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Crise grecque : une Réunionnaise témoigne

Publié le 5 mai 2013

Installées en Grèce en 2011, deux familles réunionnaises produisent de l’huile d’olive dans le Péloponnèse sous la marque Velika. Christelle Magamootoo témoigne de la vérité d’un pays, pointé dans les médias européens pour sa crise économique et sociale.

Christelle Magamootoo

La Grèce est régulièrement montrée du doigt pour ses difficultés économiques et sa crise sociale. Comment est ressentie cette crise sur place ?

Injuste et dramatique. Aujourd’hui le peuple grec paie durement la facture, alors que la crise de la dette du pays relève principalement de la responsabilité des dirigeants européens. En effet, ils ont ignoré en toute connaissance la réalité de la situation de la Grèce qui ne pouvait objectivement, au 1er janvier 2001, intégrer la zone euro. A cet aveuglement s’ajoute le clientélisme et la corruption de la grande majorité de la classe politique grecque qui a encouragé la population à vivre à crédit et à consommer sans compter.

Avez vous des exemples des conséquences de la crise dans la vie quotidienne des Grecs ?

Les exemples des conséquences de la faillite du pays sont nombreux. Nos voisins par exemple, un couple de retraités fonctionnaires, ont vu leur retraite passer de 1200 à 600 €. Leurs enfants n’ont plus de travail. Diplômés, ils vivaient et travaillaient à Athènes, dans la banque et la communication. Du jour au lendemain ils sont revenus vivre chez leurs parents, incapables de joindre les deux bouts avec femmes et enfants. Autre exemple, dans l’école élémentaire de ma nièce, située dans un petit village, il n’y a plus de service d’entretien. Ce sont les parents d’élèves qui assurent le nettoyage des classes. Le remboursement des médicaments par la sécurité sociale n’est plus fiable. Les pharmacies n’ont plus confiance et demandent le paiement immédiat des médicaments. Les plus démunis ne peuvent plus se soigner correctement. Les jeunes diplômés quittent la Grèce pour le Canada, l’Allemagne, l’Australie...

Comment la classe politique grecque gère-t-elle la crise ?

La classe politique ne gère pas, elle subit ce que lui impose l’Europe. Les dirigeants bradent le patrimoine de la Grèce au plus offrant : le Port du Pirée, l’aéroport, le réseau ferroviaire, les îles aux milliardaires chinois, russes et aux Emirats Arabes. Bref, la Grèce est à vendre. Le peuple se résigne et on assiste à un retour de la population urbaine dans les campagnes. Mais malgré la crise, le peuple grec ne se plaint pas. Il garde sa dignité et sa fierté, teintées d’un certain fatalisme. L’horizon est bouché. Heureusement, il reste la famille et ses valeurs, le régime méditerranéen et l’huile d’olive !

Comment en est-on arrivé là ?

Les médias n’insistent pas suffisamment sur l’histoire moderne de la Grèce. Un pays qui a connu des tremblements de terre, quatre siècles d’occupation turque (XV – XIX siècles), dont l’indépendance a été proclamée en 1830 par les grandes puissances de l’époque : Russie, France, et Angleterre. De 1830 à 1981, date à laquelle elle intègre la Communauté Européenne, la Grèce a connu trois faillites, en 1832, 1893 et 1947. A chaque fois les responsabilités sont les mêmes : une classe politique soucieuse avant tout de préserver ses intérêts et ceux d’une clique de marchands et de banquiers. Ceci explique la méfiance des Grecs à l’égard de l’Etat.

Quelle est l’image de l’Europe en ce moment en Grèce ? De la France ?

Les Grecs se sentent européens, mais ils savent qu’ils sont pauvres dans un continent riche qui oublie la solidarité et les valeurs culturelles qui forgent l’identité européenne. Qualifiés de paresseux, de fainéants par les médias, ils se sentent comme les parias d’une Europe à deux vitesses. La vérité, c’est qu’ils sont les victimes d’une mondialisation de l’économie qui privilégie la rentabilité des placements financiers. Dans ce contexte, la France apparaît comme un espoir pour les Grecs. Ils pensent que la patrie des Droits de l’Homme et de la révolution pourra arrêter la politique d’austérité et imposer la solidarité des peuples européens pour une Europe forte et unie. Ils sont conscients que les Etats du Sud et la France ne pourront raisonnablement pas rembourser la dette si l’Europe reste en récession.

Qu’est ce qui fait que vous aimez ce pays et que vous avez décidé d’y vivre ?

On connaît tous la Grèce pour son apport à notre culture occidentale : la démocratie, la philosophie, le théâtre, la mythologie... C’est aujourd’hui un petit pays de 11 millions d’habitants qui vit essentiellement des revenus du tourisme, de l’agriculture et de la marine marchande. Malgré l’image véhiculée par les médias, les Grecs sont un peuple paisible. On peut se balader sereinement dans les villes, il n’y a pas d’agression, on se sent en sécurité. Les Grecs savent privilégier la convivialité, le travail et la simplicité. Ils peuvent se contenter de très peu car ils ont su préserver l’essentiel, leur identité, leur culture. La Grèce éternelle qui nous rend humains.

Qu’est ce qui en tant que Réunionnaise vous paraît proche en Grèce ?

L’impuissance des politiques. Dans une économie globalisée, ils n’ont plus de marge de manœuvre pour protéger les citoyens de la dictature de la finance. Comme La Réunion, la Grèce a longtemps vécu sur une économie dont le dynamisme était basé sur la consommation. Les moyens financiers venaient d’ailleurs, notamment de l’Europe. Un jour forcément ça s’arrête et le réveil est difficile.

Article paru dans Le Quotidien du 5 mai 2013


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