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Martine Vitry, co-créatrice de Ma Créole Vanille

Publié le 11 octobre 2018

Martine, la tatie et Claude, la nièce ont un jour pris un billet retour pour la Réunion pour développer leurs créations artisanales : des objets utiles au quotidien, cousus et décorés par des dessins originaux représentant la faune, la flore et culture réunionnaise. Portrait.



Pouvez-vous vous présenter ?

Martine Vitry. Je suis née à Sainte Clotilde il y a bientôt 50 ans. J’ai habité à la Réunion jusqu’à mes 19 ans en déménageant plusieurs fois à Saint Denis, au Port et à la Ravine des Cabris. Après un Bac Economie au Tampon et un an d’université, je suis partie en Métropole. J’ai aussi été plusieurs mois au-pair en Angleterre, puis aux Baléares. C’est une période de ma vie qui a été très importante humainement et professionnellement par la suite.

Et ensuite ?

Rentrée à Paris, j’ai suivi une formation d’informatique à l’époque où ce n’était pas courant d’avoir un ordinateur… Il fallait apprendre les codes ascii et taper des formules sur un écran noir pour lancer un logiciel. Cela m’a aidé à trouver du travail facilement dans le sud de la France. Après la naissance de mon fils, j’ai décidé d’être assistante maternelle pour privilégier ma vie de famille, pendant huit années. Puis j’ai appris la comptabilité car cela payait mieux. J’ai vite compris que je m’ennuyais dans mon existence et que travailler dans l’humain était très important pour moi. J’ai suivi une formation de sophrologie à Nice grâce à laquelle je peux accompagner les autres aujourd’hui. J’ai ouvert un cabinet de sophrologie à Cannes et j’étais très heureuse dans ce nouvel équilibre vie privée / vie professionnelle.


A Cannes j’avais les montagnes, la ville et la mer mais aussi le froid en hiver (que je supportais de moins en moins !). C’était ma façon d’être un peu à la Réunion. Après 29 ans de vie en métropole et à un nouveau carrefour de mon existence, lors de mes vacances en 2017 à la Réunion, j’ai décidé de m’installer au “peï” pour créer une entreprise de vente de produits touristiques faits main (Ma Créole Vanille) avec ma nièce en 2017 en parallèle de mon activité de sophrologue.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à rentrer à la Réunion ?

La vie m’a ramenée sur mon île. Après ces diverses expériences professionnelles et personnelles, je désirais vivre en accord avec ma philosophie et ma personnalité. Aujourd’hui je me demande comment j’ai pu rester si longtemps loin de « mes » montagnes. Quand je les vois je me sens encore plus vivante !

Racontez-nous les débuts de « Ma Créole Vanille ».

J’ai eu l’idée avec ma nièce de créer une société artisanale d’articles touristiques. Il y a eu quelques obstacles avec la banque et l’administration qui nous ont fait perdre du temps. Tout est rentré dans l’ordre grâce à l’aiguillage vers des personnes plus compétentes à la Chambre des Métiers de Saint-Pierre. A partir de ce moment là c’est allé très vite. En décembre 2017, nous avons commencé à vendre sur les marchés. Nous nous sommes inscrites sur le marché de Saint Paul et ça a été une très belle expérience de découvrir ce type de vente.


Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Comme prévu nous sommes rentrées à nouveau en Métropole pour préparer notre déménagement final. Pour moi c’est fait. Claude est encore en Métropole car elle doit régler des affaires personnelles et professionnelles. Cela fait six mois que notre société est créée. Nous avons à présent un petit stock qui ne demande qu’à être acheté. Je suis très fière de cet avancement. Coudre est ma façon de méditer, j’aime ce que je couds et adore les dessins de ma nièce. Avec Ma Créole Vanille, j’allie toutes mes expériences professionnelles et humaines passées. Nous aimerions avoir nos produits dans les boutiques des Offices du Tourisme mais apparemment cela demande du temps pour y parvenir !

Quels sont vos projets ?

Aujourd’hui j’aimerais que Ma Créole Vanille plaise et que les articles soient achetés parce que nous y mettons notre âme réunionnaise. Dans nos motivations premières, ma nièce et moi désirons intégrer à notre travail le savoir faire local. Nous essayons de nous adapter à la demande touristique, tout en gardant ce qui nous motive : le bonheur de créer, de communiquer notre culture et notre personnalité dans notre travail. Nous aimerions avoir un local où produire et avoir un lieu où les gens peuvent nous rencontrer. D’ici là j’espère pouvoir participer aux carrés artisanaux pour les croisiéristes car c’est notre clientèle initiale.

Dans quel état avez-vous trouvé le marché du travail en rentrant ?

Dans le domaine de l’artisanat il y a beaucoup de concurrence comme partout. Je trouve que l’artisanat réunionnais est de qualité et pas assez représenté dans les lieux touristiques. Je commence à comprendre pourquoi malheureusement. Il faut être sur tous les fronts : créer, vendre, être vu, faire tout l’administratif et le reste en même temps.

Qu’est ce qui vous surprend le plus par rapport à l’endroit où vous viviez en mobilité ?

Par rapport à la Métropole, ici le rythme est plus lent. C’est aussi ce que je suis venue chercher mais parfois c’est vraiment lent... Cependant, il y a toujours quelque chose qui finit par se produire et qui nous fait avancer (pas toujours ce que j’avais envisagé par ailleurs). L’adaptabilité est un des principes de la sophrologie mais surtout ce que j’ai appris depuis toute petite.


Qu’avez-vous trouvé de changé à votre retour à la Réunion ?

Ma culture natale a grandi en moi en Métropole. A mon retour pendant les deux premiers mois, j’ai souffert de m’apercevoir que beaucoup de Réunionnais ont perdu ce que je communiquais en Métropole : notre solidarité naturelle, les rires, les envies de partager, d’être là pour les uns et les autres... Et puis en discutant avec un copain zoreil, je me suis rendue compte que je devais aussi montrer l’exemple en tant que Réunionnaise. J’ai arrêté de regarder ce qui ne va pas bien pour découvrir tout ce qu’il y a de bon en nous et qu’il faut préserver : notre cœur, nos valeurs magnifiques d’entraide.

Avez-vous un exemple ?

Par exemple je me balade autour de chez moi au 14ème où il y a encore beaucoup de champs de toutes sortes de légumes. Un dimanche matin je vois une dame couper des brèdes dans un champ. On s’échange un « bonjour » de loin et très vite elle me demande si je veux des brèdes. Nous passons un petit moment à papoter et marchons quelques pas. Je suis rentrée avec mes brèdes. C’est ça pour moi la Réunion. Le contact facile, l’envie de partager, le bonheur à saisir et tout le reste. C’est ça le bonheur pour moi.

Quels sont les points de satisfaction / déception de votre retour ?

Du côté moins agréable, ce sont les similitudes avec la Métropole qui me surprennent le plus : les gens entrent tête baissée dans le rythme infernal de la société de consommation et prennent de moins en moins le temps pour leurs valeurs les plus profondes. Du côté positif, la gentillesse des personnes. Et vraiment ce qui me vient immédiatement : les pique-niques réunionnais. Quand je suis seule chez moi et que j’entends les voisins causer en créole, ça me remplit du bonheur d’être là. La langue créole c’est ce qui me faisait le plus défaut en Métropole. Nous Réunionnais avons une richesse que nous ne soupçonnons pas forcément. Bien sûr il y a des gens violents, des choses laides comme partout. Mais quand je mange des fruits juste cueillis comme la papaye, la noix de coco, la patate douce, le manioc, je ressens que c’est vraiment génial d’être à la Réunion. Je suis heureuse d’avoir découvert d’autres cultures car à présent je ressens que la mienne est superbe et d’une richesse exceptionnelle.

Avec le recul, tirez-vous un bilan positif de votre expérience de mobilité ?

Je suis partie de la Réunion à l’âge de 19 ans sans penser à la moindre conséquence. J’ai appris à être adulte en Métropole. J’ai appris à rencontrer toutes sortes de personnes de toutes sortes de nationalités. C’est une richesse de voyager mais pour mieux revenir. Je ne regrette pas d’être partie et je ne regrette pas d’être revenue. Le bonheur n’est pas dans les voyages, ni en Métropole et ni même à la Réunion. Il est là où on prend le temps de le vivre !

+ d’infos : https://macreolevanille.com / https://tikadom.com/fr/10__ma-creole-vanille / www.facebook.com/MCVMaCreoleVanille


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