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Deuil national en Pologne : Edwin Moulouangou témoigne

Publié le 20 avril 2010

La rubrique 974 World News réalisée en partenariat avec Le Quotidien donne la parole à des Réunionnais qui témoignent de l’actualité dans leur pays d’adoption. Edwin Moulouangou, 25 ans, a débarqué en Pologne il y a deux ans et demi. Il nous fait vivre le deuil des Polonais comme si nous y étions et témoigne par ses photos de ce poignant moment. Originaire de Saint-Gilles les Hauts par sa mère et du Congo par son père, il a travaillé pendant deux ans pour United Airlines à Poznan dans le Nord-Ouest du pays avant de déménager le 1er mars dernier pour Varsovie où il a trouvé un emploi dans la société de réservations de billets d’avion, Amadeus.

Edwin Moulouangou
Edwin a partagé le deuil des Polonais.

Quelles conséquences sur votre vie quotidienne a eu la catastrophe aérienne qui a coûté la vie au président Lech Kaczynski ?

Le samedi matin après la catastrophe, à mon réveil, ma copine m’a annoncé que la femme du président était morte. Sur le coup, comme j’étais encore endormi, je ne me suis guère inquiété. Mais elle m’a réveillé à nouveau cinq minutes plus tard, en pleur, pour me dire que le président et 95 autres personnes avaient été tués. A ce moment j’ai réalisé que c’était bien plus grave.
En conséquence, le lendemain tous les centres commerciaux étaient fermés. Tous les événements sportifs et culturels ont été reportés. La vie tourne au ralenti depuis le samedi 10 avril avec un deuil national de cinq jours, du lundi au vendredi.
Le lundi au travail ma journée a commencé par une réunion avec tous les employés. Le patron nous a fait observer une minute silence ensemble et a demandé si certaines personnes dans la société avaient des proches parmi les victimes de ce crash.
Depuis lundi, Varsovie est rempli de monde venu de toute la Pologne pour se recueillir devant le palais du président. Il est possible d’accéder au palais et de voir les cercueils du président et de sa femme. J’ai été choqué en voyant la foule faisant la queue sur toute l’allée menant au palais et attendant au minimum treize heures pour voir les cercueils ? Vraiment, c’est incroyable un tel engouement...

Plus généralement, comment les Polonais que vous côtoyez ont-ils réagi ?

Les polonais sont sous le choc car cette catastrophe survient a la date anniversaire de Katyn où des milliers d’officiers polonais ont été tués par la police de Staline en 1940. Et la visite de Lech Kaczynski en Russie était justement prévue pour la commémoration de ce drame. Pour eux, c’est comme s’ils vivaient un deuxième Katyn dans leur histoire. Ce n’est pas joyeux du tout. C’est un peuple qui a souffert et qui est à nouveau meurtri après cet événement. Ce sont les poids lourds du gouvernement qui sont partis. En imaginant ce que cela pourrait signifier en France, je me suis rendu compte de la gravité de la chose.
Les Polonais sont très patriotes et tout le monde a été touché, quels que soient ses opinions politiques ou son âge. Les gens ont dressé des drapeaux avec ruban noir aux abords de toutes les fenêtres. Des milliers de lampions ont été disposés à chaque coin de rue. Sachant que 90% de la population est très très catholique, vous pouvez imaginer à quel point les églises sont prises d’assaut.

photo : Edwin Moulouangou

La thèse officielle de l’accident fait-elle l’unanimité au sein de la population ?

La thèse de l’accident n’a rien d’officielle puisque l’enquête est toujours en cours et pour ne pas dire des bêtises, comme l’a dit un des prélats de l’Eglise polonaise, c ’est le moment du deuil et non du pourquoi.

Le choix d’enterrer Lech Kaczynski au Wawel de Cracovie, sorte de Panthéon de la Pologne, fait polémique. Comment était considéré le président défunt ? Etait-il populaire ?

Le fait de l’enterrer a Cracovie n’est pas populaire car un président n’a pas la même histoire qu’un roi et le fait de mourir dans un crash ne justifie pas d’être enterré là-bas. Donc ce choix fait débat.
Aussi le paradoxe est que ce président est né à Varsovie. Il a fait sa vie politique ici, il a été maire de la ville avant son élection, il aurait été plus logique que son enterrement se passe ici. En plus, il était impopulaire. Les vieilles rivalités entre Varsovie la capitale et Cracovie ne font qu’amplifier le malaise. Mais que faire ? Cela a été décidé ainsi même si personne ne sait vraiment d’où vient la décision.

Craignez-vous que la Pologne entre dans une période d’instabilité ?

La succession va se faire dans le calme car les futurs candidats savent que cette élection anticipée est due à un événement inattendu. Pour le moment c’est d’autant plus calme que trois candidats potentiels sont décédés dans le crash.

photo : Edwin Moulouangou

Etes-vous optimiste pour le développement économique de la Pologne ?

La Pologne est le futur nouveau pays qui sera considéré comme un pays de l’ouest. Durant la crise, la Pologne a été un des seuls pays européens à avoir de la croissance. Après deux ans et demi passés ici, j’ai pu percevoir le développement. Et dans les cinq prochaines années, la Pologne va encore prendre de l’importance dans les cinq prochaines années notamment en organisant l’Euro de football en 2012 comme elle l’a déjà fait pour l’Euro de basket l’année dernière.

Envisagez-vous de faire votre vie là-bas ? Et pourquoi ?

Je viens de commencer un nouveau travail donc j’espère réussir et je pense rester encore un moment selon les opportunités...

Quels conseils donneriez-vous à un Réunionnais souhaitant faire carrière en Pologne ?

Il ne faut pas imaginer la Pologne comme si c’était la Sibérie. Ça n’a rien à voir. Il faut foncer et ne pas s’arrêter aux stéréotypes. Beaucoup de grosses sociétés s’implantent ici. J’ai vécu à Dublin auparavant et je peux vous dire, en comparaison, que la Pologne sera le prochain eldorado.

Interview réalisée par Franck Cellier parue sur lequotidien.re

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