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Teddy Tangapriganin, le boursier devenu pilote de ligne

Publié le 15 mars 2018

A 32 ans, il pilote des Boeing 737 partout dans le monde. Originaire du Moufia, Teddy s’est formé au pilotage en parallèle d’un Master en Mathématiques, sur le tas. Il a été récompensé par un prix « Talent de l’Outre-Mer » début 2018.

Vol commercial en Boeing, départ de Cancun au Mexique (à g)

Pouvez-vous vous présenter ?

Teddy Tangapriganin, 32 ans. Je suis né à la Réunion et j’ai passé mon enfance dans le quartier du Moufia à Saint-Denis. J’y ai suivi toute ma scolarité jusqu’au baccalauréat en 2003. Ma famille est de classe modeste, ce qui m’a naturellement imposé le choix de la mobilité sur critères sociaux une fois l’heure de poursuivre mes études hors du département venue.

Comment cela s’est-il passé ?

La transition fut radicale : passer d’un cadre de vie insulaire tropical à un cadre européen continental fut un challenge qui m’a permis par la suite de m’adapter à n’importe quelle ville du monde. J’ai décroché un Master de Mathématiques et suivi en parallèle une formation de pilote de ligne. J’ai très vite été amené à me déplacer un peu partout...

Comment êtes-vous devenu pilote ?

J’ai commencé ma carrière de pilote à l’âge de 20 ans en passant par toutes les strates du métier : aviation générale, d’affaire et commerciale. Aujourd’hui, je ne compte plus les pays dans lesquels je passe mon temps, même si la région parisienne est l’endroit où je vis le plus fréquemment. Je vole au sein de la compagnie tchèque Smartwings Travel Service, essentiellement sur la base française à l’aéroport de Charles-De-Gaulle. Mais depuis janvier 2018, je suis basé à Chicago pour le compte de la compagnie américaine Swift Air.

Voltige aérienne à Avignon

Quel est votre regard sur la mobilité ?

La Réunion est une île où certaines formations n’existent pas et dans mon cas, l’option de la mobilité était envisagée dès le secondaire. Je savais que la suite de mon mûrissement et de ma formation technique allait se dérouler en France métropolitaine. Bref, l’effort des politiques locales en termes de mobilité est efficace. Boursier sur critères sociaux, j’ai bénéficié d’un prêt bancaire et d’une bourse d’honneur pour financer ma formation de pilote.

Que vous a apporté cette expérience ?

La mobilité - peu importe son lieu d’origine - est un outil que tout le monde devrait utiliser un jour ou l’autre. C’est de toute évidence un accélérateur d’ouverture d’esprit. C’est comme ça que je l’ai vécu et cela en a été de même pour les gens de mon entourage qui ont osé la mobilité. Elle m’a permis de rencontrer des personnes d’horizons divers et cela fut un apport essentiel dans mon développement.

Quels sont vos projets ?

D’un point de vue professionnel : continuer à gagner en expérience et expertise… idéalement en Outre-Mer ! D’un point de vue personnel, je fais en sorte que ma vie soit une aventure au quotidien où il est hors de question que la routine s’installe. Je m’intéresse à la plongée, l’équitation, la mécanique automobile, l’architecture d’intérieur, etc.

Convoyage d’un avion depuis les USA vers l’Europe, escale technique à Narsarsuaq au Groenland (à dr)

Qu’est-ce qui pourrait vous convaincre de revenir habiter à la Réunion ?

Je suis déjà convaincu de vouloir y habiter. C’est plutôt l’inverse : à moi de convaincre les éventuels recruteurs de ce que je pourrais leur apporter. Je fais juste le constat suivant : les Réunionnais ont su instaurer un « savoir-vivre-ensemble » que le reste du monde pourrait envier. Je ressens encore trop souvent cette tendance des terriens de dissocier un être humain d’un autre à cause de sa race ou de ses origines culturelles.

Quels liens gardez-vous avec la Réunion ?

J’ai la chance de me rendre à La Réunion quand c’est possible, ce qui me permet de faire le plein d’épices et autre produits locaux. Il faut dire que tout me manque de mon île : les proches, les événements, les odeurs, les saveurs, les ambiances, les lieux... il est difficile de citer une chose en particulier car c’est un tout : la réunion des ensembles.

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

Bien évidemment, à commencer par mes amis d’enfance ! À différents moments, on a tous fait l’expérience de la mobilité ce qui nous a permis de nous retrouver d’une manière ou d’une autre. Par ailleurs, j’ai eu le plaisir d’assurer la formation de pilote professionnel de certains Réunionnais qui ont intégré par la suite d’excellentes compagnies aériennes un peu partout dans le monde (Moyen Orient, Asie, Amérique du Nord et Europe).

Instruction bénévole aviation de loisir à Saint-Cyr l’École

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

J’ai la chance de rencontrer pléthore de nationalités avec qui tout naturellement les discussions mènent à se présenter et à épiloguer sur les origines, la terre natale. Je suis très satisfait de savoir que la Réunion est présente dans la cartographie mentale de la plupart des gens… Oui oui les Tchèques ou encore les Jamaïcains connaissent l’existence de notre île. Dans le cas contraire comme tout bon ambassadeur qui se respecte, je me permets de faire un long topo de mise à niveau. 

Il faut reconnaître que les services de communication - dont l’IRT - font un travail monstre pour faire rayonner notre île : publicités placardées en Europe, distribution de produits réunionnais chez Harrod’s à Londres ou chez Carrefour à Varsovie, reportage sur les enfants de la Creuse sur la BBC, série Cut diffusée sur TV5 Monde…

Comparé à la communauté antillaise, j’ai l’impression que les Réunionnais ont eu plus de mal à se rassembler mais fort heureusement la tendance est en amélioration ; on voit des associations naître partout et des activités événementielles. J’ai une pensée toute particulière pour l’AERP (Association des Étudiants Réunionnais de Paris) qui fait un travail admirable pour que l’intégration se fasse en douceur.


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