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Inquiétudes sur le nouveau pouvoir en Egypte

Publié le 1er juillet 2012

Professeur de Français dans un lycée international de la Mer Rouge, Nicolas Folio témoigne de l’inquiétude suscitée dans le milieu des expatriés et dans certaines couches de la population égyptienne par l’arrivée au pouvoir d’un président islamiste, Mohammed Morsi.

Nicolas Folio

Comment est accueillie dans votre entourage l’accession au pouvoir des Frères musulmans en Egypte ?

Parmi les couches les plus aisées de la population, et en dépit de l’amour qu’ils vouent à leur pays, certains songent à émigrer, car ils disent ne pas vouloir être gouvernés par des islamistes. Ceux qui redoutent le plus le nouveau pouvoir sont les membres de la communauté chrétienne copte minoritaire. Ils restent très pessimistes quant à leur avenir. A juste titre ? C’est sans doute trop tôt pour se prononcer. En tout cas, ils ne croient pas vraiment aux promesses faites par le nouveau président Mohammed Morsi. Un nombre croissant d’expatriés résidant en Egypte depuis de nombreuses années se demandent aussi s’ils vont rester.

Comment voyez-vous l’évolution du pays dans les prochaines années ?

Après six ans en Egypte, je suis sur le point de quitter ce pays en pleine transition politique et sociale pour aller enseigner à Dubaï. Et je suis soulagé d’avoir pris cette décision. J’ai beaucoup de mal à rester optimiste quant à l’avenir, surtout après m’être laissé raconter la manière dont se sont déroulées les élections. De nombreuses organisations islamistes locales et étrangères auraient profité de la naïveté et du peu d’éducation de pans entiers de la population, en particulier rurale, en payant littéralement leurs voix. Vu l’état de pauvreté dans lequel ces populations vivent, il n’était pas difficile de les convaincre… De plus, le pouvoir en place sait qu’il pourra compter sans réserve sur l’appui de pays très influents du Moyen-Orient. Je demeure fort peu convaincu de l’esprit de tolérance dont se gargarisait le nouveau président le jour de son élection. D’ailleurs de nombreux musulmans de mon entourage n’en sont guère plus convaincus. Même si l’autre candidat Ahmed Chafik avait remporté les élections, étant un proche de l’ancien président Moubarak, il aurait certainement réécrit l’histoire de son prédécesseur et la population se serait alors à nouveau soulevée. D’un coté comme de l’autre, je ne vois pas la fin d’une violence et d’une amertume qui rongent une bonne partie des Egyptiens.

A quoi ressemble la vie quotidienne un an après le printemps égyptien de 2011 ?

Apres plusieurs mois de stagnation économique, surtout sur le plan touristique, les touristes sont revenus relativement en masse sur les cotes de la Mer Rouge mais au compte goutte sur le reste du territoire. Il faut dire que les tour-opérateurs ont « cassé leurs prix » afin d’attirer des touristes récalcitrants. Malgré cela, les vendeurs de souvenirs ont encore bien du mal à joindre les deux bouts financièrement. Si la vie quotidienne a repris son cours normal, beaucoup d’Egyptiens gardent un sentiment d’amertume et l’insécurité a augmenté dans les grandes villes. Un nombre non négligeable d’expatriés ont été victimes de vols et d’attaques à la personne, chose qui n’existait pratiquement jamais avant la révolution. Mais pour avoir été au Caire récemment, je dois dire que cette ville gigantesque reste nettement plus sûre que Paris ou que d’autres métropoles occidentales... Les Egyptiens sont pour la plupart avenants, joviaux et courtois. En revanche le Caire tout comme la plupart des grandes villes égyptiennes restent bien moins attrayantes que leurs concurrentes européennes. Des immeubles poussent un peu n’ importe où et sans aucune harmonie. La qualité de l’environnement semble bien peu soucier les pouvoirs publics. L’air y est bien souvent malsain et les rues sont malheureusement jonchées de détritus en tout genre.

Selon vous, quels sont les points communs entre l’Egypte et la Réunion ?

D’abord le climat : L’Egypte jouit d’un ensoleillement toute l’année et les températures restent douces en hiver et chaudes le reste de l’année. La présence du Nil et des affluents fait qu’on y trouve une quantité incroyable d’excellents fruits et légumes. Il y a plus de variétés de mangues ici qu’a La Réunion ! Et si on a la chance comme moi de vivre sur la côte, on y trouve une douceur de vie assez comparable à celle dont on jouit dans notre île. Mais ce qui me manque le plus, c’est la verdure ! J’attends toujours avec impatience de retrouver les montagnes et les cirques qui font le charme de notre chère et belle Réunion...

Article paru dans Le Quotidien du 1er juillet 2012


Le profil de Nicolas Folio

Lire aussi : Regard sur la révolution égyptienne (décembre 2011)

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