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Julie Chane Fan, restauratrice à Mamoudzou - Mayotte

Publié le 7 septembre 2007

Quand elle débarque à Mayotte il y a 20 ans avec son mari et ses trois enfants, Julie n’a aucun bagage scolaire. Elle est aujourd’hui à la tête d’un traiteur restaurant qui sert 100 couverts par jour et exporte les plats réunionnais dans l’île aux parfums. Récit d’une femme autodidacte qui a ouvert plusieurs commerces et traversé toutes les étapes avant de connaître la réussite.

Julie Chane Fan

Dans quelles conditions avez-vous quitté l’île ?

"Je suis originaire des bidonvilles de la rivière Saint Denis. Je suis arrivée à Mayotte il y a 20 ans, avec mon mari qui avait été muté pour monter l’agence Air Liquide et mes trois filles de 12, 10 et 1ans. Sans bagage scolaire, à la Réunion je faisais des petits boulots quand je pouvais".

Racontez-nous vos débuts à Mayotte.

"Ici il y avait un potentiel économique à exploiter. Je suis devenue couturière pour aider mon mari, car même avec 10 000 francs de salaire (soit deux fois ce qu’il touchait à la Réunion), la vie était chère. Difficile de boucler les fins de mois, plus l’éloignement : le découragement était facile. Puis j’ai fait du secrétariat dans quelques entreprises avant de me lancer à mon compte. D’abord j’ai monté une boutique d’articles cadeaux, farces et attrapes. Nous avons fait la première vente de pétards à Mayotte ! Ce fût quand même un échec".

Et ensuite ?

"Nous avons dû racheter l’entreprise de mon mari, car celle-ci nous demandait de rentrer. Air Liquide avait pour but de fermer toutes les petites agences de l’océan indien : Maurice, Moroni, Madagascar et les petites unités de la Réunion, en ne gardant que la boîte mère du Port. A cette époque, nous commencions à rembourser le crédit de notre première maison. Il était impensable de rentrer à la Réunion, par peur du chômage et surtout à cause des dettes. La décision fut de racheter l’entreprise et que mon mari se mette à son propre compte".

Et vous, qu’avez-vous fait ?

"J’ai arrêté ma boutique pour lancer une affaire de traiteur (sans aucune aide ni formation). J’ai ouvert un petit point de vente, écouler ma cuisine et mes préparations. Aujourd’hui j’emploie une responsable et trois employés. Je sers entre 80 et 100 repas par jour et je suis très contente de ma réussite. Je fais des samoussas, des bouchons, des caris, comme dans les petits restaurants des zones d’activités de la Réunion".

Julie Chane Fan
Cari tangue à Mamoudzou pour la fête des mères !

Qu’est ce qui vous manque de la Réunion ?

"Ce qui me manque, c’est l’ambiance créole, les piques niques chemin volcan, un bon l’ambiance cayambe maloya. Mais lors de mes passages à la Réunion, je trouve mes compatriotes trop matérialistes et trop « m’as tu vu ». Ils parlent des Mahorais comme des derniers des derniers et cela me fait mal. Ils sont comme les fonctionnaires qui exploitaient nos parents dans les années 60. Certains montrent du racisme envers les gens d’ici. C’est mon grand regret, ils ont la chance d’avoir des aides qui n’existent pas ici".

Que vous apporte l’expérience de la mobilité ?

"Mayotte m’a permis d’avoir confiance en moi et m’a apporté l’audace de me mettre à mon compte. Le contact avec les Réunionnais est difficile, peut-être à cause de la proximité de nos îles. Alors qu’il existe beaucoup d’associations ici (Malgaches, Africains, Bretons, Corses...), il n’y a pas d’association créole et c’est très dommage. Fêter un 20 décembre avec mes compatriotes serait mon rêve. Mes amis sont divers mais très peu sont réunionnais".

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

"Je dis aux jeunes qu’il ne faut pas avoir peur de partir. C’est toujours enrichissant de voir comment c’est ailleurs. La vie est courte et il faut sauter sur les occasions quand elles se présentent. Il faut aussi rester humble vis à vis des populations qui nous accueillent et surtout les respecter".

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?

"Ce site est super et j’aimerais me faire beaucoup d’ami(e)s par son biais. Mais le temps me manque pour l’exploiter à fond !"

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