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Elections 2010 en Angleterre : Sylvie Fredouille témoigne

Publié le 22 juin 2010

La rubrique 974 World News réalisée en partenariat avec Le Quotidien donne la parole à des Réunionnais qui témoignent de l’actualité dans leur pays d’adoption. Sylvie Fredouille, Bénédictaine d’origine, habite à Oxford depuis douze ans. Cette mère de deux garçons travaille comme réceptionniste dans le centre informatique du Conseil Régional du comté d’Oxfordshir et enseigne le français aux adultes tous les lundis soirs.

Sylvie Fredouille

- Les elections ont-elles passionné les gens que vous côtoyez ?

- La famille de mon conjoint est très passionnée de politique. Son père, John Tanner était le "Lord Mayor of Oxford" en 2007. Maire d’Oxford, il inaugurait de nouveaux édifices et participait aux événements sociaux et culturels. Les responsabilités d’un maire ici sont différentes de celles des maires à La Réunion ou en France. Actuellement, il représente le Parti travailliste au Conseil Général où il siège. Le frère de Rob est dans les relations publiques politiques. Du temps de Gordon Brown il travaillait au 10, Downing Street, la résidence officielle du Premier ministre de la Grande-Bretagne.
Le jour des élections, Rob a apporté son aide au parti travailliste dans un des bureaux de vote alors que ses parents frappaient aux portes pour s’assurer que tous les sympathisants du "labour" allaient voter !

- La période électorale qui vient de s’achever a-t-elle modifié vos habitudes ?

- Pas pour le moment ! La Grande-Bretagne est encore dans les limbes pendant que la coalition s’installe. Cependant, les réductions de dépenses publiques que le nouveau gouvernement a l’intention de faire seront très dures. En tant qu’employée du conseil régional et mère de famille, je me demande bien comment cela va m’affecter.

- Vous attendiez-vous à ce que ces élections débouchent sur un gouvernement de coalition entre libéraux et conservateurs ?

- Oui, on s’y attendait : le leader du parti libéral-démocrate, Nick Clegg, est à l’extrême droite de son parti et il a très ouvertement montré qu’il n’aimait pas Gordon Brown. Nick Clegg et David Cameron viennent d’un milieu similaire, tous deux ayant bénéficié d’une éducation privée.

- Comment expliquez-vous la défaite de Gordon Brown ?

- Il y a en fait trois raisons principales à la défaite de Gordon Brown : D’abord, tout le succès économique qui a marqué ses dix années de Chancelier s’est évaporé avec la crise mondiale. Deuxièmement, les Anglais en avaient marre du parti travailliste après 13 ans et ils voulaient donner une chance à un autre parti. Finalement, Brown manquait de charisme et il était peu à l’aise devant les caméras, tout au contraire de Cameron et Clegg.
Les Anglais n’aimaient pas non plus être "gouvernés" par un Ecossais. Il est intéressant de noter que les Ecossais, les Gallois et les immigrants ont voté pour Brown, alors que les Anglais ont voté pour Cameron.

- Pensez-vous que David Cameron et Nick Clegg parviendront à s’entendre pendant tout un mandat ?

- Le point fort de cette coalition, c’est la crainte d’une autre élection. Aucun des deux partis n’a eu autant de succès qu’il l’espérait lors des élections. Les réductions qu’ils promettent de faire les rendront sûrement moins populaires même si la Grande-Bretagne n’est pas habituée aux grèves, ni aux troubles sociaux.
Les deux partis devront s’entendre, sinon, le parti travailliste reprendra le pouvoir ! La plus grande faiblesse de la coalition, c’est que les membres du parti libéral-démocrate sont en général plus à gauche que leur leader. Ils perdront beaucoup de votes localement, vu que beaucoup de votes du "labour" sont allés aux libéraux. Tout ce qu’on peut faire maintenant, c’est attendre pour voir ce qui se passe : Wait & see !

- Quelle sera selon vous la conséquence la plus immédiate de leur prise de pouvoir ?

- Pour gagner ces élections legislatives, il fallait proposer une solution pour réduire le déficit budgétaire. Le parti travailliste croyait en l’augmentation des impôts tandis que Clegg et Cameron préféraient les réductions des dépenses publiques. Les dépenses gouvernementales vont être diminuées considérablement, spécialement au Pays de Galles, en Ecosse et en Irlande.

- Qu’en attendez-vous personnellement ?

- Mon salaire va certainement diminuer par rapport à l’inflation mais j’espère bien que je garderai mon poste ! Dans le centre informatique où je travaille en ce moment, environ 30% des employés ont récemment perdu leur travail du fait d’une restructuration de l’organisation (qui n’est d’ailleurs pas encore terminée !) pour faire des économies à longs termes. Il y a donc plus de pression sur ceux d’entre nous qui ont gardé leur poste : mêmes responsabilités, mais moins d’employés !

- Les perspectives économiques de la Grande-Bretagne vous semblent-elles meilleures qu’en France ?

- Je pense que oui… Ici, à Oxford, les employés de BMW ont accepté une baisse de leur salaire en travaillant moins d’heures par semaine afin de pouvoir sauvegarder leur emploi. Depuis la récession, les Britanniques ont été prêts à faire la même chose, ce qui fait que le chômage est resté relativement bas, en comparaison avec la situation en France. C’est donc bon signe pour la Grande-Bretagne. Cependant, tout dépend maintenant des décisions du nouveau gouvernement.

- Les Anglais prennent-ils comme une bonne nouvelle la promesse de ne pas abandonner la Livre au profit de l’euro ?

- Les libéraux-démocrates sont les seuls à être en faveur de l’euro et ils restent très silencieux à ce sujet pour le moment ! La situation en Grèce a rendu l’idée de joindre l’euro encore moins populaire. La livre semble encore avoir un long futur.

- Après les élections quelle sera la principale préoccupation des Anglais ?

- Selon moi, la réduction des services publics sera le sujet de conversation de tous et il y aura beaucoup de débats en ce qui concerne les moyens utilisés… Le succès du nouveau gouvernement dépendra de sa capacité à convaincre le public qu’une peine à court terme mènera bien à la réussite à long terme… Ce sera certainement une tâche très difficile pour Cameron et Clegg.

Interview réalisée par Franck Cellier parue sur lequotidien.re

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