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Article paru dans la revue "TIC & Société" en décembre 2009

Publié le 30 décembre 2009

Présentation de Tristan Mattelart, coordinateur du numéro "TIC et diasporas" paru en décembre 2009. Extraits.

Ce n’est pas sans une certaine appréhension, il faut bien le reconnaître, que j’ai accepté, fin 2007, la proposition qui m’était faite par le comité éditorial de tic&société de coordonner un numéro sur les relations qu’entretiennent les diasporas avec les technologies de l’information et de la communication (TIC). Je venais d’achever un ouvrage collectif, Médias, migrations et cultures transnationales (Mattelart, 2007), qui s’était justement efforcé de déjouer les pièges de la notion de diaspora. Poursuivre la réflexion développée dans ce livre sur un autre terrain, celui des technologies de l’information et de la communication, était néanmoins suffisamment enthousiasmant pour dépasser ces réticences.

Le projet était d’autant plus enthousiasmant que le thème des « TIC et diasporas » est, comme on le constatera à la lecture des contributions qui suivent, porteur d’enjeux essentiels. Avec ce numéro, l’occasion se présentait donc de traiter, avec une optique critique, chère aux animateurs de la revue, d’une question qui est au cœur du devenir du monde contemporain.

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Jacky Simonin, Michel Watin et Éliane Wolff envisagent, eux, la relation « TIC et diasporas » à partir du terrain spécifique de La Réunion. Ils montrent d’abord comment, dans cette île, l’émigration, après avoir été, pendant des décennies, perçue comme « contrainte », est de plus en plus « positivée ».

Si l’émigration est désormais vue comme telle, ce n’est pas seulement parce qu’elle est « valorisée » par les autorités locales. La « généralisation » des TIC à La Réunion a joué un rôle important, notent les auteurs, dans cette transformation de la perception du phénomène. Alors que l’émigration était vécue auparavant comme une « rupture brutale des liens avec l’île », le développement des TIC a permis d’entretenir une « liaison quasi quotidienne » entre ceux qui sont partis et ceux qui sont restés, ce qui est de nature à adoucir les effets de l’absence.

Le site Réunionnaisdumonde.com semble ne pas être complètement étranger à cette transformation de la perception de l’émigration. Il a, en s’imposant « comme un lieu d’échanges […] entre migrants, mais également entre îliens et migrants », contribué à sortir la communauté réunionnaise émigrée de son « isolement », lui donnant une visibilité dont elle n’avait jamais bénéficié jusque-là. Mieux, il a participé à construire une « image positive de la migration », image qui, au-delà des cercles de la diaspora, irrigue aussi largement les habitants de l’île puisque les « portraits d’expatriés » qui peuplent le site sont relayés par quelques-uns des principaux médias réunionnais.

Réunionnaisdumonde.com est d’autre part un « espace d’affirmation identitaire » où sont proclamés l’amour de l’île et « la fierté d’être créole ». Cette fonction est renforcée par le lien qu’offre le site avec la plateforme relationnelle Facebook et plus spécifiquement le groupe « I Image1 974 » (974 renvoyant au département de La Réunion), fédéré, entre autres, autour de la production collective thématique « Tu sais que tu viens de La Réunion quand… », où sont mis en avant les éléments valorisant « une conscience identitaire réunionnaise ».

S’ils reconnaissent que le fait de se pencher sur l’étude de la section « Ils se sentent venir de La Réunion », les a poussés à mettre l’accent sur le « nous » réunionnais se distinguant du « eux » métropolitain, les chercheurs n’en concluent pas moins leur article sur la « complexité » des identités qui sont déployées sur ces sites.

L’identité n’est pas une « essence », rappellent-ils, mais « un processus négocié dans les interactions sociales ordinaires ». Par les « mini scènes de la vie quotidienne » qu’ils accueillent, Réunionnaisdumonde.com comme la séquence citée de Facebook mettent à jour une identité complexe, articulée dans un espace compris entre l’île et la métropole, et organisée autour d’une « dualité problématique “réunionnaise/française” ».

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Lire la contribution de Jacky Simonin, Michel Watin et Éliane Wolff : Comment devient-on Réunionnais du monde ? Une diaspora performée par internet

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