a ouvert le chemin. Elève brillante, elle nous a toujours mis la pression et c’est ainsi qu’avec mes soeurs nous avons tous quitté le foyer familial pour la France, avec la bénédiction de nos parents et l’idée que « ce qui ne tue pas rend plus fort ». On s’est serrés les coudes en toutes circonstances et ça nous a permis d’avancer.

Mes enseignants, Mme Nimmegers, Mr Gretry, Mr Gili, Mme Croisier, Mr Seymour, Mr Toulet, Mr Seraphine ainsi que Dominique Payet (formateur CEMEA) ont été des mentors qui ont en quelque sorte façonnés mon esprit. Ils ont toujours cru en moi et je sais, pour discuter avec mes anciens copains de classe, que les mêmes noms reviennent souvent. Ils ont tous la particularité d’être des formateurs, des faiseurs de rêves. A nous de créer le reste, notre « légende personnelle ».

Aujourd’hui, je suis père de trois garçons de 10, 7 et 2 ans. Si l’histoire était à refaire, je le referai car La Réunion a cette particularité de nous avoir protégé et préparé à la mondialisation. On est le seul melting-pot au monde qui fonctionne et ce n’est pas un hasard. Je ne crois pas aux coïncidences. On a cette fraternité en nous, qui nous pousse vers l’autre. J’encourage vivement les jeunes à partir et se confronter à la réalité de la vie, loin de l’insularité pour revenir ensuite et aider l’ile à se projeter davantage vers l’avenir et maintenir notre modèle de fraternité en ces temps troubles. Les jeunes d’aujourd’hui sont les bâtisseurs de demain.

A l’étranger, le Réunionnais est l’ami de tout le monde et je l’ai expérimenté. Je ne connais pas d’autre département qui aident autant les jeunes et je répète : saisissez votre chance ! Le seul risque c’est de revenir à la « caz », il y a pire comme risque. Non ?

Je fais mien le titre d’un livre entretien de Paul Vergès avec Brigitte Croisier : "D’une île au Monde", qui traduit bien mon cheminement... on est les enfants du monde, on est partout chez nous. Et merci à Réunionnais du Monde pour nous rappeler d’où on vient !


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