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Bacar Abdou, maire de Mutsamudu défend la tournante aux Comores

Publié le 24 février 2010

A quelques jours de la tenue du Congrès qui doit faire siéger l’assemblée nationale comorienne et les conseils des îles, des voix s’élèvent pour donner leurs points de vue sur la question de l’harmonisation des mandats des exécutifs de l’Union et des îles. Bacar Abdou, l’actuel Maire de la ville de Mutsamudu (Anjouan) a accepté de livrer à La Gazette et HZK-Presse son opinion. Il est vice président du parti MOUROUA, qui fait partie de la Convergence nationale pour mai 2010, une coalition de l’opposition nationale.

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Question : Monsieur le maire, à l’heure où on parle harmonisation et prolongation de mandat, quel est votre point de vue par rapport à cette situation qui fera l’objet du congrès des parlementaires prévu dans quelques jours ?

Bacar Abdou : Moi j’espère que la question actuelle n’est pas celle d’une harmonisation car on dit que harmonisation n’est pas égale à prolongation. Aujourd’hui je figure parmi les opposants et ce n’est pas que je ne veux pas que le chef de l’Etat prolonge son mandat après expiration [le 26 mai 2010, ndlr] mais plutôt nous voulons voir la paix et la stabilité régner dans le pays.

Question : Pourquoi vous tenez surtout à ce que la tournante soit organisée cette année ?

B.A : Cette présidence tournante est très importante, c’est une institution prévue pour les trois îles indépendantes, aujourd’hui, en entendant les mots harmoniser ou prolonger c’est qu’on est en train de bafouer la constitution. Depuis le 17 février 2001 il y a eu l’accord cadre de Fomboni qui devait à priori être respecté pour une expérience de 12 ans après laquelle l’on pourra constater si elle est bonne ou mauvaise, mais dans l’immédiat il n’est pas opportun d’interrompre le processus en milieu de chemin. Chaque île doit d’abord gérer à son tour le pays en respectant le principe de la tournante.

Question : Comment expliquez-vous le fait d’être Maire de la capitale de l’île d’Anjouan, et de défendre l’île de Mohéli ?

B.A : On est venu me poser la question pourquoi je suis de l’opposition, pourquoi je n’embrasse pas la politique du chef de l’Etat ? Mais d’abord je réponds que je suis avant tout un homme politique. Donc pour revenir sur la crise actuelle, il faut savoir que c’est surtout nous les anjouanais qui avons beaucoup contribué à la mise en place de cette tournante et je ne veux pas que ce soit nous les anjouanais qui venions encore marcher sur les accords de réconciliation nationale. Si on retire la tournante cette année à l’île de Mohéli, on ne saura jamais quand est ce qu’elle leur reviendrait. Raisonnablement lorsqu’on touche un seul mot des accords de 2001 tout le reste tombera à l’eau et peut être le grand-comorien viendra modifier à sa guise et on n’ira jamais de l’avant. J’estime que ce n’est pas normal.

« Je souhaite que le 26 mai 2010 le président Sambi passe le relais à un enfant mohélien »

Question : Comment ce n’est pas normal ?

B.A : nous les anjouanais, mohéliens et grand-comoriens avons contribué à élire en 2002 un président de Ngazidja, et ensuite en 2006 l’actuel chef de l’Etat qui est anjouanais. Je vois mal aujourd’hui agir à l’encontre de nos frères de Mohéli, car cette question de prolongation devrait se poser après 2014, si l’on veut changer un système et je répète encore que l’harmonisation n’est pas égale à prolongation.

Question : Est-ce l’avis de tous vos camarades de l’opposition ?

B.A : Exactement, et j’en profite pour lancer un appel à tous les comoriens au respect de la constitution car ce qui se passe en Afrique aujourd’hui n’est pas un bon exemple, avec ces chefs d’Etats qui prolongent leurs mandats en modifiant les constitutions. Pour que les comoriens puissent vivre en paix respectons les accords de Fomboni.

Question : Pensez-vous qu’il est possible d’organiser des élections présidentielles cette année 2010 ?

B.A : Ma position est celle de l’opposition, je souhaite qu’après le 26 mai 2010 la tournante tourne vers Mohéli, que le gouvernement actuel fasse la passation à cette date pour un enfant mohélien.

Question : Et si le tour des mohéliens n’est pas respecté ?

B.A : L’archipel des Comores est composé de quatre îles géographiquement et d’après l’histoire. Mayotte a quitté le giron et a choisi de vivre sous colonisation français. Pourquoi ce choix ? Je peux dire simplement que c’est par rapport à des situations similaires. A l’époque c’était la capitale qui est transférée de Dzaoudzi vers Moroni. La population mahoraise s’est détachée de l’administration comorienne et depuis la question de Mayotte est posée dans toutes les organisations internationales, mais nos gouvernements n’ont jamais réussi à faire revenir l’île dans son giron naturel. Personnellement je ne souhaite pas voir une autre île emprunter la voie séparatiste, comme ce fut le cas d’Anjouan [entre 1997 et 2001]. Il ne faut donc pas minimiser Mohéli même si sa population est moins nombreuse, car si l’archipel perd encore une île c’est grave pour l’avenir, car on ne peut pas revenir tout le temps sur des textes bafoués par nous mêmes.

Propos recueillis par Naouir Eddine Papamwegne

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