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Jean-Paul Vidot, cogérant d’OLVA Technologies à Tarbes

Publié le 16 février 2012

Récompensé dans le cadre des Septuors 2012 en Midi-Pyrénées, Jean-Paul Vidot est, à 48 ans, à la tête d’une entreprise innovante spécialisée dans la transformation de déchets en biocarburant. Un long parcours depuis son départ de la Réunion après le bac en 1981, et peut-être un retour partiel : « J’ai toujours souhaité établir un lien professionnel avec la Réunion. Ce souhait est en voie de réalisation : un industriel réunionnais nous a confié un projet de valorisation de ses déchets... »

Jean-Paul Vidot

Racontez-nous votre parcours.

Je suis né et j’ai grandi à Saint Denis, mais les racines familiales se trouvent dans l’est de l’île. J’ai eu une enfance très heureuse et j’en garde de merveilleux souvenirs. En 1981, l’éventail local des études supérieures était limité, notamment dans les domaines scientifiques et techniques. C’est donc presque naturellement que j’ai quitté l’île le bac en poche. Je ne vais pas dire « le cœur léger », mais je m’y étais préparé de longue date. Beaucoup de matières technologiques étaient, à l’époque, enseignées par des VAT (des jeunes diplômés qui effectuaient ainsi leur service militaire). Ces jeunes ingénieurs parlaient si bien de leurs métiers que cela avait fini de me motiver …

Comment se sont passés vos débuts en métropole ?

Je ne souhaitais pas « débarquer » dans une grande ville. Dans la liste des classes préparatoires technologiques, je les avais donc exclues et, n’ayant pas vraiment de préférence géographique, retenu les villes dans l’ordre alphabétique… je fus pris à Albi. Et, ma foi, ce fut un hasard heureux ! 30 ans après, je me plais toujours autant à vivre dans le sud-ouest. Le plus dur fut l’adaptation au froid qui ne tarda pas à venir. En bon créole de la cote, je n’avais jamais eu vraiment froid et, surtout, pas le réflexe de me couvrir suffisamment… J’ai fini l’année à l’infirmerie et chez une bonne âme de la ville car, bien évidemment, je n’avais pas de connaissances locales… Remarque en passant, la création de classes préparatoires à la Réunion est une excellente chose. Les étudiants peuvent se concentrer sur un programme extrêmement sélectif et laisser pour plus tard les tracas du dépaysement. Une fois « acclimaté », je me suis vite plu dans mes études et bien intégré.

Et ensuite ?

Une fois diplômé - ingénieur généraliste (Ecole Nationale d’Ingénieurs de Tarbes) complété d’un mastère spécialisé - j’ai eu l’opportunité de travailler dans une grande entreprise, de côtoyer des technologies de pointe et de m’établir durablement dans le sud ouest. J’ai passé en tout une quinzaine d’années dans les industries de l’armement et de l’automobile. Au début de ma carrière, j’avais pour mission de réindustrialiser en France des productions que je devais « récupérer » un peu partout en Europe. Une dizaine d’années plus tard, ironie de la vie, l’entreprise qui m’employait était délocalisée en Pologne… La roue tourne ! Cet événement m’a véritablement fait réfléchir et décidé à créer une entreprise. Je menais des projets innovants pour des groupes plus financiers qu’industriels, alors pourquoi ne pas le faire pour soi et pour le développement du territoire où on vit. Avec un collègue, ami et maintenant associé, nous avons franchi le pas…

Qu’avez-vous fait ?

J’ai donc avec mon associé chimiste de formation, créé OLVA Technologies il y a quatre ans : une société d’ingénierie qui ambitionne d’apporter des solutions innovantes pour la valorisation des déchets. Plus précisément, nous nous sommes spécialisés dans la transformation des déchets gras (graisses d’abattoirs, de cuisson…) en un biocarburant directement utilisable dans un brûleur ou un moteur diesel en remplacement du gazole. Pour chaque application, nous adaptons notre procédé, concevons une machine, l’implantons et assistons notre client.

Jean-Paul Vidot
Fabrice Sayous et Jean-Paul Vidot les co-gérants d’OLVA Technologies

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

La phase étude a duré deux ans et a permis le dépôt de brevets. Pour la mener à bien, nous avons collaboré avec plusieurs universités régionales. Fin 2010 nous avons été lauréats du concours innovation de la région Midi-Pyrénées. La médiatisation de notre activité, la satisfaction de nos premiers clients, et l’explosion des coûts de l’énergie, favorisent notre développement. Le groupe de presse « La Dépêche » a voulu distinguer les entreprises innovantes les plus dynamiques de la région, et nous a décerné récemment un « Septuor de l’environnement ». Plus personnellement, j’ai toujours souhaité établir un lien professionnel avec la Réunion. Ce souhait est en voie de réalisation : un industriel Réunionnais nous a confié un projet de valorisation de ses déchets...

Que vous a apporté cette expérience de mobilité ?

Cette mobilité, dans mon cas du moins, a été un peu douloureuse au départ, mais au final, elle est ordinaire. Ordinaire dans le sens où énormément d’individus construisent leur vie à partir d’une mobilité (le Lillois qui s’installe à Marseille, le métro à la Réunion, etc.). Je pense qu’une mobilité, dans tous les cas, apporte indéniablement de l’ouverture d’esprit et plus d’assurance. Mais attention, on peut aussi s’en passer …

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

Avant tout ma famille, mes parents qui ont toujours approuvé mes choix, qui en ont assumé le coût financier parfois et affectif souvent. Plus légèrement, je me plais à retrouver les odeurs, les paysages de la cote sud, le bleu profond du ciel, le parlé créole… et le carry ti’jaque ! Ici, j’ai toujours à portée de main mes petits pots d’épices, quelques combavas au congélateur, de la vanille et mes vieux cd de séga. Plus saugrenu, une « liane chouchou », un « pied de citron galet » et « un pied de café pointu » se sont installés dans mon salon.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

Au fil de mes retours sur l’île, j’ai vu la Réunion se métamorphoser. Du moins visuellement, avec ces routes qui ont facilité les déplacements de voitures de plus en plus nombreuses, ces habitations qui semblent plus confortables et robustes, ces centres commerciaux copieusement achalandés. J’ai surtout vu les choses changer dans les années 80 et 90. Il me semble que la croissance a un peu ralenti depuis… Au-delà de la façade, je ne pense pas que le niveau de vie d’une majorité de Réunionnais ait significativement augmenté. Le taux de chômage est préoccupant, notamment celui des jeunes. Désolé d’être aussi superficiel, ce sujet est très sérieux et je ne suis pas suffisamment informé pour porter un jugement pertinent.

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

Je ne mets pas spontanément en avant mes origines dans ma sphère professionnelle. Seul mon accent me trahissait parfois, il s’est « aplani » depuis longtemps. J’ai parlé plus ouvertement de mes origines à l’étranger où les réactions sont plus neutres. Les premières années, j’ai eu des petites remarques idiotes, des micro-provocations sous couvert de l’humour ; je tombais dans le panneau systématiquement… Dans des relations plus amicales, le fait de venir de la Réunion suscite toujours beaucoup de sympathie : ils y sont allés, ils connaissent quelqu’un qui s’y trouve ou, plus communément, ils rêvent d’y aller !

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

Un de mes meilleurs amis, avec qui j’ai fait une partie de mes études, a passé une partie de sa jeunesse à la Réunion. Par ailleurs j’ai plusieurs amis réunionnais rencontrés en métropole, certains sont aussi chef d’entreprise. Dans nos échanges, il n’est jamais question de nostalgie, juste de « casser la blague » avec un punch et quelques samoussas précieusement congelés .

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

Très bonne, mais le cliché, heureusement peu courant, d’un lieu de dilettante où l’on va pour attendre la retraite ou vivre son année sabbatique m’agace prodigieusement.

Vous même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

Je vis au pied des Pyrénées, c’est une région forte en caractère. On y cultive une très belle qualité de vie. Les habitants, sous des airs un peu rustres, sont véritablement chaleureux et pour peu que vous appréciez le rugby, le canard gras, l’armagnac et les bandas, vous n’êtes pas encore revenu… Plus sérieusement, c’est une région culturellement très riche et très en pointe dans de nombreux domaines technologiques.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

Je ne suis pas certain qu’il faille, aujourd’hui, donner des leçons à tous les jeunes Réunionnais. J’ai lu dans vos pages de nombreuses expériences remarquables. Ils ont eu, pour beaucoup, des cursus et des réussites impressionnants. Pour ceux qui hésiteraient encore à « sauter la mer », je confirme qu’il y a énormément de choses intéressantes à vivre ailleurs. Une fois parti, le principal verrou est levé, et même si votre objectif légitime (et souhaitable pour le développement de l’ile) est le retour, cette expérience vous enrichira inévitablement. Pour les candidats à la mobilité, couvrez-vous bien, pas de complexes et foncez !

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?

Pourquoi ne l’a-t-on pas créé avant ? Bravo, c’est un magnifique outil de communication.

Souhaitez-vous faire passer une offre d’emploi ou de stage sur le site ?

Nous n’avons pas de poste à pourvoir actuellement, par contre, dans la limite de notre capacité d’accueil, nous prenons en considération toutes les demandes de stage tout au long de l’année.

Voir le profil de Jean-Paul Vidot

Lire aussi : Les Réunionnais de Midi-Pyrénées à l’honneur (Septuors 2012)

Le site d’OLVA Technologies

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