Publicité

Vision croisée du développement durable au Tchad et à la Réunion

Publié le 20 octobre 2006

Second volet de l’interview de Martine. Diplômée de Sciences-Po Paris, employée d’une ONG qui lutte pour la paix au Tchad, cette jeune réunionnaise nous livre ses impressions sur un concept en vogue dans son île natale : le développement durable.

Martine Nourry
Martine Nourry à droite, en compagnie de Delphine K. Djiraibé, prix Robert Kennedy des Droits de l’Homme.

Dans votre métier, avez-vous l’occasion de manier la notion de développement durable ?

"Travailler sur les questions d’instauration de paix durable a tout à voir avec les questions de développement durable. Sans paix, sans sécurité, pas de développement. Sans Etat fort et crédible, pas de possibilité de prendre en compte l’intérêt général et celui des générations futures. Malheureusement les ressources sont utilisées dans l’achat d’armes, d’allégeances politiques, de ralliements de seigneurs de guerres… Les marchés publics, les partenaires économiques, pour quelques dessous de tables, sont choisis dans l’intérêt de quelques uns. Les infrastructures ainsi réalisées ne sont pas durables. Ce sont des investissements perdus pour le développement économique, social et culturel. En gros, avec la préoccupation de survie quotidienne, il n’est pas de préoccupation en faveur de la durabilité, de l’écologie, des générations futures…"

Le Tchad est pourtant un pays qui a des ressources…

"Le Tchad est entré dans le cercle des pays producteurs de pétrole en novembre 2003, grâce à des « garanties » données par la Banque Mondiale que les revenus seront utilisés dans la lutte contre la pauvreté, dans le respect de l’environnement, avec un fond réservé aux générations futures sur compte bloqué… Pourtant, avec la mauvaise gestion de l’Etat, la corruption (le rapport 2006 de TransparencyInternational percevait le Tchad comme le pays le plus corrompu au monde) et les rébellions armées (sur fond politique ou financier), l’argent du pétrole va dans la « sécurité », dans l’armée.
Peu de moyens sont effectivement consacrés au développement durable. Il n’y a pas de plan d’investissement pérenne (avec des ministres qui bougent tous les 7-8 mois…). Les compagnies pétrolières présentes au Tchad n’ont pas de mesure de protection de l’environnement. Elles déversent des produits chimiques dans le sous-sol, déjà fragile. Elles ont détruits des lieux sacrés (lacs, forêts…) et mettent à mal les repères traditionnels et culturels. Au Tchad, l’heure n’est pas encore au développement, encore moins au développement durable".

Quel développement durable souhaitez-vous pour la Réunion ?

"La Réunion bénéficie d’une réelle richesse en terme de faune et flore, en reliefs et paysages, en patrimoine culturel et habitat. Bien qu’il faille accepter la modernité, il faut que l’on se garde à ne pas nous perdre, à ne pas perdre nos repères qui font notre force. J’espère que le parc naturel va permettre de mettre en valeur et de protéger les « Hauts de l’île » mais ce n’est pas suffisant. Nous devons faire un effort sur les types de construction, qui doivent se marier avec l’environnement, les traditions et les techniques peu consommatrices d’énergie (panneaux solaires par exemple).
Pour ce qui est de la manière de vivre, l’hospitalité, le « baro » toujours ouvert à l’autre, le respect de la diversité… Ce sont des richesses qu’il faut préserver pour garder une société forte et solidaire. Ces valeurs peuvent sembler désuètes mais étant au Tchad où depuis 45 ans les gens se font la guerre, je peux dire aujourd’hui que le tissu social est important à préserver au mieux de sa force".

Lire l’interview Martine Nourry, 24 ans, assistante de coordination dans une ONG au Tchad

Voir le profil de Martine

Publicité