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Elections présidentielles au Sénégal : Un Réunionnais témoigne

Publié le 26 février 2012

Alors que les élections présidentielles se déroulent au Sénégal dans un contexte tendu, Olivier Mourgaye nous décrit la situation sur place. Installé en Afrique depuis plusieurs années et marié à une Sénégalaise, ce Portois de 34 ans travaille pour le Groupe Publicis. Il est en charge de la marque Orange en Afrique et au Moyen-Orient.

Olivier Mourgaye

Depuis quand vivez-vous au Sénégal ?

Je suis arrivé au Sénégal il y a cinq ans pour des raisons professionnelles. Mais aujourd’hui je m’installe à plus long terme... Ma femme est sénégalaises et mes deux enfants sont nés ici ! Basé à Paris dans mes nouvelles fonctions professionnelles, je fais souvent des aller-retours. Le travail à distance me permet de rester près de ma famille plusieurs mois dans l’année.

L’approche des élections présidentielles a été émaillée de violences dans la rue. Comment expliquez-vous ce qui se passe actuellement ?

La politique du président sortant déçoit de plus en plus de monde dans le pays. La crise économique ambiante et la paupérisation de la population sont des facteurs aggravants. Ces derniers mois, les coupures d’électricité, les affaires de corruptions et les controverses autour de la volonté du Président Wade de placer son fils comme successeur ont fait couler beaucoup d’encre et alimenté des mouvements de contestation. Le mouvement "Yen a marre" est le premier à avoir fait la une. Constitué de rappeurs de banlieue, il a été suivi par la population, les partis d’opposition et plusieurs figures médiatiques du Sénégal. Les premières manifestations face au force de l’ordre ont été retransmises en direct sur plusieurs chaînes de TV et sur Internet. Le moment clé du "débordement citoyen" a été le moment où le Président Wade a voulu modifier la constitution pour passer à une élection à un tour. Après cela, les mouvements d’opposition politique et citoyenne se sont renforcés et ont représenté une menace de plus en plus sérieuse pour le pouvoir.

Selon vous, que va-t-il se passer maintenant ?

Personne ne peut faire de pronostics. Malgré les images d’émeutes que les journalistes nous montrent, le Sénégal reste un pays qui ne connaît pas la guerre : plus de 5000 morts en Syrie, 1000 en Egypte, 300 en Tunisie et moins de 20 au Sénégal... Espérons que la situation en reste là. Historiquement, le Sénégal a toujours été un "bon élève" parmi les états africains et a toujours tenu un rôle diplomatique de "donneur de leçon" dans la région. Aujourd’hui, on lit tous les jours sur Twitter des posts qui disent "j’ai honte de mon pays". Le dernier numéro de « Jeune Afrique » publie un comparatif entre le Ghana et le Sénégal. Le développement du premier est admirable et la stagnation du dernier inquiète. La mal-gouvernance est un mot qui revient souvent, ainsi que le rôle obscur joué par le fils du Président (nommé ministre) dans les affaires du pays.

Comment voyez-vous l’évolution du Sénégal dans les prochaines années ?

Le Sénégal a encore beaucoup d’atouts mais ce n’est plus le "bon élève" d’antant. Les Sénégalais l’ont compris et ils veulent du changement. Dans les milieux d’affaires en Afrique, les décideurs attendent un redémarrage en Côte d’Ivoire et de plus en plus de jeunes cadres se mettent à l’anglais pour percer au Ghana. Mais pour les prochaines années, je reste optimiste. Un nombre croissant d’investisseurs sont attirés par l’Afrique et le Sénégal garde un rôle stratégique dans la région. Le pays peut compter sur une jeunesse dynamique, une diaspora formée et ambitieuse qui veut fuir la crise occidentale et prospérer en Afrique.

Quels sont les points communs entre la Réunion et le Sénégal ?

Pour moi, il n’y en a pas vraiment. Les populations ne se battent pas pour les même raisons et les enjeux sont différents. Si le Sénégal et les Sénégalais ne se prennent pas en main pour bâtir leur avenir, le pays va sombrer. Cette épée de Damoclès angoisse et mobilise tout un peuple. Je ne pense pas que la Réunion en soit là. Le Sénégal a besoin de voir sa diaspora revenir pour se développer. A mon avis, la Réunion a besoin de voir sa jeunesse et ses entreprises se déployer dans les zones émergentes alentour pour prospérer.

Article paru dans Le Quotidien du 26 février 2012

Lire aussi : Olivier Mourgaye, directeur commercial d’une agence de com en Afrique de l’Ouest (2007)
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