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Réflexions sur l’après coronavirus : Paul Hoarau

Publié le 6 mai 2020

« Le retour aux habitudes, à la pollution, à la facilité de l’importation de tout… Il est à craindre qu’au lendemain du coronavirus, sur le plan national et localement, tout le monde retourne aux habitudes du passé... » Extrait du Journal de Paul Hoarau (mai 2020). Homme de média et de politique, ancien conseiller régional et fondateur du Comité du Progrès, Paul Hoarau est fortement impliqué dans la vie civile et la société réunionnaise depuis de longues années.


Il est à craindre qu’au lendemain du coronavirus, sur le plan national et localement, tout le monde retourne aux habitudes du passé, à la pollution, à l’autisme des revendications sociales, aux réformes libérales, à la délocalisation et, ici en particulier, à la facilité de l’importation de tout.

À travers quelques exemples, on verra à quel point le virus a imposé, sans histoire, ce qui était impensable, impossible, inacceptable.

Pour commencer, les gazettes rapportent que l’air des grandes villes chinoises sévèrement pollué jusqu’ici, est aujourd’hui, dégagé. Le bleu du ciel réapparaît, les oiseaux se font entendre, les décibels ont baissé. Des amis parisiens me disent que la différence, dans le domaine de la pollution, est sensible lorsqu’ils ont l’occasion de mettre le nez dehors. Le confinement a réussi ce que des années et des années de revendications, de campagnes et de mesures n’ont pas réussi, il a réussi à diminuer la pollution.

Avec le confinement, l’économie est en panne. Mettre en panne l’économie du pays pour se faire entendre était le but des organisations qui décrétaient des grèves générales. Elles n’ont jamais réussi autant que le confinement qui plus est, sur ordre des autorités.

La dette publique a été présentée par « les spécialistes » comme le mal absolu. Sa diminution, sinon sa suppression, étaient l’objectif principal des réformes, quitte à sacrifier le service public, à diminuer les effectifs, à délocaliser. Pour se protéger du coronavirus, pour compenser les conséquences économiques du confinement, le montant de la dette a bondi de façon phénoménale, non seulement elle est importante par rapport au PIB, mais maintenant déjà, elle le dépasse de loin. Elle se chiffre par centaines de milliards. Il faut faire la guerre au virus « à n’importe quel prix » a dit le Président.

Dans le même état d’esprit, les grands prêtres de la réduction de l’État à ses fonctions régaliennes, contre l’État-Providence, se tournent vers l’État pour venir à leur secours. Certains partisans de la privatisation à-tout-va, vont même jusqu’à préconiser la nationalisation de certaines entreprises.

La délocalisation, le moyen absolu de la mondialisation pour augmenter les profits des puissants, est elle-même montrée du doigt. À cause d’elle, la France a manqué de masques, d’appareils de respiration, de matériels divers, a pris du retard dans la lutte contre le virus, a eu recours au confinement dans de moins bonnes conditions qui ont plombé l’activité économique et provoqué une situation sociale dont on n’a pas encore mesuré toute l’ampleur. Pour empêcher le pire, les mécanismes libéraux de la finance et des marchés sont impuissants, leurs spécialistes et leurs grands prêtres en appellent à l’État, leur bête à abattre, pour qu’il réparent les dégâts.

Qu’est-ce qui a donné au virus sa force ? La peur d’une certaine mort ?... Que se passera-t-il une fois le danger passé et la peur dépassée ?

Quelqu’un me demandait à moi qui avait connu la deuxième guerre mondiale, comment les Réunionnais ont vécu la pénurie, comment ils ont fait face et comment ils s’en sont sortis après. Pour faire face à la pénurie, ils ont produit davantage ce dont ils avaient besoin. Le Gouverneur avait même donné l’ordre d’arracher la canne pour la remplacer par des cultures vivrières. Mais avant même la fin de la guerre, à la fin du blocus, ils sont revenus aux facilités de l’importation de ce dont ils avaient besoin et sont progressivement retournés aux mécanismes économiques artificiels que nous connaissons aujourd’hui.

Avec le coronavirus, nous avons vu, ici, les initiatives se multiplier pour la fabrication des masques, pour la plantation de produits de consommation, pour l’organisation de circuits de ventes raccourcis.

Il est à craindre qu’au lendemain du coronavirus, sur le plan national et localement, tout le monde retourne aux habitudes du passé, à la pollution, à l’autisme des revendications sociales, aux réformes libérales, à la délocalisation et, ici en particulier, à la facilité de l’importation de tout.

Indépendamment des partis et en leur qualité de citoyens, quelles que soient leurs origines et leurs classes sociales, les peuples de citoyens doivent se lever. Chaque peuple devra dire son choix de société, entre le modèle du « profit d’abord » et celui de « l’homme au centre ». Aujourd’hui, ce dilemme est mondial. Mais il appartient à chaque peuple de régler cette question pour ce qui le concerne.


Lire aussi : d’autres analyses de Paul Hoarau / le blog http://reelr974.eklablog.com / www.facebook.com/lejournaldepaulhoarau / Contact : [email protected]

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