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Nora Lardal, ingénieure en République du Congo

Publié le 22 janvier 2024

C’est parce qu’elle ne trouvait pas de travail à la Réunion après ses études que cette jeune saint-pauloise a opté de nouveau pour la mobilité : direction Brazzaville, la capitale congolaise, où elle occupe un poste d’ingénieure en biologie moléculaire à l’IRD. Nora nous raconte son parcours, d’étudiante boursière à VIA, Volontaire Internationale en Administration.


Pouvez-vous vous présenter ?

Nora Lardal, 25 ans. Je viens de Saint-Paul, d’une famille modeste. Je suis actuellement en Volontariat International en Administration. J’occupe le poste d’Ingénieure en biologie moléculaire à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), au Laboratoire National de Santé Publique de Brazzaville, en République du Congo.
 
Racontez-nous votre parcours de "mobilité".
 
J’ai quitté une première fois la Réunion à l’occasion d’un échange universitaire, en troisième année de licence. J’étais en science de la vie à l’Université de la Réunion et je suis parti deux semestres à l’Université Laval au Québec pour suivre une année de licence en biologie. C’est vraiment très différent de la Réunion : un campus à l’américaine, très grand, avec des étudiants venant de partout dans le monde. C’est nous qui choisissions nos cours…

"Comme tout Réunionnais qui voyage, j’ai toujours le drapeau de la Réunion avec moi"

Avez-vous quelques anecdotes de cette période ?

Avec l’accent québécois au début, j’ai pris un moment pour comprendre que le professeur parlait de molécules du sang et non du sein (vraiment drôle quand j’y repense !). C’est aussi là-bas que j’ai vu la neige pour la première fois. C’est très beau à voir, heureusement puisque l’hiver dure six mois… Cela peut paraître long mais j’ai adoré cette période. Avec les deux autres Réunionnaises qui sont venues aussi, on a acheté des manteaux d’hiver bien épais, des bonnets, des bottes, toute la panoplie pour l’hiver. J’ai adoré voir les matchs de football américain et de hockey sur glace. On a fait plein d’activités, c’était tellement enrichissant. J’ai même pu voyager à Cuba pendant les vacances et retrouver le soleil et la plage avant de retrouver le grand froid.

Du grand froid canadien à Cuba

Et ensuite ?

J’ai fait mon Master en Biologie Santé à l’Université de Montpellier, ce qui a été tout aussi bien, vu que j’y ai rencontré beaucoup de Réunionnais, d’Antillais et des personnes venant des quatre coins de la France. Montpellier est une ville étudiante qui bouge, où il y a toujours des événements organisés. Après ma première année de Master, j’ai décidé de faire une année de césure. Je suis rentrée à la Réunion pour un stage et j’ai ensuite décidé de partir à Tahiti où j’ai trouvé un stage sur place. Ça a été incroyable. J’ai pu découvrir le monde de la mer, le surf, le poisson cru, la culture tahitienne… Après un retour à Montpellier pour terminer mon Master, je suis rentrée à la Réunion pendant un an. J’ai essayé de trouver un emploi dans mon domaine d’étude, mais je n’ai pas trouvé. Alors j’ai décidé de repartir à nouveau, au Congo où et je suis maintenant.

Brazzaville

Quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

Le Congo est un très beau pays, avec des paysages très divers. Il y a de belles forêts, de belles rivières, la plage aussi. Les habitants sont bienveillants, ils vont toujours aider si besoin. En tant que femme, je me sens en sécurité. J’apprécie le « saka saka », un plat à base de feuilles de manioc pilées puis bouillies, mijotés avec du poisson ou du poulet grillé. En bonne Réunionnaise, j’aime aussi le piment local appelé « pili pili ». La vie est très bon marché quand on consomme local, mais je vois quand même beaucoup de pauvreté. Le salaire moyen des Congolais ne dépasse pas 482 € mensuel. L’état des routes est mauvais, il y a des coupures de courant tous les jours, l’eau du robinet n’est pas potable... Sur le plan professionnel, tout va lentement ici. Mais voilà, c’est une autre façon de vivre et les habitants y sont habitués. Et moi, je m’adapte du mieux que je peux.

Quels sont vos projets ?

A court terme, je vais avancer dans les projets de recherche au Congo et aussi profiter d’être sur le continent africain pour visiter d’autres pays. A long terme, je ne sais pas encore si je vais continuer dans la recherche ou changer de voie. Ce que je sais, c’est que j’aimerais travailler à la Réunion et me rapprocher de mes proches. Une bonne opportunité professionnelle à la Réunion, ce serait juste le rêve !

Montpellier

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?
 
Je trouve qu’il est très voire trop difficile de retourner à la Réunion en tant que jeune diplômée et de trouver un emploi. J’ai cherché pendant un an avant d’abandonner l’idée. J’ai été contrainte à faire des petits boulots d’hôtesse de caisse et de vendeuse alors que j’ai un BAC+5. C’est vraiment frustrant. Les recruteurs disent que je n’ai pas assez d’expérience mais il faut savoir que les Réunionnais ne sont pas privilégiés lors des entretiens d’embauche. Aujourd’hui il est tellement facile de s’expatrier et de s’installer dans les DOM TOM, avec tous les avantages qui vont avec. Bien sûr, je ne rejette pas la faute sur les expatriés ou sur les étudiants étrangers qui poursuivent leurs carrières à la Réunion. Mais les Réunionnais pâtissent de la situation et certains préfèrent partir, quittant leur famille et leurs racines pour trouver un emploi ailleurs. La vie est tellement chère aussi. J’ai vécu près de deux ans en France. Quand je suis revenue et que j’ai fait les courses avec ma mère, j’étais outrée !

Tahiti

Que vous a apporté l’expérience de la mobilité ?

La mobilité m’a changée. Ayant vécu toute ma vie à la Réunion jusqu’à mes 19 ans, j’ai pu découvrir d’autres cultures aussi intéressantes les unes que les autres. J’ai pu rencontrer du monde. Ça m’a appris aussi la tolérance et l’adaptation à un nouveau milieu. L’avantage de venir de la Réunion en tant qu’étudiante boursière, c’est que nous avons des aides pour une mobilité internationale. Les inconvénients ont été culturels. Tout le monde ne vit pas de la même façon et j’ai surtout ressenti ça ici au Congo, où la pauvreté est très présente. Nous n’avons pas les mêmes codes, ce qui m’a surpris les premiers mois.

Qu’est-ce qui vous manque de votre île ?

Tout. Ma famille, mes amis, les paysages, entendre les gens parler créole, les pique-niques, la convivialité, l’ambiance, le mélange culturel, les bons repas. C’est une île paradisiaque et nous avons tellement de chance d’y vivre. Même si je n’y suis plus, 974 toujours dann kèr !


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