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Nadine Fidji, poète, dramaturge et romancière à Paris

Publié le 27 juillet 2010

Arrivée en métropole il y a 25 ans, Nadine dirige une association dont la vocation est de créer des pièces de théâtre d’auteurs issus d’Afrique et d’Outre-mer à Paris. Elle a produit en 2006 « La Tragédie du Roi Christophe », d’Aimé Césaire, puis « Gouverneurs de la Rosée », de Jacques Roumain en 2008. Elle prépare actuellement un One Woman Show en créole réunionnais.

Nadine Fidji
Récital de poésie en 2003, organisé par la Compagnie Théâtre Noir dans les salons de l’Hôtel de Ville à Paris, en hommage à Léopold Sédar Senghor.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots svp ?

J’ai 49 ans, je suis assistante de direction de formation. Je suis de Saint-Denis, mes parents étaient des petits fonctionnaires. Je suis partie de la Réunion car j’avais besoin de voir autre chose, d’autres espaces. Je me sentais un peu enfermée à la Réunion, car l’île est très petite.

Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

Une bague malgache, mon diplôme de baccalauréat, des livres de recettes créoles et surtout des livres que j’avais achetés à la Réunion. Ça fait vingt cinq ans que je vis à Paris et ces objets portent encore l’odeur de la Réunion.

Racontez-nous vos débuts à Paris.

Chercher du travail, c’était la première chose à faire. J’en ai trouvé facilement. Il y avait pas mal d’inscriptions racistes et antisémites sur les murs parisiens dans les années 80-90, dans la rue ou dans le métro. J’ai dû me débarrasser de tous les préjugés positifs se rapportant à la France, car elle était loin d’être la patrie idéale. Les meilleures choses, je les ai découvertes par moi-même : une certaine liberté de conscience, les grands monuments... Et j’ai appris à me guérir des idées préconçues qu’on avait forgées autour des Noirs. Je le dis sincèrement, étant moi-même d’origine cafre, c’était la première chose à faire. Ma propre libération avant toute chose…

Comment avez-vous fait ?

C’est dans les grandes capitales que ce travail est possible. Le côté cosmopolite de Paris m’a apporté beaucoup. Cela m’a permis d’aller à la rencontre du monde, donc de moi-même. Ma propre introspection m’a conduit sur la voie littéraire, poétique. J’ai publié plus d’une dizaine d’ouvrages, pièces de théâtre, roman, poésies, surtout des poésies. Actuellement, je fais des portraits de grands hommes qui ont combattu pour la cause noire tels que Aimé Césaire, Martin Luther King, Frantz Fanon, etc. les femmes ne seront pas oubliées.

Portrait sérigraphié de Michelle Obama, par Nadine Fidji.

Au final que vous apporte cette expérience de mobilité ?

La confrontation avec le monde extérieur. Pouvoir mesurer et relativiser ce que nous vivons à la Réunion. L’Europe est un très vieux continent, qui est passé par des étapes très diverses à travers son histoire. Pouvoir tirer la leçon de l’histoire d’un tel continent, ça c’est une richesse. Et puis, qu’on le veuille ou non, nous réunionnais faisons partie de l’histoire de l’Europe.

Quels sont vos projets ?

Revenir au Créole (même si je continuerai à écrire en Français). J’ai écrit une pièce de théâtre avec une seule comédienne qui est censée jouer plusieurs personnages. Il ne s’agit absolument pas de one man show, mais d’un théâtre en créole réunionnais qui s’apparente à un conte moderne. C’est la comédienne Délixia Perrine, ancienne comédienne de la troupe Vollard, qui est pressentie pour jouer cette pièce qui s’intitulera « Le mariage de Zizine Boncoeur ». Le fond de l’histoire est la condition d’une femme qui se marie malgré elle à un homme qu’elle connaît à peine, pour fuir la solitude et le chagrin. C’est moi et Délixia qui en sont les metteurs en scène. Nous espérons pouvoir la jouer à la Réunion et en Métropole. Le travail et la création sont au centre de ma vie. C’est une sorte de sacerdoce que j’ai endossé malgré moi.

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

La famille, le soleil, la nature, un certain art de vivre qu’on est loin d’avoir à Paris.

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

Je ne vois pas d’avantage ni d’inconvénient particulier. Je sais juste qu’il faut se battre pour s’en sortir. Faire sentir la présence de la culture d’Outre-Mer comme culture authentique, c’est un combat qui est loin d’être gagné d’avance dans un pays comme la France. Les gens ne vont que vers ce qu’ils connaissent et nous avons besoin de la force de cent taureaux pour arriver à bousculer des habitudes millénaires.

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

Pour la plupart des gens, la Réunion reste un pays de vacances, une carte postale. Malheureusement ils admettent encore très peu l’existence d’une culture authentique chez nous. Pourtant, avec la Caraibe, l’Océan Indien est le 6ème continent : celui du métissage.

Portrait sérigraphié de Steve Beko, par Nadine Fidji.

Vous même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

J’habite dans le 13e arrondissement. Bien qu’à dominante asiatique, il y a plusieurs communautés. Je fais du soutien scolaire dans mon quartier, ce qui me rapproche de ses habitants. Les manifestations telles que la « fête des voisins » et les « vide-greniers » nous aident à nous rapprocher les uns des autres. Les résultats sont positifs, car beaucoup d’échanges se font, les gens apprennent à s’accepter les uns les autres. J’ai un regard très positif sur mon quartier.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

De ne pas avoir peur de l’avenir, de croire en leur jeune force et d’admettre l’effort et l’épreuve comme faisant parti du quotidien. D’avoir un esprit solidaire.

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?

J’aime lire les différentes interviews de Réunionnais vivant en dehors de la Réunion. Cette tribune d’expression offerte aux Réunionnais par le biais du site est une sorte de carrefour d’échanges très important pour nous ! Le site nous aide à nous sentir moins isolés... C’est comme un fil qui nous lie les uns aux autres. Nous avons besoin que ce genre de site existe, car tout ce qui permet les échanges est primordial.

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Nadine Fidji

Poète, essayiste, dramaturge (La Case en tôle, Paris, L’Harmattan, Collection Lettres de l’Océan Indien, 1999), Nadine Fidji anime avec son époux (le Martiniquais Benjamin Jules-Rosette, metteur en scène, réalisateur et directeur du Théâtre Noir de Paris), des ateliers de théâtre et d’écriture dans des lycées et écoles d’Afrique et de France.

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