Danyèl Waro reçoit le Womex Artist Award 2010

photo : Betty Cerveaux Mayer

Danyèl Waro en concert au Festival Africolor 2009.

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Philippe Conrath : C’est une sacrée consécration qui va être décernée à Danyel Waro : il lui sera remis le 31 octobre 2010 à Copenhague, lors du WOMEX (World Music Expo, la plus grosse rencontre professionnelle autour des musiques du monde), le « WOMEX ARTIST AWARD 2010 » ! Un award qu’il recevra dix ans après Nusrat Fateh Ali Khan, son artiste favori, et après Staff Benda Bilili en 2009, Andy Palacio en 2007 ou Toto la Monposina en 2006.

Après plus de quinze ans de complicité, après avoir sillonné l’Afrique de l’ouest avec lui en bus d’Abidjan à Dakar (avec un concert dans toutes les capitales traversées) en 1993, après avoir partagé nombre de tournées en France et dans le monde (devant 3 spectateurs payant à Poitiers en 1995 et 10 000 spectateurs en transe au festival gnawa d’Essaouira en 2005), c’est une confirmation de plus pour moi qu’il a entièrement raison d’avoir choisi son propre tempo pour avancer. Danyel Waro a toujours voulu rester libre et mener sa carrière à son rythme, un rythme calé sur celui de la terre, en bon fils d‘agriculteur qui a connu le travail des champs dès sa plus tendre enfance. Il n’en a pas moins, au cours de ces quinze dernières années, joué dans les plus grands festivals, des Transmusicales de Rennes à Pékin, en Allemagne ou en Espagne.

Un pan de son histoire professionnelle commence d’ailleurs à Berlin, au Tempodrom, en 1996, dans le cadre d’un festival dirigé alors par Akbar Borkowski (créateur du WOMEX il y a seize ans), qui l’avait découvert au festival Africolor à Paris en décembre 1995. C’est à Berlin qu’il enregistre un live, « Foutan Fonnkér », un CD qui se vendra à quinze mille exemplaires à la Réunion (pour une population de 750 000 habitants à l’époque !). Le parcours peut sembler lent jusqu’à ce WOMEX Artist Award 2010, mais il est exemplaire, car Danyel Waro n’a jamais fait le moindre compromis pendant toutes ces années, comme il n’en a fait aucun durant sa vie.

A l’âge de vingt ans, il passe ainsi deux ans en prison en France pour avoir refusé le service militaire. Longtemps militant au Parti Communiste Réunionnais, qui fut l’un des acteurs de la renaissance du maloya, Danyel Waro peut encore chanter sans rougir des textes qu’il a écrit dans les années soixante-dix. Il précise juste : « Aujourd’hui j’utilise moins souvent le mot fusil, c’est plus la fleur que le fusil, c’est plus l’amour que la haine, mais je revendique cette rage et cette utilisation des mots ».

Danyel Waro

Cette consécration par le monde professionnel international est donc aussi la reconnaissance d’une démarche hors des sentiers du business, celle d’un homme qui fait très attention à ce que son image ne dépasse pas sa propre réalité. « Ce qui m’intéresse, ce sont les mots, dit-il, la magie des mots, le bonheur des mots, l’appétit pour les mots et la mélodie. Pour moi ce qui prime, c’est d’abord le chant et le direct ».

Danyèl Waro est resté fidèle à la tradition acoustique du maloya, le blues de la Réunion, l’île volcanique de l’océan indien à deux encablures de l’île Maurice. Musicien et poète, il sait faire chanter le créole avec une émotion sans pareil : « Je cherche la cadence, l’image, le rythme dans le mot. Grâce au maloya, j’ai pris du recul par rapport à la philosophie cartésienne, aux jugements trop conceptuels. Le maloya m’a remis en accord avec la Réunion, avec les gens, avec notre langue ».

Comme l’écrivait si bien Richard Robert, dans Les Inrockuptibles : « La rage abrupte, la tranchante sagesse de ses textes se marient dans une forme de transe qui n’est pas vécue comme une fuite, une perte contrôlée volontaire de l’esprit et des sens, mais au contraire comme la recherche d’une clairvoyance supérieure, unissant dans un même élan la pensée, la parole et le geste ».

Eternel insoumis, Danyel Waro met en avant sa « batarsité », titre d’une de ses chansons emblématiques écrite en 1987. Ni blanc, ni noir, le Réunionnais est « tortiyé kaf yab malbar » (mélangé noir blanc indien) : si la recherche d’une seule origine l’emmène dans une impasse, l’addition de tous ces mélanges fait sa force.

Son dernier disque « Aou Amwin »

Son dernier disque « Aou Amwin » (littéralement : « De toi à moi »), paru début juin à la Réunion (il s’en est vendu mille en une semaine), sortira le 13 septembre en France. Il a été enregistré en février 2010 dans la case de son enfance à Trwamar. C’est un double CD qui résonne de toute la spiritualité de cet artiste hors pair. On y retrouve des collaborations avec le groupe de polyphonie corse A Filetta (sur 3 titres) et avec Tumi et son flow soyeux (le leader du groupe Tumi & the Volume) pour une reprise de « Mandela » un des morceaux fétiches de Danyel Waro.

Cet Award est donc la récompense d’un parcours sans compromis, le cheminement d’un artiste engagé sans relâche dans la célébration d’une langue superbe, ce créole qui fait si bien chanter les mots.

Philippe Conrath

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WOMEX 10 AWARD ANNOUNCEMENT : DANIÈL WARO (LA RÉUNION)

Communiqué du World Music Expo - 14 juin 2010 :

WOMEX is proud to announce the winner of the WOMEX 10 Award for Artists : Danyèl Waro, the uncompromising maloya hero from Réunion Island.

He will perform on Sunday morning, 31 October 2010, during the Awards Ceremony accompanied by a WOMEX Networking Breakfast, both open to WOMEX delegates only. The laudation will be offered by Jaana-Maria Jukkara, Director of the Global Music Centre in Finland celebrating its 30th anniversary this year.

Philippe Conrath, whose Cobalt label has released Danyèl Waro’s music for the past ten years, writes "If Danyèl Waro always wanted to remain free and to lead his career to his own rhythm - a rhythm embedded in the earth, in the good son of a farmer who knew the work of the fields from a tender age - he has nevertheless, in the course of these last fifteen years, played at the biggest European festivals."

We are delighted to present the WOMEX 10 Award for Artists to this special musician, singer, activist and poet who has fought, for decades, to revive a musical treasure from the Indian Ocean and who has popularised its pearls on an international level. And we, WOMEX, feel honoured that Danyèl Waro has accepted this Award.