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François Hoareau, 36 ans, responsable de zone en Allemagne

Publié le 16 juin 2010

Originaire de l’Ermitage, François a quitté la Réunion en 1992 pour suivre des études de commerce international. Aujourd’hui trilingue, il vit à Strasbourg, en Alsace mais passe l’essentiel de ses journées de travail en Allemagne. François reste très lié à son île d’origine et à son évolution économique.

François Hoareau

D’où êtes-vous à la Réunion ?

L’Ermitage-les-Bains correspond plutôt au cliché d’un certain milieu aisé. Pourtant, lorsque mes parents avaient décidé de construire vers 1971, beaucoup les auraient plutôt traités de fous. C’est en tous cas là que j’ai grandi, ainé de trois enfants, dans un milieu modeste, avec une mère au foyer et un père instituteur.

Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter l’île ?

C’était en 1992, après un intermède à l’Université de la Réunion. Avant le bac déjà, je voulais m’orienter vers le commerce international, et donc quitter la Réunion pour suivre ce type de cursus. Mon départ s’est fait plus tard que je ne l’aurai voulu. Arrivé à Marseille en pleine grève SNCF, j’avais prévu d’être à Toulouse le soir même, pour prendre mes quartiers en cité-universitaire. Après quelques heures d’attente, j’ai pu enfin quitter la gare Saint-Charles pour Toulouse-Matabiau, en train Corail…

Quel a été votre parcours ?

J’ai quitté la ville rose pour Cologne en 1994,
via une bourse ERASMUS… et j’y suis resté, ne revenant alors que pour mes examens à Toulouse II. Après un cursus LEA / Commerce International & Marketing, j’ai vécu et travaillé en
Allemagne jusqu’en 2008. Depuis, je réside à nouveau en France, mais continue de passer le clair de mon temps en Allemagne…

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

Une ouverture d’esprit sur le monde, un regard plus nuancé sur la Réunion, une maturité cosmopolite, beaucoup de contacts d’horizons divers, et les expériences combinées de la vie et du travail hors de ma région, la Réunion, hors de mon pays, la France.
En termes de compétences également, je suis parfaitement trilingue, chose généralement impossible à atteindre sans quitter son nid. C’est un avantage professionnel, tout autant que le fait d’avoir travaillé à l’étranger et/ou dans l’industrie, dans un environnement international.

Quels sont vos projets ?

Préparer un nouveau déménagement à très court terme, et prendre mes fonctions de responsable commercial au plus tôt. Redécouvrir à l’occasion la signification des concepts de temps-libre et de vacances…

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

Les mangues vertes, les évis, les caramboles mures, les papayes du jardin… Et la famille aussi bien sûr, même si, depuis quelques années, l’avènement des forfaits tout-inclus vers et depuis les DOM ont favorisé un contact beaucoup plus régulier, sans compter les vidéoconférences sur internet.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

Les façons de procéder ont bien évolué. Nombre d’entreprises observent et s’enrichissent beaucoup de ce qui se fait ailleurs, ou sont même en prise directe avec l’extérieur, pour certaines PME. Incidemment, ce sont souvent ces entreprises qui sont les plus dynamiques. Mais aujourd’hui encore, on entend trop parler de l’éloignement de l’hexagone, bien plus que de la situation privilégiée dans l’Océan Indien, par exemple. Dans un même temps, un certain sentiment d’infériorité persiste, un certain fatalisme, lequel encourage finalement beaucoup d’immobilismes.

Quoi d’autre ?

L’initiative personnelle ou l’esprit d’entreprise manquent souvent de pragmatisme, quand ils se manifestent. La peur de l’inconnu tétanise, alors que seul le premier pas coûte. Mais ce ne sont pas là des spécificités dues à l’insularité, je considère juste que ce sont des facteurs aggravants. Au niveau de la vie économique comme dans le quotidien des personnes, il n’y a pourtant aucune raison de penser qu’on fera forcément moins bien. Il faut en revanche se donner les moyens de réussir, et donc se projeter sur un long terme, sans complaisance, faire avec ce qu’on a, plutôt que de souhaiter que les choses fussent autrement…

François Hoareau portrait

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

Aucun inconvénient, au contraire un aspect sympathique et marquant. C’est une façon toujours agréable de briser la glace lors de mes rencontres, à titre privé comme à titre professionnel, simplement en glissant discrètement sur le sujet de la
Réunion. Par exemple, commencer à parler des cerises comme fruits exotiques : une simple question de perspective, finalement !

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

Pour l’Alsace, n’ayant jamais été beaucoup chez moi, je n’en sais malheureusement que trop peu. Hormis le fait que les clichés ont la vie dure. La Réunion, une destination exotique, un endroit où il fait bon vivre, que d’aucuns pensent encore dans les Caraïbes…

Et en Allemagne ?

En Allemagne, la situation a toujours été sensiblement différente. L’île est soit parfaitement inconnue, soit les gens en ont entendu parler, et la situent généralement, au pire, quelque part dans l’hémisphère sud. Bien souvent aussi, à Cologne, Düsseldorf ou Munich, le fait de voir quelqu’un avec un t-shirt de la Réunion m’a fait l’effet d’un clin d’œil. Il faut ajouter que les Allemands voyagent (comparativement) beaucoup. Les premiers reportages sur la Réunion dont je me souvienne datent au moins de 1988, sur la chaine privée RTL. Globalement, les Réunionnais installés hors de l’île sont perçus comme Français à l’étranger, parmi d’autres, ou passent généralement inaperçus le reste du temps.

Vous même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

Ayant vécu plus de treize ans en Allemagne, l’Alsace représente pour moi le meilleur des deux monde. Capitale de l’Europe, Strasbourg s’apprécie réellement comme ville internationale. Les frontières (linguistiques, géographiques, etc.) ne sont jamais loin, la région déborde de charme, les Alsaciens plutôt accueillants. Et oui, il y a encore des cigognes ! Comme partout, il suffit de commencer par seulement sourire.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

Partir. Partir pour se donner la chance d’appréhender les choses en profitant d’une perspective différente. Prendre du recul par rapport à sa propre expérience, se remettre en question. Partir pour apprendre à s’affirmer hors du cocon familial, s’émanciper. Partir pour s’enrichir, pour apprendre à anticiper, pour se former… Partir pour gagner sa vie. Partir enfin, peut-être, pour vraiment savoir apprécier le quotidien à la Réunion. La privation crée le manque, pas forcément tout de suite, ou, plus rarement, pas du tout.

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?

Depuis que je l’ai découvert en 2009, il a fini par figurer en bonne position parmi les flux RSS auxquels je suis abonné !

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