Publicité

Fabrice Arcizet, mis au chômage technique aux États-Unis

Publié le 6 octobre 2013

Chercheur en biotechnologie à l’Institut National de la Santé américain, Fabrice Arcizet a vécu à Saint-Pierre toute son enfance avant de quitter l’île. Comme 800 000 fonctionnaires américains, ce père de famille de 35 ans a été mis au chômage technique cette semaine par le gouvernement pour une durée indéterminée.

Fabrice Arcizet

Quel a été votre parcours ?

Mes parents sont arrivés à la Réunion en 1980, j’allais fêter mes deux ans. Mon père est médecin-accoucheur, il exerce toujours à Saint-Pierre. J’ai quitté l’île le bac en poche pour suivre des études de biologie cellulaire à Marseille. Puis j’ai passé une thèse de neurosciences à Toulouse.

Et ensuite ?

Les jeunes chercheurs sont encouragés à aller se former à l’étranger, avec une préférence pour les USA. Le bénéfice est double : mieux maitriser l’anglais, qui est la langue utilisée pour publier nos travaux, et découvrir les nombreux et prestigieux laboratoires de recherche de ce grand pays. Après un passage par UCLA il y a sept ans, j’ai eu l’opportunité de venir travailler au NIH (National Institute of Health), dans la banlieue de Washington DC. Le prestige de cette institution et les conditions de recherche ont orienté mon choix. Aujourd’hui, je suis marié et j’ai deux filles de 7 ans et 4 ans.

Dans quelles circonstances avez-vous été mis au chômage technique en cette semaine d’octobre 2013 ?

Cette période de l’année est toujours délicate car le congrès vote le budget de l’année à venir. Alors que la date fatidique du 30 septembre approchait, nous nous sommes rendus compte que les débats étaient houleux et qu’un accord serait compliqué à trouver. La semaine dernière, le gouvernement nous a informé qu’une fermeture accompagnée d’un chômage technique était possible. Toutefois, les gens ne pensaient pas qu’on allait en arriver à cette situation de “shutdown”...

Que s’est-il passé ?

Dans la journée de mardi, nous avons reçu un courriel nous informant de la fermeture de notre établissement. Les fonctionnaires en chômage technique sont invités à rester chez eux, leur salaire est suspendu. Il est même interdit d’utiliser sa boite email ou tout ordinateur appartenant à l’État. Ceux qui travaillent aux États-Unis avec un visa étranger (c’est mon cas) prennent très au sérieux cette situation, de peur de perdre leur emploi ou leur statut d’immigrant.

Quelles sont les conséquences dans le pays de ce « shutdown » ?

Toutes les organisations gouvernementales civiles sont fermées, ainsi que les parcs et les musées nationaux. Seules certaines personnes déclarées “essentielles” sont autorisées à travailler. Dans notre région, il y a pas mal de petites entreprises biotech qui dépendent de contrats publics et de collaborations avec les agences gouvernementales. Elles sont à l’arrêt forcé. Il faut savoir que le gouvernement a l’intention de se séparer de 50 000 employés afin que cette situation ne se reproduise plus. Les conséquences économiques se feront sentir dans les semaines et les mois à venir, particulièrement dans la région de Washington qui regroupe beaucoup de fonctionnaires.

Fabrice Arcizet

Comment cette situation est-elle acceptée par les Américains ?

Je suis impressionné par leur calme et leur abnégation. J’ose à peine imaginer le même cas en France. Les gens descendraient dans la rue pour protester et faire entendre leurs droits. La société américaine est très individualiste et finalement, cette situation touche une personne sur 300. Donc beaucoup de gens continuent à travailler sans se soucier des fonctionnaires.

Qui est tenu pour responsable du "shutdown" ?

Il est difficile de pointer du doigt un ou des responsables particuliers. Les avis divergent selon la sensibilité politique de chacun. Les uns accusent le président Obama et son plan de santé (Obamacare), les autres accusent une trentaine de représentants républicains de bloquer la situation. En 1996, un « shutdown » avait duré 28 jours, mais tous les employés avaient été payés rétroactivement.

Est ce que vous vous êtes adapté à la société américaine ?

Voilà sept ans que je suis installé aux US. Dès qu’on comprend les codes et règles de vie en société, on s’adapte à ce pays et il y fait bon y vivre. A Los Angeles, j’ai trouvé une qualité de vie semblable à celle que j’avais à la Réunion. Les gens viennent de divers horizons et se retrouvent sous une même identité : celle d’être californien. En ce sens, cela m’a rappelé Marseille et son fort sentiment identitaire. La vie sur la Cote Est ressemble beaucoup plus à la vie en métropole. Les gens sont plus stressés par leur travail et les liens sociaux sont moins évidents à tisser.

Qu’est ce qui vous rappelle la Réunion aux États-Unis ?

Plusieurs de mes collègues sont iraniens, indiens, japonais, coréens, chinois... Le fait d’avoir grandi à la Réunion m’a donné une capacité d’adaptation ainsi qu’une soif de découvrir d’autres cultures. La population américaine est aussi métissée que celle de notre île. J’ai retrouvé chez les « Latinos » quelques similitudes avec les habitudes créoles : l’esprit de famille et la religion tiennent une grande place dans leur vie. Ils sont également très friands de pique-niques avec marmites, feu de bois, partie de foot et dominos. Et puis les Mexicains mangent eux-aussi les mangues vertes avec du piment !

De quelle façon la Réunion est-elle encore présente dans votre vie ?

Avec nos deux filles Mahé et Héloïse, on essaie de garder le français comme langue parlée à la maison, mais j’ai bon espoir de leur apprendre aussi quelques expressions créoles ! Un jour, j’ai rencontré un Réunionnais qui avait remarqué le T-shirt de la Réunion que je portais. On a passé une belle soirée à parler de l’île. Qui aurait dit que deux bougs de la Réunion se croiseraient un soir dans la banlieue de Washington ?

Article paru dans Le Quotidien du 6 octobre 2013


Contacter et voir le profil de Fabrice Arcizet
- D’autres infos sur les Réunionnais aux Etats-Unis
- D’autres regards sur l’actualité

Publicité