Publicité

Afrique du Sud : l’ANC fête son centenaire en 2012

Publié le 9 janvier 2012

L’ANC fête son centenaire en 2012. L’occasion d’un bilan de gouvernement de ce parti ultra-majoritaire, qui dirige l’Afrique du Sud depuis la fin de l’apartheid il y a 18 ans.

Khayelitsha
Bidonville à Cape Town

L’ANC va fêter à partir de dimanche son 100ème anniversaire avec de nombreuses manifestations pour un budget de plusieurs millions de rands. Les sympathisants mais aussi une dizaine de chefs d’Etat et dignitaires du monde entier.
L’ANC, le plus ancien parti de libération d’Afrique, prévoit une année entière d’évènements pour commémorer cet anniversaire. Sont programmés, entre autres, des rassemblements dans les grandes villes du pays et une flamme du centenaire qui sillonnera le pays.

L’ANC a gagné les dernières élections générales en 2010 avec plus de 60% des voix mais des crises internes, la corruption et l’incapacité à tenir ses promesses de création d’emplois minent actuellement ce parti ultra-majoritaire.

La presse sort pour l’occasion des bilans de l’action de l’ANC depuis son arrivée au pouvoir en 1994, suite aux premières élections libres.
Voici un résumé de ce que l’on trouve dans les journaux :

Réconciliation raciale : A-

C’est certainement le domaine dans lequel l’ANC a le mieux réussi.
Même si des extrémistes blancs et noirs essaient de créer des tensions entre communautés, la cohabitation se passe bien.
On oublie trop souvent que dans les années 1990, le pays était réellement au bord de la guerre civile, divisé de façon viscérale, "émotionnelle" par des décennies d’apartheid. Il a fallu toute l’intelligence de Nelson Mandela pour mettre de son côté les Sud-Africains blancs.

Le livre "Invictus" de John Carlin, ancien chef du bureau sud-africain de l’Independent de Londres, montre dans les détails comment le leader de l’ANC a utilisé la Coupe du Monde et l’amour des Afrikaners pour le rugby. Il a rapproché les différentes communauté et désamorcé les campagnes terroristes des Blancs extrémistes pourtant très actifs au début des années 1990. Aujourd’hui, ce courant ne représente plus rien.

Néanmoins, il reste la menace constante d’attaques xénophobes contre les immigrés qui affluent de toute l’Afrique australe. Un socio économiste a analysé l’année dernière les chiffres de la consommation des produits courants. Il démontre qu’au moins 74 millions de personnes vivent dans le pays, au lieu du chiffre officiel de 50 millions.
Les 40% de chômeurs sud-africains reprochent aux étrangers de prendre leur travail et en 2008, des attaques ont fait quelques dizaines de morts dans les townships.

Logements et l’assistance sociale : C+

Quelques chiffres :
- trois millions de maisons ont été construites pour les plus démunis depuis 1994.
- plus de 90% des familles ont accès à l’eau potable aujourd’hui contre 62% du temps de l’apartheid
- 85% des foyers ont aujourd’hui l’électricité contre 36% en 1994.

Le taux de chômage atteint les 40% et l’ANC a créé un système d’allocations (qui n’a rien à voir avec ce que l’on trouve en Europe) pour 15 millions de personnes.

Néanmoins, la corruption limite les progrès dans ces domaines.
Dans certaines provinces, 60% de l’argent dévolu à l’action sociale n’arrive pas à la population. Il manque encore beaucoup de logements sociaux et régulièrement, les medias font état de manifestations dans des townships laissés à l’abandon.

La santé et l’éducation : C-

L’évolution de ces deux secteurs est très préoccupante.

Au niveau de la santé, de graves erreurs ont été faites notamment dans la gestion de la pandémie du sida.
Le gouvernement Mbeki a retardé la mise en place de traitements antirétroviraux dans le pays en niant des évidences scientifiques. On évalue le nombre de décès prématurés à 365 000.

Les hôpitaux dans les quartiers défavorisés souffrent souvent de pénurie de personnel et d’équipements. Le gouvernement a promis un système d’assurance maladie pour assurer l’accès aux soins pour les plus démunis. Ce système devrait être effectif dans une quinzaine d’années.

Quant à l’éducation, le niveau reste faible.
"L’éducation noire" a été systématiquement sous financée durant l’apartheid mais depuis 1994, on voit peu d’amélioration. L’école primaire est classée en 139ème position sur le plan mondial en ce qui concerne les mathématiques et la lecture.
Une étude a révélé qu’à peine la moitié des professeurs de mathématiques de CM1 (Grade 4) pouvaient répondre à une question sur les fractions au programme des 6ème (Grade 6). Une meilleure formation des enseignants est nécessaire.

Liberté et égalité : B-

Les Sud-Africains sont plus libres qu’ils ne l’ont jamais été auparavant, avec des droits protégés par l’une constitution des plus progressistes au monde et une cour constitutionnelle vigilante.
Les élections en Afrique du Sud sont parmi les plus libres et équitables du continent africain.
Néanmoins, de nouvelles menaces pour la liberté de la presse sont apparues avec une loi votée récemment.

En ce qui concerne l’égalité, la "géographie de l’apartheid" est restée la même, avec des quartiers noirs et pauvres à la périphérie des villes.
Plus surprenant, l’écart entre riches et pauvres a augmenté sensiblement depuis la fin de l’apartheid. L’Afrique du Sud est l’un des pays les plus inégalitaires au monde !

Le revenu moyen des Blancs est encore aujourd’hui huit fois supérieur à celui des Noirs et la moitié de la population vit avec moins de deux dollars par jour par personne.
Enfin, le gouvernement souhaitait redistribuer 30 % des terres agricoles aux Noirs à la date butoir de 2014. A ce jour, seulement 7% de ces terres ont été ré-attribuées au Noirs.

La criminalité et la corruption : D

Le taux de criminalité a diminué considérablement depuis 1994, bien que le nombre de meurtres est parmi les plus élevés au monde.

En revanche, la corruption n’a cessé d’augmenter.
Les lois de Black Economic Empowerment (BEE) visant à réduire les injustices de l’apartheid, ont été souvent détournées au profit d’hommes d’affaires liés à l’ANC.
Même Jacob Zuma, le président en exercice, a été poursuivi pour corruption dans un contrat d’armement. Il a été finalement acquitté pour vice de procédure.

Certains de ses proches et de ses alliés politiques sont devenus extrêmement riches grâce à des transactions commerciales douteuses. "Je n’ai pas rejoint la lutte pour être pauvre" a déclaré un membre éminent de l’ANC.
Plusieurs enquêtes pour des affaires de corruption de haut niveau sont actuellement traitées par la justice. Nous verrons bien si l’ANC a une réelle volonté de combattre ce fléau.

Philippe Caussanel, président de l’association des Réunionnais d’Afrique du Sud

D’autres Regards sur l’actualité

Philippe Caussanel
Publicité