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1975 : de Madagascar à La Guyane

Publié le 9 novembre 2017

L’itinéraire de cinq familles réunionnaises (Lebeau, Thiburce, Gabriel, Deboisvilliers et Hoarau) expulsées de La Sakay dans les années 1970 et qui ont tenté l’aventure en Guyane. Partis faire de l’agriculture, il se sont retrouvés en pleine forêt, parfois sans eau ni électricité...

Un article de Cédric Boulland, envoyé spécial pour Le Quotidien


La réalisatrice réunionnaise Olivette Taombé leur a consacré un documentaire intitulé « de la Sakay à la Carapa ». Années 50, au lendemain de la départementalisation. Pour cause de poussée démographique et de risque de flambée du chômage dans leur île, environ 200 familles de fermiers réunionnais sont envoyées à Madagascar par l’Etat français. Pendant 25 ans, elles vont cultiver les terres de la Sakay, du nom du fleuve qui traverse la région, dans le centre-ouest de la Grande île. Objectif : les former aux métiers agricoles puis faire de leurs exploitations le « grenier » de Tananarive. La politique migratoire porte ses fruits. La Sakay devient le troisième centre mondial de production porcine. De coopérative, elle se transforme en société subventionnée par le ministère de l’Outremer et par le conseil général de La Réunion.

Entre 1975 et 1977, suite à l’indépendance de Madagascar, ces Réunionnais sont tous expulsés « sans rien ». Direction la métropole, dans un camp de rapatriés, au moins dans un premier temps. La France leur déconseille de revenir à La Réunion où la situation sociale leur est présentée comme toujours compliquée. Cinq de ces familles (Lebeau, Thiburce, Gabriel, Deboisvilliers et Hoarau) acceptent alors de tenter une nouvelle aventure en Guyane : celle de la Carapa, à Macouria, dans la banlieue de Cayenne. Il est question de cultiver le maïs, la banane mais aussi d’élever des vaches laitières ou des cochons.


« La Guyane, c’était l’Eldorado »

Henri-Charles Gabriel, qui avait « 6-7 ans » lorsqu’il a quitté La Réunion pour la Sakay, est aujourd’hui âgé de 63 ans… et il vit toujours en Guyane. Le Quotidien l’a rencontré à Cayenne. « A l’époque, je travaillais pour le Bumidom (NDLR : bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outremer), se rappelle-t-il. Dans le cadre du plan Vert de Chirac, l’idée consistait à refaire une opération agricole. La Guyane, c’était l’Eldorado, surtout pour les Brésiliens. Il n’y avait que 25 000 habitants. Le problème, c’est que le choc pétrolier est passé par là. Il n’y avait plus d’argent pour la Carapa ».

Alors que les cinq familles réunionnaises s’étaient vu promettre des terrains gratuits et cultivables mais surtout une ferme en guise de compensation pour celle laissée à Madagascar, elles se sont rapidement retrouvées en pleine forêt sans eau ni électricité, dans la boue. Et qui plus est, les organismes financiers s’étant désengagés du projet, avec des emprunts sur le dos. Certains sont repartis, d’autres ou leurs enfants ont continué mais pas forcément dans l’agriculture. Colin Lebeau, par exemple, n’a pas complètement coupé avec ses racines puisqu’il s’est lancé dans l’élevage de gibier. « C’est fabuleux, la nature », s’enflamme Henri-Charles Gabriel, qui a fêté en 2015 le quarantième anniversaire de son implantation en Guyane. La Réunion, il y est revenu « deux ou trois fois ». Seulement en vacances.

Cédric BOULLAND pour www.lequotidien.re


Plus d’infos sur les Réunionnais de Guyane (5 pages) / L’histoire de la Réunion / Le Journal www.reunionnaisdumonde.com/r/16/Outre-Mer-hors-Reunion (381 inscrits)


Sakay, à l’époque nommée Babetville, fut construite à partir de rien par des immigrés réunionnais à partir de 1952. Elle a été nommée en hommage à Raphaël Babet, député de la Réunion qui a relancé le mouvement migratoire de ses compatriotes vers la Grande Île. Environ 200 familles réunionnaises se sont installés sur les terres de La Sakay devenu Babetville. Chassées de Madagascar en 1975 par le régime Didier Ratsiraka, cinq familles réunionnaises ont retenté l’aventure en Guyane. Mais la réussite n’était pas au rendez-vous...

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