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Grippe porcine : Christian Bègue, en direct du Mexique

Publié le 4 mai 2009

Jeune directeur d’une Alliance Française au Mexique, Christian subit professionnellement les conséquences de la crise de la grippe A (H1N1). S’il est optimiste sur l’évolution de la situation, il porte un regard très dur sur le traitement des événements par les média français et ses retombées néfastes pour le Mexique.

Christian Bègue
Christian et sa femme mexicaine

Le 4 mai 2009

Dans quelles circonstances avez-vous pris connaissance de cette crise sanitaire ?

L’apparition de la grippe porcine a été annoncée par les medias mexicains dès le 20 avril. Personnellement, je ne pensais pas que c’était quelque chose de dangereux après m’être informé, mais les mesures prises par le gouvernement ont commencé à m’inquiéter à partir du 22 avril lorsque les cours dans toutes les institutions éducatives de Mexico et l’État de Mexico ont été suspendus. Mesures qui se sont étendues au reste du pays au début de la semaine dernière. Les chiffres de malades et morts étaient vraiment inquiétants la semaine dernière. L’OMS a permis d’avoir des chiffres plus réels, à l’heure actuelle 17 morts et plusieurs centaines de cas bénins.

Quelles ont été les premières réactions autour de vous ?

La première réaction a été vraiment alarmante, la suspension des cours pour notre Alliance Française a des répercussions drastiques sur nos finances qui sont assez limitées depuis le début de la crise. Les professeurs de l’Alliance Française que je dirige sont passés de la joie causée par la suspension des cours et un rallongement des vacances de Pâques à une peur d’être infectés et mourir instantanément à cause d’un nouveau virus mortel. La situation s’est maintenant stabilisée. Les professeurs sont encore affolés, car la presse européenne, surtout la presse française, est beaucoup plus agressive. La famille réunionnaise s’est tout de suite mobilisée pour avoir des informations fraîches sur mon état de santé, mais maintenant ma famille sait que l’épidémie a été contrôlée et que c’est une grippe tout à fait soignable si on s’y prend à temps.

Pouvez-vous nous brosser un tableau de la situation au Mexique ?

La grippe porcine semble avoir été très bien contenue et limitée dans les principales zones de contagion, raison pour laquelle les écoles, entreprises et administration publique devront très certainement reprendre leurs activités à partir de mercredi 6 mai 2009. Les medias français ainsi que notre respectable président français Sarkozy ont malheureusement satanisé la situation au Mexique, ce qui risque d’avoir certaines répercussions. Comme vous pourrez le comprendre dans un futur très proche, la situation est loin d’avoir été drastique au Mexique, surtout lorsque meurent plus de 45 000 personnes par an ici à cause la grippe (contre une vingtaine de morts pendant la propagation de la grippe porcine). La grippe porcine est traitable dès le diagnostic des symptomes de départ, même avec des antibiotiques communs mais assez forts. Le gouvernement mexicain a pris les mesures correctes, au moment où il le fallait je pense. De toute façon tout est prenable pour les politiciens quand il s’agit de détourner l’attention.

Et là où vous vivez ?

La ville de Zacatecas où je vis n’a pas été touchée par la grippe porcine, mais le port du couvre bouche est fortement conseillé, chose qui est rendue difficile à cause de la rupture de stocks de masques dans notre région. Tout le monde doit porter le couvre-bouche pour les déplacements en zone d’activités humaines (banques, cimetière, magasins, etc.) et les gens réalisent et réagissent plus ou moins bien à la possibilité de contagion. En tout cas, la panique parmi la population est encore limitée grâce aux dispositions prises par le gouvernement. Il y a moins de monde dans les rues car la plupart des gens désirent rester chez eux. Cela a un effet pesant sur l’économie de notre région classée parmi les zones les plus déprimées économiquement du pays.

Alliance française Zacatecas
Christian dans les bureaux de l’Alliance française Zacatecas qu’il dirige.

Etes-vous bien informé de la situation ?

Je reçois de façon quotidienne par courriel les informations mises à jour du Consulat de France et des élus français (sénateurs) représentant la population française émigrée au Mexique. Je peux confronter la presse et les medias de différents pays (Mexique, France, Canada) et consulter régulièrement le site internet de l’OMS pour avoir une opinion plus objective de la situation. Je confirme que la presse et les médias français sont alarmistes à outrance. Cela risque de causer des problèmes dans le futur si notre président ne se calme plutôt que d’attiser les peurs et débuts de discrimination des Français envers les Mexicains. Sarkozy ne chercherait-il pas à utiliser la circonstance à des fins politiques ? En tout cas il représente la tendance européenne la plus agressive et discriminatoire, le temps nous montre toujours ce que les personnes sont réellement.

Selon vous, les autorités mexicaines ont-elles réagi vite et bien ?

Les autorités mexicaines ont réagi efficacement face à la situation : suspension des cours obligatoire dans les institutions éducatives, suspension temporaire des services de l’administration publique pour éviter les contacts, port du couvre bouche obligatoire, spots radio informatifs sur les principales radios nationales et régionales sur la détection rapide des symptômes de la grippe porcine (tous les 15 mn), spots tv informatifs toutes les heures, documentaires et programmes spécialisés en compagnie des spécialistes les plus reconnus du continent de façon quotidienne, fermeture des clubs sportifs, restaurants, centres culturels, cinémas, etc. Les mesures prises ont été rapides et obligatoires, ce qui aura dans un court terme une répercussion économique importante au Mexique et par conséquent en Amérique Latine.

Quelles sont les conséquences concrètes de ces événements pour vous et vos proches ?

Sur le plan personnel, aucune conséquence négative. On a passé plus de temps en famille, et j’ai profité du temps libre pour faire des réparations dans la maison. Avec toutes les précautions adéquates, on n’a rien à craindre. La grippe porcine n’est pas mortelle si on la détecte à temps. Elle est traitable avec des antibiotiques forts. Sur le plan professionnel, malheureusement les conséquences sont négatives. Chaque jour qui passe sans travail, nous perdons énormément de liquidités et d’entrées. Un professeur récemment embauché (lundi dernier) repart en France dans les prochains jours par peur d’être contaminé, ce qui indique le manque de responsabilités des medias français qui satanisent et généralisent la situation au Mexique.

Selon vous comment la situation va-t-elle évoluer ?

La situation ne peut que bien évoluer. Tout est apprentissage. Toutes les crises sanitaires permettent l’implantation de nouvelles règles de santé, plus actualisées et solides face aux modifications et évolutions des virus. Le côté positif ne peut être éliminé, cela permettra d’instaurer dans les esprits une nécessité pratique d’une hygiène plus stricte (tout en restant simple : se laver plus souvent les mains, ne pas cracher dans la rue, ...). Mes craintes sont causées par les medias qui créent un effet de séparation du peuple mexicain vis à vis des peuples étrangers, en utilisant des propos discriminatoires et alarmistes. Les Mexicains ne dorment pas avec les cochons, ils vivent dans des situations correctes d’hygiène, et n’ont aucune envie de propager la grippe porcine pour détruire le reste du monde. J’espère que l’épidémie pourra se limiter rapidement sur le plan international pour pouvoir retrouver une normalité dans les échanges internationaux et locaux.

Quel est votre regard de Réunionnais sur cette situation ?

Les Réunionnais et les Mexicains se ressemblent énormément, sur le plan culinaire, culturel, politique, et même de l’hygiène. Ce sont des personnes propres, ça c’est sûr. Ce sont aussi des personnes ouvertes et très accueillantes, ils sont fiers de leur culture et de leur pays. Comme je suis moi même marié à une mexicaine, il m’est difficile de critiquer le Mexique et les mesures prises pour affronter la crise de manière négative sans fondements, car tout a été vraiment très bien organisé pour gérer la situation.

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