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Affaire Pistorius : un Réunionnais d’Afrique du Sud témoigne

Publié le 26 février 2013

Dans un pays placé sous les feux de l’actualité par « l’affaire Pistorius », Philippe Brossier décrit l’impact et les enjeux de ce fait-divers dans la société sud-africaine. Diplômé de l’ILOI, ce jeune Saint-Pierrois est volontaire de solidarité international, chargé de mission culturelle Réunion à l’Alliance Française de Johannesburg*.

Philippe Brossier
Philippe à gauche lors d’un projet écologique de construction d’un four solaire et workshops sur le l’environnement à Motlakeng, un township du Gauteng.

Pouvez-vous vous présenter svp ?

Je viens de Saint Pierre. J’ai suivi une formation d’interculturalité/histoire à l’université de la Réunion, jusqu’à la maîtrise, puis un master I d’audiovisuel à l’Iloi (l’institut de l’image de l’Océan Indien). Cela a été une des mes plus belles années d’études, j’ai beaucoup appris à tous les niveaux, tant humain que professionnel. Tout cela a été entrecoupé par des années où je travaillais. Depuis un an je suis VSI (volontaire de solidarité international) avec France Volontaire, chargé de mission culturelle Réunion à l’Alliance Française de Johannesburg.

Quelle est l’opinion générale en Afrique du Sud sur « l’affaire » Pistorius ?

Le lendemain du crime, les journaux et la population voulaient bien croire à un accident, mais l’opinion a rapidement basculé dans la journée. La majorité des Sud-Africains pense tout simplement que Pistorius est « coupable ». Il y a de la déception vis-à-vis de l’athlète, car il était véritablement populaire et cela a été un choc. La défense de Pistorius tente de discréditer l’enquête, en utilisant le fait que l’enquêteur est lui-même poursuivi dans une autre affaire. L’athlète prétend qu’il a confondu sa petite amie avec un cambrioleur reclus dans la salle de bain. Il faudra laisser la justice sud-africaine faire son travail pour en savoir plus jusqu’au verdict final.

Que nous raconte ce fait-divers sur la société sud-africaine ?

L’affaire Pistorius renvoie à d’autres enjeux, notamment celui de la « culture de la violence ». Chaque année,15 000 meurtres sont commis dans ce pays, ce qui place la nation Arc-en-ciel dans le triste palmarès des pays les plus dangereux au monde. Il existe ici une véritable anxiété, les gens ont recours à une surprotection : fils électriques, sécurité privée, barreaux aux fenêtres, armes personnelles... L’affaire renvoie tout particulièrement aux violences faites aux femmes. L’Afrique du Sud est malheureusement un des pays avec le plus grand nombre de viols, dont le viol « correcteur » qui sert à changer les lesbiennes en hétérosexuelles. Cette « culture » est liée à l’histoire tragique de l’Afrique du Sud, un état qui a institutionnalisé la violence et la dévalorisation de l’Homme avec l’apartheid. Il faudra du temps pour que cela change.

Que font les autorités pour lutter contre la violence ?

Les gens ne croient plus vraiment aux homme politiques. L’ANC, le parti de Nelson Mandela, a entraîné une grande désillusion. La solution pour de plus en plus de Sud-Africains, c’est la société civile. Ainsi, pour lutter contre les violences faites aux femmes, des mouvements de lesbiennes s’organisent en s’appropriant des lieux de mémoire tel que le « Constitution Hill ». Dans cette ancienne prison du temps de l’apartheid, elles montrent leur résistance par « la fête ».

VSI Afrique du Sud
projet écologique de construction d’un four solaire et workshops sur le l’environnement à Motlakeng, un township du Gauteng.

Plus généralement fait-il bon vivre en ce moment en Afrique du Sud ?

Oui et Non, c’est compliqué à vrai dire. Oui, le climat est doux, les paysages magnifiques, les Sud-Africains sont chaleureux et il y a une véritable envie de vivre. Les week-end à Jo’burg sont très vivants et intenses au niveau culturel. Mais pour les plus pauvres la vie est toute autre : coupures d’eau et d’électricité, taxis combis, insécurité (la violence touche d’abord les pauvres), xénophobie, éducation et sécurité sociale désastreuses sont le lot quotidien. L’inégalité est au cœur des problèmes Sud-africains, et il est difficile pour moi de dire qu’il y fait bon vivre en connaissant la situation de la majorité.

Qu’est ce qui en tant que Réunionnais vous paraît proche dans ce pays et au contraire éloigné ?

Avant tout ce qui me paraît proche, c’est le climat et le ciel étoilé. C’est assez sympa le soir de voir les mêmes étoiles qu’à Saint Pierre. Il y a évidement l’idée de société multiculturelle : la fameuse nation arc-en-ciel de Desmond Tutu. Mais la Réunion a pour moi une étape d’avance. En Afrique du Sud, il n’y a que juxtaposition des communautés mais pas réellement de fusion comme à la Réunion. Avant je ne croyais pas vraiment cela, mon point de vue a changé. J’ai redécouvert mon île grâce au voyage.

Article paru dans Le Quotidien du 26 février 2013

* Mission de deux ans portée par France Volontaires, cofinancée par le Conseil Régional de La Réunion et le FEDER. Une quarantaine de jeunes réunionnais sont actuellement affectés en Afrique Australe et dans l’océan Indien. En savoir plus


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