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Michel de Bollivier, 51 ans, consultant dans une SSII à Paris

Publié le 12 juin 2011

Arrivé en métropole juste après son bac, Michel a fait sa vie et sa carrière en région parisienne. Après un doctorat en informatique, il enchaîne les postes en R&D et dans des starts-up, pour travailler aujourd’hui, comme consultant dans la SSII Micropole. La Réunion ? « J’y retourne pour me ressourcer de temps en temps et la faire découvrir à mes enfants ».

Michel de Bollivier

D’où êtes vous à la Réunion ?

Ma famille vient du sud (Tampon, la Rivière) mais je suis né au Port et j’ai grandi à Saint-Denis. Mes parents étaient instituteurs, ce qui correspond donc à la classe moyenne actuellement. Toutefois, je considère que j’ai fait partie des « privilégiés » dans mon enfance. La plupart des enfants de l’école Candide Azéma où j’allais (le quartier des Camélias était alors globalement constitué de bidonvilles) venaient pieds nus en classe alors que j’avais des chaussures. Trois enfants seulement sur 35 de ma classe de CM1 ont eu leur bac et ces trois là ont fait des études supérieures, alors qu’un certain nombre sont allés vers des voies de garage (classes de « fin d’études »). Les inégalités étaient vraiment très fortes il y a 40 ans et le système scolaire peut-être pas très adapté.

Dans quelles conditions avez-vous quitté l’île ?

Mes parents sont venus en France en congé administratif juste après l’obtention de mon bac. Je les ai suivi, mais j’ai obtenu une chambre en cité U.

Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

Mon pilon, dont je ne me sers plus guère.

Racontez-nous vos débuts en métropole.

Le jour de mon arrivée, j’ai été frappé par la grisaille. Je me suis acheté vite-fait un parapluie (j’en ai toujours un sur moi). J’étais dans une résidence universitaire à Paris-Sud, Orsay. La première année, j’étais le seul Réunionnais. Je me suis rapproché de ceux qui n’avaient pas de famille sur place et qui restaient le week-end : Antillais, Tunisiens, Vietnamiens, et aussi un Chinois malgache avec qui je suis toujours en contact (il m’appelait ‘meeting man’ car je venais de la Réunion …). Il faisait froid, la résidence était pourrie et assez sale et l’administration pas sympa. Quand la rivière d’à coté débordait, elle inondait la chaudière ce qui coupait le chauffage, même en plein hiver. Mais l’ambiance était bonne.

Et ensuite ?

J’ai poursuivi mes études à l’Université Paris 6 Pierre et Marie Curie : maîtrise de mécanique puis DEA de robotique. J’ai ensuite passé un Doctorat d’Informatique à Paris 11. J’ai travaillé à la fin des années 80 dans une start-up, puis quelques années dans un centre de recherches de la commission européenne, dans le nord de l’Italie. J’ai travaillé une dizaine d’année à divers projets R&D dans le domaine du data mining (géostatistique, reconnaissance des formes, séries temporelles, algorithmique). Depuis 1999, je travaille dans le domaine du CRM – Gestion de la Relation Client (data mining : scoring et segmentation client, gestion de campagnes marketing, risque), que ce soit en SSII ou chez des éditeurs de logiciels. Je suis actuellement Consultant chez la SSII Micropole.

Quels sont vos projets ?

Survivre professionnellement jusqu’à mes 67 ans et la retraite… J’essaie de rester performant dans ce que je fais. A priori mon futur n’est pas à la Réunion car mon réseau professionnel est en France (ou métropole comme on dit dans les DOM) et parce que je trouverais ridicule d’y passer ma retraite après avoir vécu ailleurs toute ma vie. Mais je changerai peut-être d’avis d’ici là !

Que vous apporte l’expérience de la mobilité ?

Je ne suis pas sûr que le terme de mobilité s’applique à mon cas. En effet, il me semble que qui dit mobilité dit retour vers la Réunion. Je suis un migrant sans projet de retour, peut-être pas définitivement en France, cela dépendra des circonstances. Cette dernière année, j’ai eu des contacts pour des boulots à Jakarta et à Dublin. Par moment, dans mon travail, j’ai effectivement travaillé dans un environnement international, comme c’est le lot de beaucoup à présent. Je ne sais pas si cela reste un vrai avantage concurrentiel.

Michel de Bollivier
Dans un séminaire avec un des vice-présidents de mon ancien employeur SPSS, à Chicago avec une chinoise (de dos), une anglaise, un espagnol, deux américains, une hollandaise. A d’autres tables, il y avait aussi des coréens, des japonais, des nigérians, des indiens, etc.. SPSS se définissait non comme une société américaine mais comme une société globale : un cauchemar pour les altermondialistes…

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

Surtout ma famille et également me promener dans les rues de Saint-Denis et au Port. C’est bien également de s’y ressourcer de temps en temps et de la faire découvrir à mes enfants. J’ai besoin de ça, au moins tous les deux ou trois ans. Mais, je n’y suis plus vraiment chez moi, ce qui est normal après 34 ans ailleurs (2/3 de ma vie). D’ailleurs, les locaux (créoles et zoreils) me le font bien sentir parfois : je suis un touriste pour bon nombre d’entre eux, reconnaissable au fait que je ne m’habille pas comme un Réunionnais (ni pantalon ‘tergal’, ni sacoche en bandoulière) et que je parle créole dans les magasins…

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

Elle n’est pas bonne mais en Europe ou aux USA non plus. Si je considère uniquement mon environnement professionnel, il y a des possibilités de travail, au moins pour des périodes courtes. J’ai été une fois deux semaines en mission à la Réunion. J’ai des amis métros qui y vont fréquemment pour leur boite et un cousin de ma femme qui y a trouvé du boulot sans trop de difficultés semble-t-il.

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

La plupart du temps, l’origine n’a aucune importance, même si les gens sont parfois intéressés ou favorables (pour ceux qui y ont vécu ou qui l’ont visitée). De même que moi, je m’intéresse aux provinciaux. Dans une seule société dans ma carrière, je suis tombé sur des « maquereaux » : il faut déjà les éviter, à défaut de pouvoir les changer et évidemment réagir, même si, dans mon cas, cela n’a rien donné. En informatique, de toute façon, le monde entier est en France et les « minorités visibles » sont en nombre important.

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

Pas vraiment. Les Réunionnais ne cherchent pas le contact. Je me suis même fait « jeter » quelques fois. Professionnellement, la plupart des Réunionnais que je rencontre maintenant sont beaucoup plus jeunes que moi et ils n’ont pas forcément envie de fréquenter un « vieux ». Les réseaux (certains diraient le communautarisme), ce n’est pas trop dans la mentalité des Réunionnais me semble-t-il. Encore que, il y a quatre ans, avant un voyage professionnel à Chicago, j’ai contacté une jeune membre de Réunionnais du Monde. Elle m’a répondu et nous nous sommes rencontrés là bas avec son mari américain. Sinon j’ai un frère en province, que je vois régulièrement, des tantes à Paris et une amie que je rencontre deux fois l’an. Enfin, je déjeune ou dîne régulièrement avec deux anciens condisciples du Collège Bourbon et du Lycée Leconte de Lisle (un zoreil et un pondichérien).

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

La montagne, le rhum arrangé, la douceur de vivre et la gentillesse des habitants, les bouchons - sur la route et ceux à manger -, les couleurs, le rougail saucisse et aussi la violence (pour ceux qui ont travaillé en milieu hospitalier et qui ont eu à recoudre les coups de sabre post beuverie).

Vous même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

Globalement ça va. J’ai une maison avec un jardin et j’habite une petite ville privilégiée entre Seine et forêt de Fontainebleau. Il y a quelques autres Réunionnais, dont certains que je connais et d’autres que je ne connais pas mais identifiables au gros auto-collant « Réunion perle de l’Océan Indien » sur leur automobile.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

J’ai quitté la Réunion en 1977 et je ne saurais pas trop quoi leur conseiller. Partir pourquoi pas, mais ce n’est peut-être pas une bonne idée si on veut retourner vivre à la Réunion (car qui va à la chasse…). C’est pareil en France : les copains qui sont partis aux USA et qui veulent revenir ne peuvent pas (plus de réseau local, habitudes de travail différentes, conjoint américain ne voulant pas forcément migrer, etc.). Surtout, lorsqu’on part, on change.

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?

Bien ! C’est un bon compromis entre un aspect un peu « associatif », des informations économiques et culturelles et des pubs pas trop lourdes… J’y vais une à deux fois par semaine, et je pioche au hasard.

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