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Entretien avec Maximin Chane Ki Chune

Publié le 5 février 2018

A l’occasion de la sortie de son autobiographie « Le gamin aux pieds nus » en février 2018, Maximin Chane Ki Chune accorde un long entretien à Thierry Durigneux, rédacteur en chef du Quotidien de la Réunion.


Comment, malgré un début de parcours difficile, se forger un destin hors normes : telle est la leçon de vie que Maximin Chane Ki Chune, fondateur du Quotidien, propose dans un livre pudique qu’il vient de publier dont le fil rouge est « la volonté de vouloir » comme le répète son auteur.

Quel destin ! C’est par cette exclamation que Daniel Vaxelaire qui a assisté l’auteur dans la rédaction de cette autobiographie, ouvre la quatrième de couverture. C’est en effet une réflexion que beaucoup partagent. Ce sont aussi les mêmes qui se sont longtemps demandé pourquoi le fondateur du Quotidien ne couchait pas ses souvenirs sur le papier…

Homme discret, Maximin Chane Ki Chune a longtemps hésité, et jusqu’à la dernière heure, semblet-il. Se mettre en avant, ce n’est pas son genre. Donner des leçons non plus. Sauf que ce « Gamin aux pieds nus » fournira à nombre de ses lecteurs des moyens de moins douter, des ressorts pour agir.

Ce « Chemin de vie », soustitre de l’ouvrage, pourrait être recommandé parmi les manuels prétendant retrouver la voie de la confiance en soi. D’autant plus que l’auteur ne fait que rapporter son expérience. Car bien avant l’épopée du Quotidien, on suit les pas du petit Chinois de Saint-Louis, né dans une famille pauvre, orphelin de père à quatre mois. Il perd sa mère quatre ans plus tard. L’octogénaire se souvient aujourd’hui des conditions difficiles de son enfance tout en assurant avoir toujours mangé à sa faim. L’entraide et la solidarité familiales n’étaient pas de vains mots… Tout comme les valeurs transmises par les adultes, à commencer par la grand-mère : travail, honnêteté. Plusieurs décennies plus tard, Maximin Chane Ki Chune ne les a pas oubliées.


Monsieur Chane Ki Chune, il semble que vous ayez beaucoup hésité à sortir ce livre…

– À vrai dire, depuis toujours je voulais faire quelque chose. Finalement, à force d’hésiter, parce qu’écrire un livre sur ma vie me paraissait présomptueux, ce sont mes enfants qui m’ont décidé. En parlant avec eux, j’ai constaté qu’ils étaient curieux sur ma propre enfance.

Du coup, vous vous êtes décidé ?

– Oui, je me suis dit, je vais essayer de faire quelque chose avec des recettes simples. Je me suis dit qu’en les proposant au public, je pourrais être utile à quelques-uns.

Votre enfance a-t-elle été déterminante dans le reste de votre vie ?

– Oui, j’ai rencontré de nombreuses difficultés. Orphelin, je ne suis pas allé à l’école française. Plus tard, je me suis fait un devoir d’apprendre dix mots de français par jour. Comment je m’en suis sorti ? Je n’en sais trop rien, je me pose encore la question. Je pense qu’il faut une petite dose d’inconscience. C’est sans doute ce qui m’a permis d’affronter les problèmes. En tout cas, je n’éprouve aucun ressentiment. Je n’ai aucune revanche à prendre. Je me demande juste ce que je serais devenu si j’avais vécu une autre enfance, dans le confort.

On a le sentiment que vous étiez plutôt seul. Au cours de votre jeunesse, vous n’avez pas fait de rencontres déterminantes ?

– Non, pas de rencontre spécifique. C’est surtout la volonté de faire qui a été mon moteur. Très jeune déjà, quand je pensais déceler une faiblesse, je m’attachais à la combler. Je me souviens que, ayant décidé de suivre des cours de capacité en droit, j’avais trois mois de retard sur les autres. Je ne pensais pas que je réussirais mais j’étais déjà satisfait de ce que j’apprenais. Plus tard, je me souviens avoir déclaré à un journaliste du Monde que je pourrais trouver cinquante bonshommes qui créent cinquante entreprises.

Le Quotidien en construction en 1976

Vous pensez être un exemple ?

– Je pense surtout qu’on doit donner des exemples aux jeunes pour qu’ils se développent et trouvent du travail.

Vous avez créé des affaires sans beaucoup d’argent…

– L’argent n’a jamais été le premier souci pour moi, même s’il en a fallu pour ouvrir un labo photo. J’ai rencontré mille difficultés. Mais l’essentiel est d’échanger avec les autres, d’avoir des idées et de convaincre ensuite. La richesse, pour moi, elle tient à la personnalité, la volonté, les idées. J’ai eu des activités très différentes, à commencer par la photographie, de nombreux projets, y compris dans l’élevage. Mais ça ne veut pas dire qu’il faut travailler seul, au contraire ! Finalement, pour moi la recette c’est volonté plus travail. C’est avoir la volonté de vouloir.

Vous avez d’ailleurs créé bien d’autres structures que des entreprises ?

– Oui, je l’ai fait avec d’autres. Je suis cofondateur de l’Adir, l’association pour le développement industriel de La Réunion, par exemple. Je suis aussi à l’origine, avec d’autres, de l’implantation de la Banque Populaire, devenue la Bred, à La Réunion. Il nous fallait une autre banque, pour nous modestes créateurs d’activité !

Que pensez-vous du monde économique moderne et de la floraison de start-up ? C’est aussi de la volonté d’entreprendre, non ?

– Je me retrouve un peu dans cet esprit d’initiative. L’initiative avec la volonté, c’est vital. La seule différence est que de nombreuses startup ne sont lancées qu’au moyen de levées de fonds énormes. Ce qui n’était pas mon cas ! Je prenais mes risques mais sans argent ou presque.

« Une nouvelle manière d’informer » : Le Quotidien a fortement innové lors de sa création. (Photo : R. Wae Tion)

Votre grande réussite, contre vents et marées, est la création du Quotidien, en 1976 ?

– Je ressentais le besoin de proposer aux Réunionnais un journal indépendant, libre. Sans parti ni parti pris. On ne peut pas dire que les différents pouvoirs de l’époque m’ont aidé au début. C’est grâce à la solidarité réunionnaise que Le Quotidien a passé un cap difficile et a survécu à la crise.

Du paille-en-queue à l’autobiographie, c’est un véritable saut dans l’inconnu !

– À vrai dire, je me suis posé des questions jusqu’à la fin. Heureusement, j’ai travaillé avec Daniel Vaxelaire qui était journaliste au Consommateur, en 1973, journal qui a précédé Le Quotidien où il a travaillé comme journaliste. Bref, nous étions en phase pour ce travail.

Quelle a été votre méthode de travail ?

– On se rencontrait régulièrement. De mon côté, je notais mes souvenirs, mes idées. Il a fallu aussi procéder à de nombreuses recherches. Tout cela fait un peu archives. Il n’y a rien de moderne dans mon livre. Mais je crois qu’il peut parler au présent.

Propos recueillis par Thierry DURIGNEUX


Sorti en février 2018 : « Le gamin aux pieds nus » , de Maximin Chane Ki Chune, avec Daniel Vaxelaire, éditions Orphie, 175 pages : Commander en ligne pour 15 euros


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