Publicité

Que vive La Réunion : extraits du dernier livre de Wilfrid Bertile

Publié le 31 août 2017

« Les possibilités d’une île »… annoncé par l’ensemble de la presse locale il y préconise le passage d’un modèle de rattrapage à bout de souffle à un modèle fondé sur les particularismes réunionnais, sa culture et son ouverture sur le monde. Wilfrid Bertile* a accepté d’en livrer quelques bonnes feuilles sur Réunionnais du monde.


Le 28 août 2017 : « C’est aujourd’hui que je rends publique une contribution à un nouveau projet de développement de La Réunion. Le système actuel étant "à bout de souffle", il est temps de construire ensemble, tout en restant dans la République une Réunion réunionnaise en se fondant sur les particularismes de notre île, de notre culture et prenant en compte notre situation géographique. »

Voici quelques bonnes feuilles extraites de l’introduction et de la conclusion, ainsi que le sommaire - QUE VIVE LA REUNION ! Les possibilités d’une île :

INTRODUCTION

« Que vive La Réunion ! » : pourquoi ce titre ? Parce qu’il faut faire exister et faire vivre La Réunion qui doit absolument se prendre en mains. Colonie façonnée, non pas à l’image, mais à l’usage de la France métropolitaine, puis département banalisé par la centralisation assimilatrice, La Réunion n’a jamais été considérée en tant que telle. Aujourd’hui, en dépit d’incontestables réussites, le « modèle réunionnais », impulsé de Paris et de Bruxelles, voit ses limites. Le temps n’est-il pas venu de construire, dans le cadre de la République et de l’Union européenne, une Réunion nouvelle qui prenne davantage en compte les potentialités de l’île et la culture de ses habitants ? (page 5)

…… « Sur le fond, il s’agit ni plus, ni moins que d’inventer un nouveau projet social pour La Réunion, en s’appuyant sur les fondamentaux de l’île. Au cours de son histoire, La Réunion a connu deux projets sociaux, le projet colonial et le projet assimilationniste. Sous la colonisation, le but était de produire à bon marché des denrées tropicales pour la Métropole. Cela s’est traduit par la mise en œuvre d’une économie et d’une société de plantation, longtemps fondées sur l’esclavage. Avec la départementalisation, c’était l’assimilation à la Métropole. Elle avait un objectif : le rattrapage et non le développement de La Réunion en tant que telle. Elle appliquait une méthode : faire comme en France et non user d’une thérapeutique découlant d’un diagnostic. D’où le placage sur La Réunion, vieille colonie tropicale, d’un modèle importé d’un pays industrialisé, le mimétisme des lois et règlements, même si des possibilités d’adaptation existent tout en étant peu utilisées.

Cet actuel modèle montre ses limites. Son moteur est constitué par des crédits publics nationaux et européens jusqu’ici sans cesse croissants. Mais l’âge d’or n’est plus : avec la réalisation de « l’égalité sociale », les transferts publics atteignent désormais une vitesse de croisière : ils risquent même de baisser en raison des contraintes budgétaires de la France et de l’Union européenne. En outre, ce système est détricoté : au plan social, les politiques d’austérité reviennent sur les avancées de l’Etat-Providence et, au plan économique, l’ensemble des aides, des dérogations, des protections dont bénéficie La Réunion est remise en cause par la dérégulation néo-libérale. Le modèle réunionnais est incompatible avec l’idéologie économique dominante. Laissant à la marge près de la moitié de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté, il rend le rattrapage illusoire ; singeant un modèle importé, il laisse La Réunion sans projet d’avenir qui lui soit particulier.

Notre île doit donc compter davantage sur ses propres forces et pour cela s’engager dans un projet nouveau. Elle doit se développer, non pas dans une optique de rattrapage des niveaux moyens nationaux ou européens, mais de façon spécifique. Il n’y a pas de modèle. Partout dans le monde, les hommes et les territoires sont singuliers : les politiques de développement doivent l’être aussi. Il faut à La Réunion un projet adapté de développement et d’aménagement qui lui permette de répondre à ses besoins et de donner toute la mesure de ce qu’elle est.


Il nous faut donc construire une Réunion réunionnaise dans le cadre de la France, de l’Union européenne et de son environnement régional. Disons-le tout net, il n’est pas question d’autonomie, ni d’indépendance : telle n’est pas la volonté du peuple réunionnais. Contrairement à d’autres îles françaises, La Réunion est restée à l’écart des tentations nationalistes. Et, d’ailleurs, que gagnerait-elle à troquer la solidarité nationale et européenne contre la tutelle du Fonds Monétaire International ? Mais il est vital de considérer davantage La Réunion et le peuple réunionnais en tant que tels, de prendre en compte leurs intérêts, de mettre en œuvre une politique de développement adaptée à leurs particularismes » (pages 8 et 9).

……. « Nous préconisons donc un projet réunionnais c’est-à-dire, répétons-le, adapté à l’identité du peuple et aux singularités du pays. « Fait par des Réunionnais pour des Réunionnais » selon la formule consacrée. Ecartons tout de suite un faux procès : pour nous sont réunionnais les Réunionnais de souche et tous ceux qui, ayant leurs intérêts matériels et moraux à La Réunion, ont choisi d’y vivre .

Dans la définition de ce nouveau projet, il convient de fixer un objectif, de s’appuyer sur des valeurs, d’affirmer une volonté politique. Le projet réunionnais doit avoir pour finalité l’homme réunionnais qui a droit, comme le genre humain dans son ensemble, à la sécurité matérielle, à la liberté intellectuelle et à la dignité. Il va donc au-delà du modèle de société néolibérale issu de la globalisation financière, responsable d’une triple crise économique, sociale et environnementale mondiale ou du modèle obsolète de société administrée. Nos valeurs, c’est lutter contre l’insécurité sociale générée par la recherche effrénée du profit ; c’est préserver l’écosystème menacé de surcroît par le réchauffement climatique ; c’est organiser le développement en faveur des plus démunis. Avant d’être de droite ou de gauche, c’est un projet citoyen, réunionnais et humaniste.

Comprendre La Réunion où nous vivons pour appréhender la réalité en toute lucidité ; vouloir, en affirmant une volonté et une vision politiques ; agir en déclinant des mesures stratégiques et en s’en donnant les moyens financiers et politiques, seule façon d’être crédibles, telle est la démarche à laquelle nous vous convions dans ce projet d’édification d’une Réunion nouvelle. Sous la colonisation, La Réunion était un territoire exploité puis délaissé ; le système départemental en a fait un territoire modernisé, mais assisté et dans l’impasse : notre île doit devenir un territoire qui compte davantage sur ses propres forces. Il nous faut construire ensemble une Réunion reconnue en tant que telle, développée, solidaire, durable, ouverte sur le monde : nous vous invitons à partager cette grande ambition pour La Réunion » (page 10).

CONCLUSION

... « Le présent projet ouvre une voie.

Il vaut d’abord par sa méthodologie en substituant une approche systémique à une approche thématique. Il délaisse l’approche verticale, cloisonnée par thématiques, jusqu’ici usitée pour une approche transversale, à partir des valeurs sur lesquelles il s’appuie. Cela permet de mettre en synergie des principaux leviers de développement, de créer un système dynamique, garantie de progrès et de réussite.

Il vaut aussi par son changement de logiciel (de paradigme) en partant de l’identité du peuple réunionnais et des spécificités de La Réunion, et non pas en reproduisant un modèle importé. La finalité du développement ne doit pas être le rattrapage du niveau moyen français, en appliquant un modèle extérieur inadapté, mais l’homme réunionnais (….).

Il vaut enfin par l’appel à une nouvelle gouvernance en prônant la « thérapeutique de la responsabilité » au lieu d’être spectateur de son propre destin et de tout attendre de Paris ou de Bruxelles » (page83).

…. « Chacun a conscience de la gravité des problèmes de La Réunion. Des mesures techniques ou technocratiques, des dotations financières, comme on le fait habituellement, ne suffiront pas à les résoudre. Elles n’ont pas manqué durant ces dernières décennies. Elles ont débouché sur une situation telle que tout le monde juge impossible le maintien du statu quo.

Le problème est politique.

Il s’agit de défendre une terre et une population, avec la volonté de leur dessiner un destin commun. Les solutions doivent donc être politiques. L’histoire de La Réunion est jalonnée de dates mémorables. Les Réunionnais ont d’abord combattu le système esclavagiste pour obtenir leur liberté. Ce fut 1848 et l’abolition de l’esclavage. Ils ont ensuite lutté contre les discriminations raciales et coloniales, pour obtenir l’égalité des droits. Ce fut 1946 et la départementalisation. Ils doivent maintenant franchir une nouvelle étape.

Les Réunionnais forment un peuple, parmi les peuples minoritaires qui forment la nation française, avec son identité et ses intérêts. Les intérêts de La Réunion doivent être défendus en tant que tels. Et aussi parce que ce sont en outre des intérêts nationaux et européens. Qui, mieux que les Réunionnais eux-mêmes, peuvent identifier et défendre ces intérêts ?

La nouvelle étape que nous appelons de nos vœux, c’est donc, après celles de la liberté et de l’égalité, celle de l’identité et de la responsabilité. Construire ensemble cette Réunion belle et reconnue, développée, solidaire, durable et ouverte au monde, est quelque chose d’exaltant qui peut rendre heureux. C’est aussi un choix courageux et, nous en sommes persuadés, les Réunionnais seront unanimes à le faire » (pages 83-84).

SOMMAIRE

Introduction…………………………………………………………………………………...

Chapitre premier – Comprendre : La Réunion doit s’engager dans une voie nouvelle.
I- « Vieille colonie », La Réunion est devenue un département français ................................
II- Une certaine convergence économique et sociale avec la France et l’Europe ………........
III- Le modèle réunionnais est « à bout de souffle »…………………………………….......

Chapitre deuxième – Vouloir : une Réunion à part entière.
I- Une Réunion reconnue en tant que telle …………………………………………………...
II- Une Réunion développée……………………………….....................................................
III- Une Réunion solidaire……………………………………………………………………
IV- Une Réunion durable………………………………….....................................................
V- Une Réunion ouverte sur le monde ………………………………………………………

Chapitre troisième - Agir : des mesures stratégiques pour une Réunion nouvelle.
I-Placer le territoire, l’identité et la culture au cœur du projet réunionnais de développement…………………………………………………………………………… 
II- Développer l’économie de production en s’appuyant sur les potentialités de l’île et sur l’exportation……………………………………………………………………………
III- Sauvegarder la cohésion sociale …………………………………………………………
IV- Résorber les disparités territoriales et s’inscrire dans une logique de développement durable……………………………………………………………………….
V- Devenir un centre relais dans l’océan Indien……………………………………………..

Chapitre quatrième – Les conditions de la réussite – les moyens.
I-Une plus grande lisibilité et une meilleure efficacité des politiques publiques……….........
II-Les moyens financiers……………………………………………………………………..
III- L’adhésion et la mobilisation de la population…………………………………………..

Conclusion…………………………………………………...................................................

Biographie


Wilfrid Bertile, né le 11 juillet 1945 à Saint-Philippe, est un géographe et homme politique réunionnais qui a exercé les fonctions de député du 21 juin 1981 au 1er avril 1986 et de secrétaire général de la Commission de l’océan Indien de 2001 à 2004.

Enseignant à l’Université de La Réunion, il a été jusqu’en 2010 vice-président du conseil régional de La Réunion où il exerce les fonctions de délégué à la mobilité. Membre de la commission permanente, il est alors président suppléant de la commission de la politique régionale.

Il a été maire de sa commune natale de 1971 à 1989. Il a également été conseiller général du canton qui la recoupe ainsi que conseiller régional de La Réunion dès 1983.

-----

Plus d’articles sur la POLITIQUE

Publicité