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Bilan des JO pour les Réunionnais de Londres : la médaille et son revers

Publié le 13 août 2012

Réunionnais expatriés à Londres depuis plusieurs années, Claire, Samiha et Jérôme ont vécu les JO intensément, tout en gardant un œil critique sur une manifestation très commerciale et qui n’a pas bénéficié à tous les Londoniens. Ils nous disent par la même occasion ce qu’ils pensent de l’Angleterre et des Anglais.

Claire Dijoux

Trois Réunionnais intégrés dans la vie londonienne

Claire Dijoux, 33 ans, gestionnaire de projets pour l’ONG Save the Children. Elle a quitté Bras Panon il y a 15 ans pour aller étudier les sciences politiques en métropole. Elle s’est construite une expérience professionnelle dans le secteur du développement et de l’humanitaire en Inde, au Moyen Orient, puis à Londres où elle gère des projets internationaux de défense des droits de l’enfant.

Samiha Mangrolia, 26 ans, étudiante en psychologie. Originaire de Saint André, elle vit à Londres depuis quatre ans et étudie la psychologie du travail et des organisations. Une fois diplômée, elle sera agréée par la British Psychological Society, la Société Britannique de Psychologie.

Jérôme Manicom, 32 ans, Dj et promoteur de la marque Sun Bailante. Arrivé à Londres il y a neuf ans pour travailler dans le marketing, il a progressivement investi le monde de la nuit en organisant des soirées tropicales. Il vit aujourd’hui de cette activité sous la marque qu’il a créée : Sun Bailante.

Ambiance : les Anglais savent recevoir

Claire : On nous avait martelé des messages assez catastrophistes avant les JO : routes bloquées, surcharge des transports en commun… Mais rien de tout cela n’a eu lieu, au contraire. L’ambiance est chaleureuse et bon enfant, et Londres est encore plus cosmopolite que d’ordinaire ! Pour avoir vécu la coupe du Monde de football en France en 1998, je trouve que l’ambiance est comparable. Il y a des milliers de bénévoles sur les sites et partout en ville pour guider les visiteurs. Ils sont très chaleureux, même si très peu d’entre eux parlent des langues étrangères.

Samiha Mangrolia
Samiha à gauche avec une amie à Londres

Samiha : Depuis des mois, le logo des JO ainsi que des campagnes de publicité pour soutenir l’équipe Britannique étaient visibles partout. Les habitants ont été invités à participer à l’événement en aidant à l’organisation ou en se portant volontaire pour accueillir et informer les touristes pendant toute la période des jeux. Les Anglais sont donc impliqués d’une manière ou d’une autre.

Jérôme : Les Anglais étaient un peu sceptiques mais à l’approche des jeux, il y a eu une montée en flèche de la ferveur et du soutien pour l’équipe nationale. Résultat, c’est la folie, tout le monde est surexcité ! Les différentes communautés se regroupent autour de leurs stars nationales et suivent les jeux dans les stades, dans les bars ou en plein air.

Mes JO à moi

Claire : J’ai suivi la cérémonie d’ouverture avec des amis, et ce fut une fête mémorable ! La cérémonie était bien à l’image du pays : cosmopolite et avec un brin d’humour décalé. J’ai aussi eu la chance d’obtenir des billets pour aller voir l’escrime et le hand, et c’était extraordinaire. Super ambiance ! Le hasard a voulu que je voie la France jouer au hand, avec une incroyable performance des « experts » et de Narcisse en particulier. J’étais sans doute la seule à crier « Allez la Réunion » dans le stade !

Samiha : Même si je me rends compte que c’est un évènement unique, j’ai décidé de m’éloigner de Londres pendant le temps des JO.

Jérôme Manicom

Jérôme : Je n’ai cherché des tickets que tardivement et je n’en ai pas obtenu. Nous nous sommes retrouvés avec des amis pour voir les jeux ensemble, dans plusieurs endroits où ils étaient diffusés en plein air comme à Hyde Park. Pendant les JO, j’ai aussi organisé une Soirée mousse Olympique !

Retombées économiques : un bilan contrasté

Samiha : Londres étant une ville dynamique, il y aura sans doute des bénéfices à tirer de ces jeux, mais la question est de savoir qui en profitera vraiment ? Si je prends le cas de Stratford où se situe le stade olympique et où a été construit le plus grand centre commercial d’Europe, certes cette partie oubliée de la ville a fait peau neuve et attire aujourd’hui les touristes, mais c’est uniquement au profit du nouveau centre commercial et des parrains officiels. Les petits commerçants eux en pâtissent, certains ont même plié boutique. Il faut dépasser le coté ’’bling-bling’’ des JO. On a par exemple constaté une augmentation importante des loyers dans l’est de Londres. Cela fait les affaires des agents immobiliers, mais pas ceux des locataires...

Jérôme : Les jeux n’ont pas vraiment profité aux petites et moyennes entreprises locales. Les grands gagnants de cette manifestation sont l’IOC (Comité des jeux avec son compte bancaire en Suisse), Locog (organisateur et promoteur des jeux en Angleterre) et Westfield (centre commercial fusionné avec le parc Olympique).

Une manifestation très « commerciale »

Claire : La part belle est faite à un groupe restreint de sponsors, et le marketing bat son plein depuis plusieurs mois. Le système d’achat des billets peut aussi être critiqué : billets très chers, vente exclusivement par internet avec de nombreux bugs… Je trouve cela un peu dommage car les jeux doivent avant tout être une fête et un événement populaire.

Samiha : Les JO sont devenus un instrument de promotion publicitaire pour certaines grandes marques. Ils sont essentiellement tournés vers les athlètes professionnels, perdant ainsi l’esprit initial du sport pour tous. Le fait que certains sponsors officiels sont loin d’être des modèles en matière de régime alimentaire équilibré est aussi vivement critiqué.

Londres sans les JO : I love this city !

Claire : J’aime ma vie ici. L’offre culturelle à Londres est incroyable, la plupart des musées sont gratuits par exemple. J’aime aussi le caractère cosmopolite de cette ville, dont la majorité de la population est née ou a grandi dans un autre pays. On entend toutes les langues dans la rue, et il ne faut jamais chercher bien loin pour trouver des spécialités culinaires des quatre coins du monde.

Samiha : Je suis partie en Angleterre malgré les stéréotypes sur ce pays et je ne regrette absolument pas ! Il ne pleut pas tous les jours, cela me rappelle l’image qu’ont les Réunionnais de Saint André, alors que la réalité est bien différente... L’accent des Français est très apprécié, l’ouverture d’esprit et le métissage des cultures me rappellent la Réunion. J’ai eu l’occasion de rencontrer des gens de chaque coin de la planète et même des personnes qui de par leur voyage ont entendu parler de notre petite île. J’ai été étonnée qu’on me demande si j’étais de La Réunion avant même que j’en parle ! Que l’on soit diplômé ou pas, il y a des opportunités ici. C’est sans doute ce qui attire beaucoup de Français. Et puis les Britanniques ont cette habitude de rire de leurs déboires. J’ai appris grâce à eux à prendre du recul quand quelque chose de négatif arrive, et à y voir le bon côté.

Jérôme : Les Anglais sont très pragmatiques et j’aime beaucoup cela. Ils sont dans l’ensemble polis et ouverts aux nouveautés. Cela m’encourage encourage à être créatif et entreprenant.

Article publié dans Le Quotidien du 12 août 2012


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