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Le car courant d’air a 100 ans : hommage en photo/vidéos

Publié le 5 février 2021

« Vol de nuit », « La belle créole », « Le chevron d’amour », « Surcouf », « Koufra », « Dunkerque »... Ne cherchez pas : à l’époque, on baptisait les cars courant d’air, comme pour donner une âme à cette pure expression du génie réunionnais. Un génie réunionnais qui concocte aussi le carburant permettant aux mythiques cars courant d’air de rouler, mélange d’alcool de canne (90%) et d’essence (10%). L’huile de bancoul était aussi fabriquée localement.…
Une histoire concoctée par Alain Dufour, du forum https://aventure-citroen-min.forumactif.com


En fin d’article : 4 vidéos / VOIR D’AUTRES PHOTOS DE LA RÉUNION LONTAN / Sélection réalisée entre autre à partir des photos postées par les membres du Groupe Facebook Réunionnais du monde.

Gare routière de Saint-Denis

Apparu alors que la voiture était encore réservée à l’élite, le car courant d’air permettait de relier toutes les villes de l’île, que ce soit sur le littoral ou dans les hauts. Si les premiers modèles ne proposaient que 12 places, ceux qui suivirent pouvaient accueillir de 25 à 40 personnes, y compris sur les marche-pieds, voire sur le toit avec provisions et animaux.


Il est centenaire notre car courant d’air national, et c’est un modèle unique ! Au début du 20ème siècle, alors qu’apparaissent les premières automobiles en métropole, les déplacements sont encore compliqués sur l’île. Les quelques rares routes sont étroites et sinueuses, les hauts sont enclavés et le chemin de fer ne dessert que la côte... Qu’à cela ne tienne : on invente le car courant d’air ! C’est en 1920 que ce nouveau moyen de transport apparaît sur l’île — pour disparaître dans la décennie 70 —, histoire de faire le lien entre le chemin de fer et les hauts. Histoire de faire le lien entre les consommateurs, les commerçants et les producteurs !

1953 - Car Patel

L’invention du car courant d’air, selon les documents, est attribuée tantôt à Hadjee Amode et Sulliman Patel, tantôt à Emile Carpin Marimoutou, tantôt à Salomon Carpaye, tantôt à « M. Moolan de Salazie »... Qu’importe, le fameux engin est une pure expression du génie réunionnais ! Le premier, fabriqué en 1920, ne possédait que 12 places. Plus tard, le succès de ce moyen de transport et le trafic augmentant feront que le nombre de places sera porté à 25 et jusqu’à 40, hommes, femmes, enfants, poules, canards, à l’intérieur, mais aussi sur les marchepieds, ou le toit et le moteur atteindra les 100 km/h !


La base est constituée d’un châssis de car importé de métropole, explique Marie-France Mourrégot dans son ouvrage « L’islam à l’île de La Réunion ». La carrosserie péi est réduite à sa plus simple expression : un capot pour recouvrir le moteur, des ailes sur le devant, un toit avec une impériale pour recevoir les bagages, sacs postaux, marchandises diverses. L’absence de carrosserie sur les faces latérales expose les passagers à tous les vents. Une simple barre sur la gauche empêchait les passagers de sortir côté route, tandis qu’un marchepied où se cramponnait le contrôleur que les banquettes en bois d’un seul tenant obligeaient à des acrobaties, leur permettait de monter du côté droit. L’important était bien-sûr d’éviter l’essieu arrière. Une bâche déroulée en cas de pluie les plonge alors dans une obscurité totale, parfois complice de quelques hardiesses. Seul le pare-brise du conducteur permettait d’entrevoir quelque chose. Il n’était pas rare à l’époque où les radiers n’existaient pas que les passagers soient obligés de descendre du car pour le pousser ou d’attendre l’aide de bœufs réquisitionnés pour l’occasion.


À l’époque, évidemment, il n’y avait pas de stations services. L’essence et le pétrole étaient vendus sous forme de fer-blanc de 20 litres. Et l’on avait aussi recours à un « carburant péi » qui alimentait les cars courant d’air : un mélange d’alcool de canne (90%) et d’essence (10%) dont on doit l’invention pendant la guerre à Hadjee Amode Patel (source : GRAHTER ). L’huile de bancoul fabriquée localement. Gout a nou...


Avec le « Groupe d’Etude et de Recherche en Histoire, Religions Et Traditions de La Réunion », on en apprend un peu plus sur ces fameux cars courant d’air... « Les premiers cars courant d’air furent livrés par le constructeur américain Studebaker et étaient équipés d’un essieu, du moteur et des roues. A charge pour les carrossiers locaux de faire le reste : un toit, des banquettes en bois ou couvertes de mousse et c’est tout. Ils seront par la suite remplacés par les “Citroën” (châssis car T23 ou T45) et les “Berliet”. Ces mécaniques robustes se contenteront généralement d’un carburant local à base d’alcool de canne et d’essence.

Les "châssis-cabine" nus de camions de Type 23 étaient expédiés par bateau vers des carrossiers locaux pour les y faire habiller

Sur les routes sinueuses, le car courant d’air, souvent en surcharge (on s’entassait sur les marche-pieds, voire sur le toit avec provisions et animaux) était contraint de faire halte malgré sa robustesse. On s’y entassait en toute proximité sur des bancs rudement capitonnés, raconte Robert Gauvin sur le site dpr974 ; des barres de fer fixées sur la gauche retenaient les voyageurs de la chute ; sur la galerie s’accumulaient toutes sortes de marchandises et d’objets hétéroclites, meubles, pneus, paniers des petits marchands de légumes et de volaille piaillant, et quand la pluie se mettait à tomber, on déroulait depuis le toit un épais rideau vert qui en moins de deux minutes faisait régner à l’intérieur une semi-obscurité et une atmosphère moite à couper au couteau, mais qui s’en serait plaint ? »

Salazie

C’est que du train qui roulait en littoral, il fallait rejoindre les hauts, et aller par exemple de ST DENIS à HELL BOURG, aux Plaines ou du littoral à CILAOS et voyage retour. On partait alors des hauts vers 4H du matin afin d’acheminer le courrier avant le départ du train (6H) et là c’était toute une équipée, car non seulement les chauffeurs de cars des compagnies concurrentes faisaient la course entre eux, encouragés par les jeunes passagers, mais les routes étaient étroites et sinueuses. Ces joutes routières élevaient les vainqueurs au rang de véritables stars. Augustin MARIMOUTOU était l’une d’entre elles.


Bien souvent dans les virages, quelques passagers descendaient pour mettre des cales, évitant ainsi au car de glisser dans le précipice. Les arrêts de bus n’existaient pas et les clients se positionnaient en fonction des aléas de la route. Les voyages ne manquaient pas de pittoresque : on se serrait les uns contre les autres pour laisser la place au dernier venu, tentes et soubiques coincés entre les pieds et on gardait sa bonne humeur. Le prix du trajet se payait en cours de route, sans ticket.


En 1950, Hadjee Amode Patel devient le premier transporteur de voyageurs avec près de 20 cars courant d’air et des lignes régulières sillonnant l’île. « Le garage de l’entreprise se situait dans la cour de la médersa, explique le GRAHTER, et parfois, des bagarres éclataient entre les voyageurs qui attendaient leurs cars, d’où l’expression devenue familière de “baisement dans la cour Patel” ». (source : Geoffroy Géraud Legros et Nathalie Valentine Legros)







Car spécial pour les marins du Lapérouse vers 1963-65 en arrêt à Salazie








Malheureusement, tout à la fois pour des questions de rapidité, confort, sécurité, les cars courant d’air ont disparu de la circulation vers 1970. Et, comme partout, ils finirent dans des casses autos…



Heureusement, le tourisme grandissant a attiré certains à remettre en état ces objets du patrimoine local pour les montrer aux visiteurs. Ainsi, ce Type Citroën de Type 45 qui est actuellement exposé au musée des techniques industrielles de la fabrication du sucre de canne « Stella Malutina ».


Remerciements texte : Alain Dufour, du forum https://aventure-citroen-min.forumactif.com

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