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Qatar : le pays le plus riche du monde - un Réunionnais témoigne

Publié le 12 février 2012

Originaire du Port, Luc Véchot est Maître de Conférence à Texas A&M University à Doha, capitale du Qatar. Ce jeune enseignant chercheur en Génie Chimique de 32 ans vit dans le pays de tous les superlatifs, connu dans l’actualité récente pour ses investissements massifs en France (PSG, etc.), mais qui possède aussi une face sombre.

Luc Véchot


Comment expliquer l’explosion récente des investissements qataris dans le sport et à l’étranger ?

Le Qatar est un pays extrêmement riche, les problèmes liés à la crise n’existent pas ici. L’émir vient tout juste de décréter un nouveau jour férié dédié au sport, le 14 février. Le fait qu’il investisse massivement dans ce secteur (PSG, organisation de la Coupe du monde 2022, etc.) traduit sa volonté de compter sur la scène internationale. Le Qatar est un petit pays riche qui veut se faire un nom ! Les investissements à l’étranger sont également un moyen de diversifier les revenus du pays, jusque là essentiellement basés sur les exportations de gaz et de pétrole.

Quel est le lien particulier entretenu avec la France ?

La France représente le pays de la culture, du luxe, de la mode et de la gastronomie ici. C’est une des destinations favorites des Qataris, et un pays avec lequel ils entretiennent d’excellentes relations diplomatiques. En dehors de ses investissements dans le PSG et dans le tourisme, le Qatar a aussi établi un fond d’investissement dans les banlieues françaises. Il veut ainsi encourager leur développement et attirer des jeunes talents français d’origine maghrébines à double culture. Il s’agit d’un investissement à long terme. 

A quoi ressemble la vie dans le pays le plus riche du monde ? 

Le Qatar est le pays de tous les superlatifs. L’argent est le cadet de leurs soucis, les Qatari veulent ce qui se fait de plus grand, de plus beau : îles artificielles (The Pearl), tours extravagantes... C’est un chantier géant et permanent où l’on construit, détruit, reconstruit sans arrêt. Le paysage urbain change à une vitesse fulgurante. En outre, avoir la nationalité Qatari facilite la vie : pas d’impôt, emploi garanti, eau et électricité gratuites, terrains gratuits, soins gratuits au Qatar et à l’étranger, éducation gratuite dans les meilleures universités publiques et privées du monde entier... Cela dépasse l’imagination !

Qu’est ce qui vous surprend le plus dans ce pays ?

C’est un pays de contrastes, à mi chemin entre le conservatisme saoudien et le libéralisme américain.
Il s’ouvre au monde, change et se construit sur un modèle occidental, ce qui souvent va à l’encontre de sa culture. Par exemple, le Qatar encourage véritablement l’accès à l’éducation et au travail des femmes. Cela a été rendu possible par l’implantation à Doha de branches de quelques unes des meilleures universités américaines : Texas A&M, Carnegie Mellon, Weill Cornell, Virginia Commonwealth, etc). Ces universités favorisent l’égalité homme femme et la mixité. Mais cela va à l’encontre de la culture et est souvent un obstacle. Car on ne se sent pas dans une démocratie à l’occidentale ici... Bien qu’il existe un organe démocratique (conseil consultatif), l’émir et la famille royale dirigent le pays et sont extrêmement présents. Cela ne semble pas être un problème pour les Qataris. La différence avec les pays ayant vécu la Révolution Arabe, c’est qu’ici le niveau de vie est extrêmement élevé. Un point positif : il n’y a pas de délinquance. Les rues sont sures, même pour les femmes.

Quelles sont les limites de ce modèle ?

La nouvelle génération qui vit dans le luxe ne réalise pas toujours que le pays ne fonctionne que parce qu’il abrite trois quart d’étrangers, pour la plupart main d’oeuvre bon marché. Les Philippins, Indiens, Népalais, etc. travaillent pour de maigres salaires, plus élevés que ce qu’ils gagneraient dans leur pays d’origine, mais très inférieurs aux salaires des expatriés occidentaux et plus encore aux revenus des Qataris. Ils souffrent en silence. Ils ont à faire face au manque de respect de beaucoup de locaux et d’occidentaux, qui les voient comme des "inférieurs" et des "serviteurs". Certains comportements choquants sont très difficiles à voir et à supporter. 

Article publié dans Le Quotidien du 12 février 2012

Lire aussi : Luc Véchot, Maître de conférence à Texas A&M University au Qatar

Le profil de Luc Vechot

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