Publicité

Reporter Réunionnais du Monde - En direct des élections americaines

Publié le 8 novembre 2008

Installée depuis plusieurs années à Washington D.C, Lauriane a vécu l’élection de Barack Obama au coeur de la capitale américaine. Travaillant dans une organisation du secteur de l’environnement, elle est convaincue que le nouveau président des USA aura une action positive sur l’évolution du monde.

Réunionnais Washington
Dans la rue, devant un bar, U street, Washington, D.C. 4 Novembre 2008, 8pm.

Pouvez-vous vous présenter SVP ?

J’ai 30 ans. Je suis analyste en SIG et en télédétection. Je travaille principalement dans le cadre de projets d’aide à la bonne gestion forestière en Afrique Centrale et de réduction des émissions de Carbone en Indonésie. Je travaille pour une organisation qui a pour vocation d’informer le public et de conseiller en matière d’environnement les gouvernements, les grandes institutions internationales et le secteur privé.

Comment ont été vécues autour de vous ces élections présidentielles américaines ?

Avant :

Au niveau professionnel, on a vécu la campagne jour par jour, rythmée par les débats. Le point de vue des candidats étant crucial car il est directement relié à notre travail. Une analyse de ce qui est dit pendant la campagne électorale en matière d’environnement permet d’anticiper les défis à venir pour la planète et de cibler le champs d’action des cinq prochaines années.

Au niveau personnel, on éprouve une immense admiration pour Obama et l’espoir d’un changement - non seulement pour l’Amérique mais pour le monde entier ! Qui n’a pas été touché par l’excellence, l’aisance et la sincérité du candidat OBama et sa capacité à soulever les foules ? De plus, en tant que réunionnaise fière de ses origines métissé, on ne peut que s’identifier à un tel homme.

Le jour des élections :

Ne pouvant voter, nous les « non-resident aliens » avons envié nos collègues américains. Tous ceux qui ont voté ce jour-là portaient un autocollant sur lequel était écrit « I voted ! yo vote ! ». Le soir des résultats, nous avons choisi de regarder les élections dans un bar entre Européens et Afro-américains. On pensait rentrer tôt pour aller travailler le lendemain. Finalement, on s’est laissé entraîner par l’ambiance de la soirée et on est resté debout jusqu’à 3h30 du matin. Après le discours galvanisant d’Obama (vers 1h du matin), des milliers de personnes descendaient les rues de Washington D.C., en direction de la Maison Blanche ou se réunissaient dans des quartiers populaires de Washington. La foule était véritablement en liesse. Je n’aurais jamais imaginé ça ! Les gens s’embrassaient, même entre inconnus, on se donnait un « hug » comme on dit ici. On se serait cru à la coupe du monde 98 !

Après :

Le lendemain, beaucoup de gens autour de moi, dans le métro, au travail, avaient passé aussi une nuit blanche : A Washington, D.C. les gens ont voté Obama à 93%. Donc je peux vous dire que tout le monde était heureux autour de moi !

Pourriez vous comparer en gros le fonctionnement démocratique américain par rapport à celui de la Réunion / de la France ?

Au niveau des droits civiques, il me semble que le citoyen américain a moins de droit de confidentialité que le citoyen français. Cependant, je ne suis pas spécialiste de la question. La loi qu’on appelle ici le « Patriot Act », votée après le traumatisme du 11 septembre, donne beaucoup plus de pouvoir à la police, au FBI et à la CIA. Ils peuvent avoir accès à toutes sortes d’information sur n’importe qui (d’ordre médicales, financières, messagerie email…).

La liberté de la presse est respectée, mais la plupart des chaînes de télévision et des journaux sont affiliés à un parti politique ou financés par des grands groupes commerciaux. Je pense que ça limite forcément la liberté de pensée des individus.

Contrairement au système français, j’ai l’impression qu’il est plus facile de faire pression sur le pouvoir législatif (le Sénat) pour faire passer des lois et faire valoir les droits des minorités. La société civile est sûrement plus importante et plus organisée aux Etats-Unis. Ca fait des années que les personnes handicapés en France demandent des dispositifs adaptés pour eux. Ici, une personne handicapée se rend au travail toute seule en métro. Les personnes dyslexiques ont 30 minutes de plus que les autres lors des examens… Ici, on fait plus facilement bouger les lois.

Le Capitole vu du Nord

Selon vous les US sont ils la meilleure démocratie du monde ?

Les Etats Unis ne sont pas la meilleure démocratie du monde, mais en tout cas les Américains sont le peuple qui y aspirent le plus, ne se plaignent pas, s’estiment heureux avec ce qu’ils ont déjà, mais gardent espoir pour un changement.

Comment êtes vous arrivée aux Etats-Unis ?

Je suis tout d’abord passée par le Canada (en tant qu’étudiant CREPUQ), Toulouse, puis l’Angleterre. Des études payées par différentes bourses de la Région Réunion et autres. Puis je me suis offerte un diplôme en Angleterre avec mes économies, après avoir travaillé pendant deux ans aux Etat Unis. C’est mon deuxième séjour aux USA – preuve qu’on s’y plait. Je suis arrivée au fil des opportunités qui s’ouvraient à moi et parce que les portes prenaient trop de temps à s’ouvrir en métropole. Par ailleurs, j’avais envie d’une autre ambiance de travail.

Est-ce que vous arrivez à comprendre cette société américaine ?

Il y a deux choses qui me paraissent être un choc culturel. Tout d’abord, le peu de spontanéité et de place pour l’improvisation dans les relations avec les autres. On rencontre principalement des gens dans des activités encadrées ; par exemple, à un club de lecture ou dans une équipe de frisbee ou autre. Généralement, les gens sont moins ouverts aux rencontres spontanées, comparé à la Réunion, la Métropole et l’Afrique. C’est peut-être dû au fait que les gens vivent ici chacun dans leur petite bulle et n’osent pas, par peur de gêner ou de s’immiscer dans la vie des autres. Et pourtant, les américains sont extrêmement courtois si je les compare avec nous.

Le second choc culturel est le fait que tout est planifié, organisé, anticipé : les économies pour les études supérieurs des enfants, les vacances, etc. Peut-être que cet excès d’organisation est la conséquence directe des coûts importants des études, de la crèche pour les enfants, des soins de santé, du peu de jours de congés, des faibles cotisations à la retraite… Ici, on a moins le droit à l’erreur. Les Américains aiment prendre leur destin en main.

Qu’est ce qui vous semble le plus proche ?

Ce qu’il y a de plus proche à mon avis avec ma culture, c’est le sens de la famille et la religion - un peu comme à la Réunion sauf que cela se perd de plus en plus. Pour les Américains, la famille c’est très important. La femme trouve plus facilement sa place dans cette société et dans son couple. Par ailleurs, les gens vont en famille à l’Eglise. La famille, la réconciliation et le dialogue sont des valeurs que les gens d’ici cultivent.

Comment voyez-vous l’évolution des Etats-Unis dans les dix prochaines années ?

Je les vois meilleures que ces 10 dernières années en terme de libertés et d’aides sociales. Il y a 12 millions de personnes vivant illégalement sans aucun statut dans ce pays. 46 millions de personnes sont sans couverture maladie car ils ne peuvent se la payer. Ce pays est engagé dans deux guerres qu’il a provoquées. Je pense que ça ne pourra pas aller plus mal.

Voir le profil de Lauriane

Images tournées dans les rues de Washington :

"Entraînés par l’ambiance de la soirée, on est resté debout jusqu’à
3h30 du matin. Après le discours galvanisant d’Obama (vers 1h du
matin), des milliers de personnes descendaient les rues de Washington D.C., en direction de la Maison Blanche ou se réunissaient dans des quartiers populaires de Washington. La foule était véritablement en liesse. Je n’aurais jamais imaginé ça ! Les gens s’embrassaient, même entre inconnus, on se donnait un « hug » comme on dit ici. On se serait cru à la coupe du monde 98 !"

Publicité