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Lauretta Damour, étudiante en neuropsychologie à Louvain en Belgique

Publié le 26 janvier 2011

Originaire d’une famille de 10 enfants à Saint Pierre, Lauretta a quitté l’île à 22 ans, décidée à réussir sa vie et à poursuivre des études en Psychologie. Tombée enceinte en 1ère année, elle a pu concilier études et vie de mère. A 26 ans, elle suit un master 2 de neuropsychologie à l’université catholique de Louvain en Belgique. Son rêve : revenir vivre à la Réunion avec sa famille.

Lauretta Damour
Lauretta au centre : "verre pour célébrer la fin de mon stage, avec mon maître de stage et les collègues psychologues, avec qui j’ai noué une relation amicale".

D’où êtes-vous à la Réunion ?

Je suis originaire du célèbre quartier pêcheur de Saint-Pierre :
Terre-Sainte. Je suis issue d’un milieu très modeste, ma mère a eu 10
enfants et nous a élevé pratiquement seule sans emploi.

Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter l’île ?

Je me suis décidée à quitter l’île de façon très impulsive, un coup de
tête en somme. J’ai toujours rêvé de faire des études de psychologie, mais après le bac, j’étais bien trop jeune pour partir seule en France. Après avoir fait deux ans d’anglais en "touriste" et multiplié des petits boulots en boite de nuit, j’ai rencontré mon compagnon actuel, belge, qui m’a décidé à partir. J’ai tout quitté pour tout recommencer en Belgique, à 22 ans.

Racontez-nous votre parcours

Le début fut très difficile, je ne connaissais personne et je suis tombée
enceinte alors que je commençais ma 1ère année de psychologie. Tous avouent maintenant que jamais ils n’auraient parié sur ma réussite avec un enfant et des études aussi difficiles. Aujourd’hui je suis plutôt fière de moi. Je n’étais pas destinée à faire des études universitaires vu le milieu d’où je viens.

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

Cette expérience fut certainement la plus enrichissante de ma vie. J’ai
pu rencontrer des gens extraordinaires : à l’université, sur mon lieu de
stage. Cette rencontre avec autrui est riche d’enseignements et m’a donné une ouverture d’esprit que je n’aurais pas pu avoir en restant sur l’île.

Quels sont vos projets ?

Aujourd’hui, mon projet est de rentrer sur l’île avec ma fille et mon
compagnon dès mon diplôme en poche et de trouver un poste de
neuropsychologue.

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

Tout me manque à la Réunion : les plats mijotés, parler créole,
marcher avec un "savate 2 doigts", la chaleur, la plage, les kabars,
l’ambiance. Je suis une Réunionnaise dans l’âme et je suis profondément
attachée aux valeurs et traditions de mon île.

Je n’étais pas destinée à faire des études universitaires vu le milieu d’où je viens

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

La situation ne semble pas s’améliorer au fil du temps.
Une forme de "résignation" s’est peu à peu installée chez les jeunes
d’aujourd’hui, comme si le rmi était inévitable. Il y a un malaise
collectif vis à vis de cette situation et je pense qu’on commence déjà à
en ressentir les effets pervers (augmentation de la petite délinquance, peur du "zoreil" grandissante, etc.). Les politiques auront fort à faire.

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la
Réunion dans votre parcours ?

Le fait de venir de la Réunion n’a eu aucun inconvénient ! C’est le
contraire même... les gens ici sont curieux de savoir d’où vous venez et
c’est toujours un plaisir de vanter mon île.

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

Dans le petit village où j’habite (perdu en province du Luxembourg), je
pensais être la seule Réunionnaise. Une fois que je prenais le train un jour, à
6h du matin, j’ai entendu une sonnerie de GSM : c’était Benjam qui chantait. J’ai
directement regardé l’homme qui l’avait en main et nous nous sommes souri. Depuis, j’ai quelques contacts amicaux avec les Réunionnais du coin. En revanche, je n’ai pas rencontré de Réunionnais à l’université.

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

La Réunion est méconnue ici. Ils ont une vision stéréotypée de la petite
île pauvre et perdue au milieu de l’océan. Ceux qui ont entendu parler de
l’île l’associent plutôt au chikungunya... On connait beaucoup l’île Maurice,
mais pas la Réunion.

Vous même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

J’ai énormément d’affection pour les habitants de ma région. Leur
mentalité n’est pas très éloignée de celle des Réunionnais et c’est peut
être pour cela que je m’y sens aussi bien.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

Si je n’avais qu’une seule chose à dire aux jeunes Réunionnais, je
reprendrais une phrase du grand belge Jacques Brel : "je hais la prudence, elle ne vous mène à rien".

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