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Elections au Québec : l’analyse d’un Réunionnais de Montréal

Publié le 9 septembre 2012

Installé au Québec depuis 1998, Pierre-Henri Aho est Chef de cabinet d’un sénateur canadien. Ce Dionysien de 34 ans analyse les résultats des élections de septembre 2012 qui pourraient avoir des conséquences sur la vie des nombreux Réunionnais installés dans la Belle Province.

Pierre-Henri Aho
Pierre Henri et sa femme Jessica Line.

Où vous situez-vous sur l’échiquier politique québécois ?

Je suis arrivé au Canada dans le cadre de mes études au sein de l’école de commerce Euromed de Marseille. Après un stage qui a débouché sur une première expérience professionnelle à Montréal, je suis devenu l’Attaché parlementaire d’un sénateur canadien en 2001, puis son Chef de cabinet. J’agis désormais comme son principal Conseiller politique, et occupe également d’autres fonctions de Consultant en relation publique et gestion de patrimoine. On peut me considérer comme un fédéraliste convaincu car, pour moi, le Canada n’est rien sans le Québec et vice versa. Je suis pour un Québec fort culturellement au sein d’un Canada responsable socialement, économiquement, et sur la scène internationale. Je ne suis vraiment pas à l’aise avec l’idée de créer des frontières au XXIe siècle, mais au Québec comme ailleurs, c’est un sujet délicat...

Quelle est votre analyse des dernières élections ?

Le gouvernement du Parti Québécois nouvellement élu est minoritaire puisqu’il n’a obtenu que 32% des voix. La nouvelle Première ministre Pauline Marois aura besoin de l’appui d’un des deux grands partis de l’opposition pour gouverner. Il n’y a donc pas de véritable gagnant, sauf peut-être la démocratie : une femme est élue à ce poste pour la première fois et on compte trois grands partis qui devront coopérer pour faire avancer certains dossiers. Les analystes prédisent une durée de vie maximale de deux ans pour ce gouvernement. D’ici là, une majorité des Réunionnais du Québec risque pour la première fois de faire face aux enjeux séparatistes sur fond de crise identitaire. La tragique tentative d’assassinat politique de la part d’un anglophone frustré et probablement déséquilibré a en effet ravivé de vieilles chicanes qui risquent de s’accentuer au cours du mandat de Madame Marois.

Quels changements peut-on attendre maintenant dans le pays ?

Le Parti Québécois qui vient d’être élu a comme mandat principal, depuis sa fondation, de réaliser la souveraineté du Québec. La population, dont une majorité ne veut pas l’indépendance, sera donc sur le qui-vive pour ce qui a trait au devenir de la belle province. Une telle atmosphère politique risque d’accentuer la perception des problèmes linguistiques constamment en veille au Québec, tout comme celui de l’immigration au cours des dernières années. Outre la résolution immédiate du conflit étudiant, le gouvernement Marois va chercher à poser des gestes concrets visant à renforcer l’application des lois de francisation, et probablement proposer une « charte de la laïcité » ainsi qu’un examen de « citoyenneté québécoise », tel qu’annoncé en campagne électorale. Mais il faudra surtout attendre le dépôt des premiers projets de loi pour juger de la capacité du nouveau gouvernement à obtenir le consensus sur des dossiers comme le système de santé, l’environnement ou l’économie.

Quel rôle le conflit étudiant a-t-il joué dans ces élections ?

Pierre Henri Aho

D’abord il faut dire que les Québécois ont le système universitaire le moins cher de toute l’Amérique du Nord, mais celui-ci est sous financé. Suite aux crises financières, l’émergence du mouvement des « indignés » a été un terreau fertile pour tous les mouvements sociaux radicaux. Une coalition d’extrême gauche visant la syndicalisation des étudiants et la gratuité scolaire a paralysé le système éducatif pendant plusieurs mois, et l’application d’une loi draconienne pour les en empêcher n’a fait qu’exacerber les tensions. La victoire des étudiants grévistes consiste à avoir fait évincer le premier ministre Jean Charest lors de ces élections. Le mouvement étudiant a aussi réussi à porter le débat sur la hausse des frais de scolarité à un niveau plus global, soit sur le type de société dans laquelle on veut vivre. C’est essentiellement cet enjeu de fond qui a caractérisé ces dernières élections.

Pour vous, fait-il bon vivre en ce moment au Québec ?

Tout le monde ici est choqué par la récente fusillade en marge du discours de Pauline Marois, qui fait froid dans le dos. Même si ce n’est pas un fou qui va transformer une culture pour le moins tolérante et respectueuse, cet attentat n’est pas de bon augure. Le Canada, donc le Québec aussi, demeure un des pays avec la meilleure qualité de vie disponible. C’est le pays des citoyens du monde par excellence, on y retrouve des ressortissants de toutes les origines et une culture nord-américaine généralement plus progressiste qu’aux États-Unis. Officiellement bilingue et multiculturel, le Canada est aussi une société sécuritaire et égalitaire. Mais il est vrai que le Québec semble traverser une crise profonde. Outre le « printemps érable » qui a mobilisé des forces vives aux allures anarchiques, on sent aussi depuis quelque temps une résistance plus prononcée à la diversité.

Article paru dans Le Quotidien du 9 septembre 2012


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