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Petite histoire des enfants réunionnais déplacés en métropole

Publié le 17 avril 2011

Entre 1963 et 1981, 1 630 enfants et adolescents réunionnais ont été envoyés dans des départements français touchés par l’exode rural, selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas 2002). Cette politique de déplacement insufflée par Michel Debré, député de La Réunion, avec le concours de la DDASS, a donné lieu à certains drames humains. Un épisode connu sous le nom des "Enfants de la Creuse".

Couverture du livre "Une enfance volée" de Jean-Jacques Martial, enfant de la Creuse.

Au début des années soixante, Michel Debré devenu député de La Réunion, découvre un département pauvre et, pense-t-il, surpeuplé. Il lui vient alors l’idée d’organiser l’émigration des plus déshérités vers certains départements métropolitains en voie de désertification. Officiellement l’objectif de cette opération est double : aider les familles réunionnaises pauvres à assurer une formation à leurs enfants et contribuer au repeuplement de départements français touchés par l’exode rural. Michel Debré incite alors la DDASS de la Réunion et le BUMIDOM à transférer en métropole des mineurs : orphelins, enfants abandonnés, enfants retirés à leur famille par décision de justice.

Très vite, les volontaires ne suffisent plus et des déplacements d’enfants, orphelins ou non, sont organisés par avion, avec parfois l’approbation de parents illettrés et non conscients qu’ils ne reverraient pas leurs proches. Les services sociaux mettent un zèle particulier à une mission qui, selon l’IGAS, jouit de "l’attention personnelle de Michel Debré". Les familles en difficulté sont légion sur l’île. Misère, alcoolisme, illettrisme font des ravages. Les 2 CV de la Direction départementale de l’action sanitaire et sociale (DDASS) sillonnent la Réunion pour alimenter le pont aérien et contenter leurs supérieurs.

Entre 1963 et 1981 (selon un récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales - IGAS), plus de 1 600 mineurs sont ainsi transférés. Des Caravelles spéciales décollent, plusieurs fois l’an, avec des enfants de tous âges. Les nourrissons sont cédés à des familles adoptives, parfois dès l’arrivée à Orly. Les plus grands sont envoyés dans des centres d’accueil à Guéret (Creuse), Quézac (Cantal), Albi (Tarn) ou à Lespignan (Hérault).

Arrivés en métropole, le sort de ces enfants est variable. Certains ont la chance d’être placés dans des familles aimantes, d’autres servent de main d’oeuvre gratuite dans les exploitations agricoles. Certains prennent la fuite, enchaînent les familles d’accueil, sombrent dans la dépression ou le suicide. La majorité des enfants sont devenus agriculteurs, ouvriers ou chômeurs. Les dégâts psychologiques ne sont pas négligeables, comme en témoigne la présence de plusieurs Réunionnais de la Creuse dans l’hôpital psychiatrique de Guéret.

Le rôle du BUMIDOM

Inscription sur un mur aux Antilles dans les années 70.

Le terme BUMIDOM signifie : BUreau pour le développement des MIgrations dans les Départements d’Outre-Mer. Ce bureau était chargé de l’émigration des habitants d’outre-mer (notamment la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane) vers l’hexagone.

Créée en 1962 par Michel Debré, alors Premier ministre, cette Société d’Etat avait pour mission officielle de prévenir la surpopulation qui menaçait le marché de l’emploi, d’améliorer la situation économique ainsi que le pouvoir d’achat dans les départements d’outre-mer.

Le BUMIDOM a été remplacé en 1983 par l’Agence Nationale pour l’insertion et la promotion des Travailleurs d’outre-mer (ANT), qui ne gère plus le phénomène migratoire.

En 2010, LADOM (Agence de l’Outre-mer pour la mobilité) remplace l’ANT.

Lire le témoignage d’enfants de la Creuse (interviews Réunionnais du monde)

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