Depuis la lecture du rapport sur la « transplantation de mineurs de La Réunion en France hexagonale », je suis comme en équilibre au bord d’un gouffre, avec cette graine de colère qui germe dans mon esprit en y faisant des racines. Alors comme chaque fois que j’ai du mal à maîtriser mes sentiments je jette des mots sur un papier, et le malheur de l’histoire c’est que je me sens toujours obligé de les partager, pour exorciser, évacuer les sombres idées.
Un texte de Christian GALAS sur les « enfants réunionnais de la Creuse »
Passent, passent et repassent les Rapaces au-dessus de l’Île carapace, cherchant une faille, un déséquilibre, dans la balance de cette tropicale Terre aux enfants multicolores.
Ces enfants qui apprennent à l’école que leurs ancêtres étaient des sans-culottes, ou des Hommes vêtus de braies, sans jamais leur dire que d’autres portaient des Chaînes qui n’étaient pas des bijoux et allaient pieds nus, ces enfants donc ont été repérés par le regard d’aigle des observateurs missionnés par la Mère Patrie et jugés trop nombreux sur le plateau, déséquilibrant la balance du Pays Hexagonal auquel pourtant l’île était Réunie.
Trop nombreux, trop nombreux, il faut effacer leurs noms, d’esclave pour la plupart, et les déporter vers la terre aux volcans éteints où Héphaïstos ne fait plus résonner son marteau depuis des siècles, loin de cette terre dans les profondeurs de laquelle Vulcain exprime son bouillonnant caractère.
Tous ces enfants désormais sans racines furent « transplantés » et ont vieilli loin de leur mère, de leur fratrie, des parfums originels, tous n’ont pas vieilli d’ailleurs, il est parfois nécessaire de mettre fin à ses souffrances !
Certains effleurés par la chance, après le malheur connurent une part de bonheur et parvinrent à se faire une place non pas au soleil, mais dans la société malgré les discriminations.
Mais comme dans toutes les familles les enfants devenus grands creusent, creusent les enfants pour connaître leurs origines, pourquoi ils ressemblent à tel ou tel membre de la famille, ou pourquoi n’y a-t-il aucune ressemblance. Creusent, creusent ces enfants, comme les autres, sans savoir qu’ils viennent d’un "Ailleurs" inconnu.
De plus, alors qu’ils creusent ils sont rongés par la honte de trahir ceux qui les ont adoptés, élevés et parfois aimés pour beaucoup ce mur demeure à jamais infranchissable !
Vous pouvez vous dire qu’on les a tirés de la misère, ce n’est pas faux, qu’ils ont la chance d’avoir deux familles ; en êtes vous sûrs ? Réfléchis lecteur, creuse au fond de ton cœur, creuse au fond de ton âme, si tu as la chance d’avoir des enfants accepterais-tu qu’on t’en enlève ne serait-ce qu’un seul pour qu’il ait peut-être un avenir meilleur sans partager avec sa famille les bonheurs et les malheurs du quotidien.
Creuse, creuse, creuse......