Publicité

Case Tomi, Satec : révolution de l’habitat à la Réunion

Publié le 27 mai 2019

L’histoire se passe dans les années 60. En une décennie, quelque 20 000 maisons Satec et « cases Tomi » sont construites sur l’île. La bataille pour résorber l’habitat insalubre est engagée, permettant à de nombreux Réunionnais d’accéder à un logement décent et moderne...

Texte et photos extraits l’ouvrage intitulé « Le Crédit Agricole de La Réunion (1949 - 2019) - La conviction du développement » : cliquer pour lire en pdf

Classe d’une école en1961. Photo Jean Colbe.

Au début des années 1960, une large majorité de Réunionnais vit dans des logements précaires, essentiellement des paillotes, parfois des petites maisons en bois, sans eau courante ni électricité. Dans les villes, on peut apercevoir les porteurs d’eau munis de « ferblanc » (récipient récupéré auprès des commerçants qui contenait souvent des huiles) sillonner les rues. Les mairies avaient construit des citernes publiques alimentées en eau potable par des camions dans chaque quartier. Dans les campagnes, c’est vers les sources ou dans l’eau des rivières que les porteurs d’eau vont chercher le précieux liquide.

Rares sont ceux qui possèdent des réchauds modernes pour la cuisine, chacun ayant sa cuisine feu de bois dans l’arrière-cour. Une fois le soleil couché, les lampes à pétrole font leur apparition, uniquement à l’intérieur des principales pièces, cuisine ou salle à manger. On se couche tôt et on se lève tôt, au rythme du soleil. C’est dans cet environnement familial qu’au fil du temps naquit le mode de vie créole qu’on connaît encore aujourd’hui.


Un an après son implantation à La Réunion, l’Insee établit ses premières statistiques. Ainsi, en 1967, le père réunionnais a six enfants. Son espérance de vie est de 56 ans. Sans diplôme scolaire, il vit dans une case en tôle, sans eau ni électricité. Face à cette démographie galopante, il faut loger, dans l’urgence.

En 1961, la Satec (Société d’aide technique de coopération) voit le jour à l’initiative de l’Etat et de la Coopérative d’habitat rural, émanation de la Caisse régionale du Crédit Agricole Mutuel de La Réunion. Les maisons Satec sont de bonne qualité et permettent à de nombreux foyers modestes de devenir propriétaires moyennant un investissement raisonnable. Les plans proposés marient bois, métal, parpaing et les fameux « nacos » (succession de lames de verre disposées aux fenêtres sur châssis à ouverture variable).

Les premières cases Satec construites en béton, quartier de la Petite Ile à Saint-Denis afin de lutter contre l’habitat insalubre.

A la même période nait la « case Tomi » du nom de son inventeur dont la première expérimentation a été réalisée surl e domaine de LaGiroday à Sainte-Marie, et qui continue toujours aujourd’hui à résister au temps comme aux cyclones. Des cases Tomi ou Satec auxquelles les Réunionnais restent très attachés, probablement lié à la nostalgie d’y avoir vécu avec leurs parents ou grands-parents.

Construction d’une maison Tomi de type Carousel dans l’Est, vers 1961.

En une décennie, quelque 20 000 maisons Satec et « cases Tomi » seront construites sur l’île. La bataille pour résorber l’habitat insalubre était bien engagée : Satec et case Tomi, l’une en parpaing, l’autre en bois, se concurrençant en proposant des évolutions à leurs propriétaires.

L’architecte Dubreuil a conçu la maison Tomi pour qu’elle s’intègre parfaitement à l’environnement local.

Dessinée par l’architecte Louis Dubreuil, financée par le Crédit Agricole de Jean de Cambiaire et construite par le bâtisseur Maurice Tomi, la première case Tomi est livrée le 15 août 1961. La maison est en bois sous tôle avec une ossature à bois para cyclonique. Un partenariat avec le Crédit Agricole permet au constructeur de proposer aux familles d’acquérir leur case à bas prix et grâce à un crédit sur le long terme. Le succès de ce type d’habitation a été immédiat. En 40 ans, plus de 22 000 maisons ont été bâties. Certains se souviennent encore de ce célèbre slogan : « Construisez votre maison avec quatre œufs ». Soit la valeur marchande de quatre œufs par jour pour l’accession à la propriété d’une maison économique baptisée « case Tomi » ou « « case carrousel ».


JEAN DE CAMBIAIRE, LOUIS DUBREUIL ET MAURICE TOMI, LES TROIS MOUSQUETAIRES CONTRE L’HABITAT INSALUBRE

La rencontre de Jean de Cambiaire, Louis Dubreuil et Maurice Tomi allait bouleverser la vie de nombreux Réunionnais, avec la création de la « case Tomi ». Dans son livre « la Certitude du développement » paru en 1983, l’ancien directeur du Crédit Agricole décrit cette habitation comme « adaptée au mode de vie créole. Ses pièces d’habitation, en bois, se trouvent nettement séparées de la cuisine et de la salle d’eau en maçonnerie. Le plan carré de la partie en bois avec des panneaux de deux types seulement permet une disposition intérieure simple avec l’orientation de la façade principale vers la voie d’accès. Le local cuisine, bloc eau peut se raccorder à l’une des trois autres façades. La forme de la toiture en tôle à quatre pans offre dans tous les cas la meilleure résistance aux cyclones. Liaison directe de la toiture par l’intermédiaire de panneaux extérieurs avec un mur de soubassement périphérique armé. Présence d’une centrale en forme de portique en T ou en croix de béton armé. Le volume et l’espace disponibles sont très larges ».

La famille Robert devant leur case Tomi à la Petite Plaine. On peut apercevoir la première Mobylette appartenant à « l’infirmière-coiffeuse »

Fils de charpentier normand et compagnon du tour de France, Maurice Tomi avait préalablement effectué des études de médecine à Cardiff qu’il abandonne au bout de trois ans. Selon celui qui allait devenir son fidèle ami, Jean de Cambiaire « il ne supportait pas la vue du sang ». Maurice Tomi rejoint alors le Centre atomique de Saclay avant que son père Joseph décède et qu’il reprenne en 1950 l’entreprise familiale installée au 100 de la rue Maréchal Leclerc à Saint-Denis, à l’emplacement actuel du Petit Marché.

La maison Satec a connu également des évolutions. Ici un modèle élaboré par les ingénieurs de la SIDR pour le logement de fonction du garde forestier de Saint-Philippe.

Né le 29 mai 1925 à Le Meillard, dans la Somme, ancien élève des Beaux-arts de Paris, architecte DPLG, Louis Dubreuil répond à la fin de ses études à la proposition du Crédit Agricole de La Réunion qui recherche un architecte. Fasciné par le bois, très entreprenant, il se lance activement dans le projet de construction de maisons en zone rurale avec Maurice Tomi et Jean de Cambiaire. En dehors de cette collaboration, Louis Dubreuil fut l’auteur des plans de la chapelle de l’Apeca à La Plaine-des-Cafres, de l’église de La Plaine-des Palmistes, de la clinique de Sainte-Clotilde, des sièges des Sucreries de Bourbon et de l’EDF à Saint-Denis.

Lilian Reilhac - Lire la totalité de l’ouvrage « Le Crédit Agricole de La Réunion (1949 - 2019) - La conviction du développement » - pdf (cliquer)


L’habitat ayant toujours été au cœur des priorités des dirigeants de la Caisse, Henri Isautier martelait dans ses discours : « il est impossible de demander à un homme des efforts s’il n’est pas correctement nourri ni correctement logé. L’habitat est un préalable indispensable à l’évolution économique » (Journal de l’île du 20 mars 1961).

Que de chemin parcouru entre la promotion des essieux agraires, des cases Tomi et aujourd’hui, en 2019, le prochain lancement du Village By CA, et ses 4000 m² dédiés aux start up et à l’écosystème de l’innovation réunionnaise du 21e siècle...


+ d’infos sur www.credit-agricole.com

Une maison Tomi et une en calumets



Publicité